L’inculpabilité face à la chaîne crisique recommencée

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L’inculpabilité face à la chaîne crisique recommencée

D’abord, que voudrait-on leur reprocher ? Un président black (sorry, Africain-Américain) et une secrétaire d’État entreprenante et féministe comme une harpie, comment voudrait-on qu’il n’y ait pas là un nid florissant de vertu postmoderniste ? Il est assuré que cette sorte de jugement entre en ligne de compte pour apprécier la performance de la direction américaniste Obama-Hillary. Comment voudrait-on leur reprocher quoi que ce soit, et comment, alors, ne pas s’incliner devant leur peine immense et élégamment contenue devant la mort de Christopher Stevens… Obama salue “Chris”, acteur essentiel semble-t-il de la libération de la ville de Benghazi : «It’s especially tragic that Chris Stevens died in Benghazi because it’s a city he helped to save. At the height of the Libyan revolution, Chris led our diplomatic post in Benghazi…he built partnerships with Libyan revolutionaries and helped them as they planned to build a new Libya…» Quant à Hillary Clinton, funèbre, elle affiche son incompréhension complète devant ces évènements : «How could this happen? How could this happen in a country we helped liberate, in a city we helped save from destruction?»

Russia Today a interviewé, ce 12 septembre 2012, Patrick Henningsen, analyste géopolitique sur le site UK Column, notamment sur l’attitude des dirigeants de le section américaniste du Système, précisément Obama et Hillary Clinton. Le problème que nous voulons aborder ici est ainsi bien posé, avec leur “naïveté” (celle de BHO et d'Hillary), la “bulle” où ils se trouvent et ainsi de suite. Henningsen parle à la fois de ces attitudes psychologiques et à la fois des attitudes et des ambitions géopolitiques de l’Ouest (notre “bloc BAO”), et là d’une façon qui nous semble contradictoire, – puisque mettant en situation d’une part cette attitude psychologique de totale incompréhension des évènements du monde, qui mérite bien entendu bien des développements, et les projets géopolitiques du bloc BAO qui vont continuer à être développés, selon une perspective qui laisserait sous-entendre leur succès, – et sur ce dernier point, bien entendu, nous dirons toutes nos réserves.

Russia Today: «These attacks happened in countries where Washington was directly involved in regime change. What does that say about the effect the revolts have had on the US?»

Patrick Henningsen: «This is a very interesting development and what you can deduce from this is that Washington and America are still living in their own Western bubble where they believe they don’t have any chain of responsibility for the events that have happened to transform countries like Libya, and Egypt to a lesser degree. There was a military intervention that killed thousands and thousands of civilians. So this event could easily be more than just an Islamic anti-American protest. It could have something to do with Gaddafi loyalists that are still being rounded up, arrested, and extradited – particularly the recent extradition of Abdullah al-Senussi, a deal which the US brokered for Libya.»

Russia Today: « Are the new governments of Libya and Egypt too ill-prepared to protect diplomatic premises, or were these events just too unpredictable?»

Patrick Henningsen: «You really have to look at this in a mature way. For the US to bomb and basically destroy a country and assassinate its head of state on worldwide television, and then for diplomats to go in, those diplomats have to realize that they’re not innocent. They are parties in a major war crime. So they have to on guard for that. To think there’s going to be normal diplomatic relations in a country like Libya – that’s totally unstable as a result of NATO intervention – is a bit naïve by western pundits and politicians in Washington and London. No one is innocent anymore. This is the new paradigm of Western aggression that they have to accept as a reality.» [...]

Russia Today: «What do you expect Washington's next step to be?»

Patrick Henningsen: «This is a tragedy, our hearts go out to the council workers and Ambassador Stevens and his family. But look – the US called all the dead Libyans “collateral damage” when they were working to take over the country. You can look at this recent death as “collateral damage.” This is still a part of the aggression. This is what’s called the blowback of Washington and London’s aggressive foreign policy. Ambassador Stevens and his staff are “collateral damage” of the western agenda to march forward and to radicalize parts of the countries and take over the Middle East in order to prepare for the eventual confrontation with Iran, with Israel by its side.»

Russia Today: «Why are the American diplomats paying this tragic price when the anger is supposedly directed at a film which has nothing to do with the government?»

Patrick Henningsen: «There’s more than meets the eye here. It’s not just about the film. This anti-Western, anti-American angst isn’t just about what this film was depicted as. This film will come and go. It will wash away. The real issue here is about the Western aggression – the violence and killing – from Afghanistan all the way to Libya. That is the big issue that people aren’t talking about.

»It’s not so much about a religion or clash of civilizations. It’s an anti-Imperialist angst that’s fueling this aggression towards America and some of Europe’s leading NATO countries. This is the price they will continue to pay. But the West will use this crisis as an opportunity to either balkanize these countries or introduce other military UN peace keeping forces, more small pockets of NATO troops. They’ll use this crisis as an opportunity as they always have done. So we need to look through the narrative, which is mainly a Western narrative.»

…Vous auriez tort, grand tort, de croire une seconde à leur duplicité, à une quelconque insincérité. Ces sapiens-Système (enlevons-leur la défroque passé de mode de la nationalité), de tous genres, espèces et sexes, corrompus jusqu’à la moelle, récitant la narrative comme on fait du catéchisme, signant sans sourciller des ordres d’assassinat de sang-froid, sont absolument exempts de toute pensée corrompue par rapport à la pureté, non de leur pensée ni de leur idéologie, mais bien la pureté de leur psychologie totalement maîtrisée par le Système. Ces brillantes intelligences pratiquent la stupidité par hallucination par rapport à la vérité du monde, avec un brio, une maestria qui arrachent des exclamations d’admiration. C’est le triomphe de l’inculpabilité et de l’indéfectibilité, caractères psychologique US étendus aux pays du bloc BAO, désormais déployée sous la protection grandiose de l’infraresponsabilité. (Dans ce F&C référencé, rappel des définitions des deux caractères mentionnés : «… L’infraresponsabilité qui apparaît pour donner une explication psychologique “globale” à un phénomène psychologique “global” (dans tous les cas, dans le chef du bloc BAO), permet d’assurer, de verrouiller les deux caractères essentiels de la psychologie américaniste devenue dans l’enthousiasme général américaniste-occidentaliste, que sont l’inculpabilité et l’indéfectibilité, c’est-à-dire respectivement l’incapacité de se percevoir comme coupable et l’incapacité de se percevoir comme vaincu, – ceci s’accordant à cela, comme dans les westerns (et l’analogie n’est pas qu’ironique).»)

Il va de soi que le Président et sa Secrétaire d’État constituent des spécimens exceptionnels du domaine. Ils sont au plus haut de la puissance et, n’ayant rien fait, – ni pu ni voulu faire, c’est selon et c’est leur affaire, – pour échapper à l’influence du Système qui devient écrasante et exclusive dès qu’on l’accepte sans résistance, ils sont par conséquent au plus haut de l’aveuglement, au plus haut possible dans l’inculpabilité et dans l’indéfectibilité, et dans la référence à l’infraresponsabilité pour ce qui est de définir dans quelle mesure ils sont responsables de quoi dans les avatars que rencontre une politique qu’ils jugent juste et rationnelle. Leur stupéfaction devant les évènements qui se déroulent le long du “printemps arabe”, en un remake de la chaîne crisique, ambassade US assiégée après ambassade US assiégée, est complète, sincère et sans la moindre échappatoire possible. Il n’y a rien à attendre d’eux, du point de vue de l’expérience de la catastrophe, des leçons éventuelles à en tirer et ainsi de suite devant la suite de revers, d’initiatives retournées contre leurs auteurs, de l’extraordinaire désordre géopolitique (mais aussi social, culturel, etc.) qu’a entraîné les conceptions nées d'une psychologie collective inspirée par le Système et évoluant selon des références et des impulsions continuellement faussées. Peut-être y aura-t-il des aménagements tactiques dans leurs projets ; par exemple, encore moins d’enthousiasme dans l’engagement en Syrie (ils n’en avaient guère pour l’aspect concrètement opérationnel, et d’ailleurs barrés en cela par les chefs militaires sous la houlette du général Dempsey). Sur le fond, rien, absolument rien de leur jugement ne sera changé, ce qui constitue effectivement pour nous la limite infranchissable de l’exercice opérationnel de cette “politique”, qu’on doit plutôt désigner comme une “posture politique” gouvernée par des évènements qui ont eux-mêmes leur propre logique. Au contraire le jugement faussaire et trompeur sortira renforcé de l’épreuve et ils recommenceront les mêmes erreurs en plus grand et en plus gras dès que possible.

…A moins, – ultime réserve, – que “l’épreuve” n’aille au-delà de ce qu’on imagine ; à moins qu’il n’y ait plus de moyens ni de latitude pour stopper cet enchaînement. Ce serait alors une autre histoire puisque la circonstance confronterait les USA au dilemme de devoir retraiter en déroute, – chose impensable, sans aucun doute, – ou de devoir se laisser entraîner dans une spirale déstructurante pour eux-mêmes, leur imposant à eux-mêmes le sort qu’ils ont fait subir à beaucoup d’autres ; donc, une autre histoire, mais une histoire très fascinante comme on s’en doute parce qu’elle nous parle directement de la course d’effondrement du Système.


Mis en ligne le 13 septembre 2012 à 18H32