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1724La position de l’Inde vis-à-vis de l’Iran apparaît comme un enjeu important de la bataille d’influence en cours autour de l’Iran, comme le montre indirectement cet article du Times of India du 14 février 2012. L’article en est une indication sérieuse, tant par sa publication elle-même que par son contenu. L’attitude indienne est celle d’une résistance affirmée face à ces pressions, et d’un certain malaise devant certains aspects de ces pressions, notamment celles d’Israël et d’organisations juives (essentiellement l’American Jewish Committee, nommément citée, ainsi que la forme de ses interventions).
L’article aborde deux aspects de la position politique de l'Inde dans la crise iranienne : ses relations avec l’Iran et la question des récents attentats (ou “attentats”) contre des ambassades israéliennes, dont celle de La Nouvelle Delhi.
«Unfazed by US sanctions and Israel linking Tehran to the attack on an Israeli embassy car here, India is set to ramp up its energy and business ties with Iran, with a commerce ministry team heading to Tehran to explore fresh business opportunities. The team is expected to go to Tehran later this month to discuss steps to expand India's trade with Iran, part of a larger strategy to pay for Iranian oil, said highly-placed sources.
»Despite the US and European Union sanctions on Iran, India recently sealed a payment mechanism under which Indian companies will pay for 45 percent of their crude oil imports from Iran in rupees. Not just oil, India is also stepping up the refurbishing of the Chabahar Port in Iran and a strategic railway link that will offer it direct access to Afghanistan and the energy-rich Central Asia. […]
»India is uneasy at Israeli accusations about Iran's hand in the Monday bombing that targeted an Israeli embassy car, badly injuring the wife of the Israeli defence attache.
»India, the sources said, does not want to be drawn into a diplomatic war of words between Tehran and Tel Aviv. Iran has rubbished Israeli charges as “empty lies”. But with Israel launching a diplomatic offensive and the American Jewish Congress (AJC) asking India to scale down its engagement with Iran, New Delhi could come under renewed pressure from the West to cut off ties with what the Americans say is a rogue regime.
»India has launched a probe into the terror attack. “The probe is on,” is all Indian officials would say. K.C. Singh, a former Indian ambassador to Iran, told IANS: “Anything is possible. We have to wait and watch.” Ajai Sahni, a terrorism expert, said it was very unlikely that the attack would ever be traced to the Iranian state…»
L’article s’appuie sur des “sources” gouvernementales autant que sur des avis identifiés d’experts indépendants qui constituent un renforcement des précisions données par ces sources. L’ensemble, au niveau des relations économiques, confirme les analyses et certaines précisions données par M K Bhadrakumar, le 10 février 2012, en y ajoutant d'autres précisions sur d’autres initiatives de coopération “‘stratégique” entre les deux pays. L’idée de M K Bhadrakumar, selon laquelle cet aspect (les relations économiques Inde-Iran) est effectivement stratégique et fondamental dans la politique indienne, en sort renforcée.
Les précisions sur l’attentat anti-isralien sont, justement, assez imprécises pour montrer qu’un doute sérieux existe chez les Indiens sur l’origine de cet attentat. A tout le moins, le gouvernement indien ne tient nullement pour absurde l’affirmation iranienne selon laquelle ces opérations pourraient être des montages anti-iraniens. L’intervention des organisations juives rend l’atmosphère encore plus pressante et passionnelle et confirme que l’Inde est une cible privilégiée, sinon la cible principale de la campagne lancée par le bloc BAO pour modifier les soutiens implicites apportés à l’Inde.
C’est nécessairement dans ce cadre et à la lumière de ces précisions qu’il faut désormais placer la décision de l’Inde en faveur de l’avion de combat français Rafale. On a déjà dit que cette décision avait une dimension politique extrêmement forte, pour des raisons aussi bien structurelles que conjoncturelles. C’est sur ce dernier aspect (“raisons structurelles”) qu’on doit insister ici. Il nous paraît inévitable, si l’Inde ne cesse de confirmer son attitude vis-à-vis de l’Iran comme elle le fait, que les pressions d’influence diverses, notamment de la part des réseaux d’influence activés par les Israéliens, vont s’accentuer et suivre tous les biais possibles pour exprimer cette influence. Cet aspect de l’offensive israélienne est conduite par la faction Netanyahou-Barak, qui veut une attaque de l’Iran pour cet été et qui dispose d’une forte influence sur les organisations juives US. Le cas du Rafale devrait alors apparaître d’une façon indirecte, pour justifier des pressions sur la France également.
• La France, impeccable dans sa participation active à la “politique-Système de l’idéologie et de l’instinct” d’interférence et d’intervention, notamment en Libye et en Syrie, montre une ligne beaucoup plus sinueuse, et violemment sinueuse, vis-à-vis de l’Iran. D’une part, elle a jusqu’ici montré un maximalisme sans faille pour l’embargo du pétrole, dont l’avis majoritaire est qu’il constitue un détonateur inéluctable pour une guerre et une attaque contre l’Iran ; d’autre part, Sarkozy affirme et répète qu’une attaque contre l’Iran serait un évènement catastrophique qu’il faut éviter à tout prix. On notera, sans plus de commentaires, le zeste de schizophrénie, produit de l'intelligence diplomatique française dans ses basses eaux, qu'on trouve dans ces deux positions.
• Dans ses relations avec l’Inde à la suite du choix du Rafale, et surtout dans la phase des négociations pour le contrat, cette position ambivalente et très extrême dans ses deux thèmes fait des Français une double cible de facto (même si cela n’est pas explicité de la sorte) : une cible des extrémistes du bloc BAO, dont les Israéliens de Netanyahou, selon l’argument, sinon l’accusation, que les Français accentuent ce qui deviendrait un “double jeu” vis-à-vis de l’Iran, revenant finalement à ménager l’Iran pour ne pas interférer sur la position indienne et compromettre le contrat Rafale. Une cible également pour les Indiens, pour justement avoir un soutien français indirect de la politique iranienne de l’Inde, et lutter contre les pressions anti-indiennes, en confirmant qu’ils ménagent l’Iran.
• Bien entendu, les pressions du bloc BAO, cette fois des factions anglo-saxonnes, seront d’autant plus fortes qu’elles auront comme seconde cible la volonté de faire capoter le contrat Rafale, selon l’idée qu’un durcissement imposée à la France dans l’affaire iranienne pourrait effectivement pousser l’Inde à revoir sa décision. Pour quelle alternative, dirait-on ? Un avion tout autant “anti-iranien” puisqu’en bonne partie britannique, comme le Typhoon ? Là n’est pas la question dans ce cas précis, la question ne portant que sur l’aspect négatif de faire échouer à tout prix toutes les possibilités d’exportation du Rafale, par simple souci prédateur de détruire le seul programme qui, dans le bloc BAO, interfère sur la domination dictatoriale de l’industrie d’armement américaniste avec son appendice anglo-saxon. Par son ampleur, par l’écho et les polémiques qu’il a déclenchés, par les conséquences possibles (choix du Brésil ?), le contrat indien est devenu soudain, d’une façon impérative et irrésistible, déterminant pour l’avenir du Rafale. (Cela, à la différence de ce que Dassault estimait jusqu’alors, que la clef de l’avenir du Rafale se trouvait dans le contrat encore en négociation des EAU, beaucoup plus “confortable” politiquement.) Aujourd’hui, la chose est devenue évidente : si le contrat indien est signé, et seulement s’il est signé et bouclé, le Rafale devient une formidable puissance à l’exportation, et il secoue le joug anglo-saxon dans ce domaine stratégique des armements et des avions de combat d’une façon peut-être décisive ; s’il est compromis et abandonné, ce serait un coup politique mortel porté au Rafale parce qu’une telle issue serait interprétée, à tort ou à raison qu’importe mais de façon de plus en plus évidente, comme la démonstration politique que la France n’est plus indépendante et ne peut plus être considérée comme une puissance autonome et fiable dans sa politique d’exportation des armements stratégiques. (Cette politique a été instituée comme l'un des axes opérationnels fondamentaux de la politique générale d'indépendance mise en place dans la période gaullienne.)
… C’est une situation intéressante du point de vue français, disons pour ceux qui aimeraient voir mise en cause la politique-Système mise en place depuis 2009. Toutes les factions politiques françaises, les sarkozystes en premier, sont à fond derrière le Rafale dans cette affaire, pour toutes les raisons du monde (sociale, économique, industrielle, stratégique, etc.). On voit que les interférences portent dans l’immédiat, dans les mois et les semaines qui viennent, sur un des grands axes de la “politique-Système de l’idéologie et de l’instinct”, par le biais des pressions exercées sur l’Inde (et sur les pays du BRICS par extension, où se trouve l’un ou l’autre acheteur potentiel du Rafale). L’enjeu est en train de devenir énorme pour la France, en réunissant d’une façon inattendue, notamment par sa vitesse, le sort du Rafale et la politique iranienne de la France, dans une occurrence de confrontation tartinée de formidables pressions externes implicites et explicites. Les antagonismes schizophréniques et les contradictions internes ne manquent pas, puisqu’on trouve dans nombre de centres de pouvoir français des partisans acharnés de la ligne dure du bloc BAO et des partisans tout aussi acharnés du soutien au programme Rafale dans cette occurrence fondamentale, et souvent chez les mêmes. Les surprises de la globalisation et d’une politique-Système qui ne cesse de se développer vers tous les extrémismes ménagent des situations extrêmement intéressantes. Le général de Gaulle peut commencer à ricaner dans sa tombe.
Mis en ligne le 15 février 2012 à 05H35
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