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30 novembre 2003 — Le sommet de Naples restera comme le sommet de la désunion devant l’élargissement, et devant diverses autres choses qui en dépendent, — et comme le sommet de l’inéluctabilité d’une défense européenne. Un accord a été signé par les ministres, sur propositions des trois grands pays (Allemagne, France, UK), qui doit être définitivement ratifié au sommet de Bruxelles (chefs d’État et de gouvernement).
Le 30 novembre, après le sommet, des doutes subsistaient sur le texte de l’accord, notamment à cause des pressions US sur les Britanniques. Le commentaire de The Independent sur cette question, sans aucun doute nous dit tout sur l’incroyable position des Britanniques à cause de leurs liens avec les Américains, — incroyable pour la souveraineté nationale de ce pays, dont la sensibilité à cet égard est connu : c’est évidemment le cas lorsqu’un journal comme The Independent peut écrire que les Britanniques “attendent le feu vert” des Américains pour signer l’accord...
« The Government was last night battling to calm American fears over its deal on European Union defence, ahead of the arrival of Donald Rumsfeld, the US Defence Secretary, in Brussels today for talks at Nato.
» A controversial package of measures on defence dominated a meeting in Naples which backed plans for an EU foreign minister, and heard calls for the main issue blocking a deal on a new European constitution to be fudged.
» Although it was hailed as a "breakthrough" by France, the text of the defence deal between London, Berlin and Paris has still not been agreed, apparently because Washington has not given the UK the green light to sign up. »
Ces difficultés, qui devraient continuer, n’empêcheront pas la défense européenne de progresser. C’est aujourd’hui devenu une nécessité inéluctable de l’existence de l’Europe, selon les normes établis par les Européens eux-mêmes. (« On peut dire que l'embryon d'une défense européenne est en route et que c'est un processus irréversible », selon le ministre belge des affaires étrangères Louis Michel.) Les principaux pays européens savent que, face aux énormes difficultés de l’élargissement, la défense est le seul domaine d’une puissance suffisante pour faire avancer la construction européenne, donc le seul domaine capable d’empêcher des revers irréversibles du processus général. Les Britanniques savent que, s’ils ne suivent pas les Franco-Allemands, ceux-ci iront seuls de l’avant, avec quelques pays qui les accompagnent, et formeront évidemment le coeur de la puissance militaire intégrée de l’Europe.
Finalement, si on place l’histoire européenne en perspective, particulièrement ses tumultueuses dernières années comparées aux prévisions et aux diverses espérances suscitées par le processus européen depuis 1956, on s’aperçoit que le domaine décisif, sinon principal de la construction européenne, pourrait effectivement s’avérer être la défense.C’est un paradoxe dans la mesure où l’une des “certitudes” souvent avancées pour l’Europe était justement que la défense serait à la fois la matière la plus retardatrice de l’union européenne et, dans tous les cas, la moins intégrée.
(Lorsque nous parlons de “domaine décisif, sinon principal”, nous entendons par là un domaine assez puissant pour susciter effectivement une prise de conscience au sein des relations internationales et une affirmation majeure, dans tous les sens des termes. C’est le cas de la défense, parce qu’elle est fondée sur l’autonomie pour exister, ce qui conduit à la constitution d’une “puissance européenne”, parce qu’elle seule peut donner l’impulsion décisive pour écarter l’allégeance européenne aux USA, parce qu’elle seule pour donner à l’Europe un poids de véritable puissance dans les relations internationales.)
Aujourd’hui, la défense donne le vrai et le seul rythme de l’Europe, de la construction européenne. Elle est la mesure de la réalité européenne. Elle seule peut ramener les récriminations et les mauvaises humeurs des pays accessoires, qui suivent un dessein personnel, et forcer à un regroupement des 25 autour des principales puissances européennes, comme ce fut le cas à Naples.