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589Nous avons, dans le précédent article « De la résistance de l'Esprit à l'esprit de résistance », examiné le processus menant d'une situation où l'Esprit immanent exerce invisiblement son action d'harmonisation sur la collectivité des hommes, à une autre, où cet exercice s'est interrompu, du fait même d'une grave altération de la participation consciente du corps social à un échange qui lui était bénéfique. Dans cette situation nouvelle, à laquelle la civilisation chrétienne a fini par aboutir, privée de l'inspiration du Principe, l'Occident avance à l'aveuglette, multiplie les comportements irrationnels, qui sont autant d'erreurs si on les considère par rapport à des lois naturelles qui, elles, fonctionnent imperturbablement de la même façon depuis l'origine de la Création. Une telle perte de repères mène tout droit à la folie et au chaos comme nous pouvons le constater en ce moment même presque partout dans le monde.
Cependant, un dispositif bien méconnu existe, permettant aux populations d'échapper au destin fatal auquel elles sont promises. En effet, si, de par la rupture quasi totale qui s'est produite, les bienfaits inhérents à la situation harmonieuse vécue à l'origine ne peuvent plus être distribués à l'ensemble des nations occidentales, un mécanisme providentiel permet tout de même de continuer à diffuser ceux-ci individuellement à ceux et celles que la Providence entend favoriser, simple conséquence de l'action de la loi universelle d'équilibre et de compensation.
L'existence de cette loi, et son application effective, aide à nous faire mieux comprendre que le monde et l'humanité ont été, sont, et seront toujours soumis à des lois naturelles dont, jusqu'ici, la science positive moderne n'a pu percevoir le mode et l'emprise réelle de leur fonctionnement, leurs influences, qui nous affectent directement, provenant d'un univers auquel nous sommes hiérarchiquement soumis, et au sein duquel les échelles du temps et de l'espace diffèrent des nôtres dans des proportions gigantesques.
Il est donc bien entendu, pour celui qui sait observer et qui dispose des outils pour le faire, que la lente dégradation à laquelle est soumise la civilisation occidentale, n'est pas une fatalité menant irrémédiablement celle-ci vers l'abîme. Concomitamment, d'autres mécanismes agissent parallèlement afin de redonner à une humanité épuisée et devenue folle, mais toujours aussi indispensable aux buts cosmologiques de la Création, de nouvelles chances de rétablir l'harmonie avec les lois et mécanismes universels.
Ainsi, à chaque stade de l'histoire marqué par un degré spécifique de dégradation spirituelle, ont toujours correspondu des dispositions providentielles permettant un rattrapage. Du fait même que nous vivons sous l'emprise permanente des illusions et des mensonges qui sont la spécificité même de notre monde, peu nombreux sont les hommes s'étant rendu compte de la lente dégradation qui les affectait d'une part et, d'autre part, encore moins nombreux ceux ayant décelé la nature du secours qui avait été mis à leur portée.
Notre époque, tout particulièrement marquée par une rupture totale de relation avec« les puissances de l'air » comme les appelait Saint Augustin, ne se trouve ainsi point privée des bienfaits de la Grâce. Marquée profondément par la tyrannie d'un scientisme outrancier, complètement fermée au monde de l'Esprit et à l'idée même de son existence, elle a tout de même suscité des figures iconoclastes qui, par leur renommée mondiale, ont su affirmer, contre vents et marées et au risque de perdre leur réputation, l'existence du monde de l'Esprit et son indéniable influence sur la société humaine. Carl Gustav Jung, médecin et psychanalyste célèbre, fait partie de celles-là au début du siècle précédent. Ses convictions, dans ce domaine, livrées au travers de très nombreux écrits, ne font aucun doute. « L'Ame et la Vie », recueil d'articles rassemblés après sa mort, nous permet d'appréhender l'extraordinaire profondeur de sa connaissance du sujet dont il avait évalué l'importance, jugée décisive pour la société future. J'avais été frappé par l'affirmation suivante :
« Que l'on n'imagine pas que l'on comprend le monde uniquement par l'intellect ; on le comprend tout autant par le sentiment. Aussi le jugement de l'intellect représente-t-il tout au plus la moitié de la vérité ; et il doit, s'il est sincère, avouer son insuffisance . Il y a des dons de l'esprit ; il y en a aussi du cœur qui ne sont pas moins importants. Mais on les oublie facilement parce que, dans ces cas-là, l'intelligence est souvent plus faible que le cœur. Et pourtant, les hommes de cette sorte sont souvent plus utiles et plus précieux pour le bien de la société que ne le sont les autres ».
Comment ne pas reconnaître, dans ces quelques phrases, la localisation et la nature du mal qui affecte si profondément la civilisation occidentale aujourd'hui ? Comment ne pas y voir également un repère posé sur le parcours de l'histoire par la Providence ? Nous aurons, j'espère, l'occasion de revenir sur ce volet de l'œuvre de CG Jung qui, d'ailleurs, n'est pas le seul à vouloir nous montrer le chemin à suivre.
Plus près de nous, et dans son célèbre ouvrage « De l'Unité Transcendante des religions », le philosophe et métaphysicien de la Tradition Frithjof Schuon, décrit, mieux encore, le processus de rattrapage objet de cet article :
« la déchéance cyclique entraîne une obscuration quasi générale, et va en même temps de pair avec un accroissement plus ou moins considérable des populations, surtout de leurs couches inférieures ; or, ladite déchéance implique une tendance cosmique complémentaire et compensatrice qui agira à l'intérieur même de la collectivité sociale afin de restaurer au moins symboliquement la qualité primitive : premièrement, cette collectivité sera comme percée par des exceptions, et cela pour ainsi dire parallèlement à son accroissement quantitatif, comme si l'élément qualitatif (ou « sattwique », conforme à l’Être pur) contenu dans la collectivité envisagée se concentrait, par un effet compensateur de la dilatation quantitative, sur des cas particuliers ; deuxièmement, les moyens spirituels seront de plus en plus aisés pour ceux qui sont qualifiés et dont les aspirations sont sérieuses, et cela en raison de la même loi cosmique de compensation ».
Il va sans dire, si le lecteur a bien suivi le fil de cet article, que ces affirmations de Frithjof Schuon s'avèrent capitales au yeux de tous ceux qui recherchent les moyens qui sont encore à notre disposition pour permettre à notre civilisation occidentale et, ne l'oublions pas, chrétienne, de sortir de l'impasse dans laquelle elle se trouve.
On peut, bien entendu, ne pas croire à l'existence d'une telle possibilité ; je répondrai alors simplement, à ceux qui manifestent un tel sentiment, que nous sommes littéralement cernés, de nos jours, par les milliers de ces cas particuliers qui sont autant de preuves vivantes de l'émergence de ce phénomène. Frithjof Schuon précise en outre, que, pour les cas considérés, les moyens spirituels leur seront de plus en plus aisés ; en réalité, les choses vont bien au-delà, et dépassent largement les seules possibilités d'amélioration personnelle, une implémentation accélérée de nouveaux concepts dans la conscience de la société civile étant un des aspects des talents multiples auxquels celle-ci peut compter pour s'extraire de sa folie.
Sans doute jugera-t-on délirants les éléments développés dans cet article, comme l'on peut juger encore plus délirantes les tentatives pathétiques d'utiliser sans discontinuer les mêmes recettes qui ne marchent jamais, afin de résoudre les problèmes que nous rencontrons, recettes gentiment mises à notre disposition par un système que l'on croit combattre, et dont le cœur nucléaire tient à pérenniser ses pouvoirs et ses privilèges au-delà de toutes limites. En politique, par exemple, une très grosse majorité reste toujours persuadée qu'elle a encore son mot à dire ; c'est proprement ridicule et, sur ce plan particulier, un effort de rééducation conséquent va devoir être entrepris, mais seulement par ceux et celles qui auront assimilé la marche occulte du système. En réalité, et sur un plan purement métaphysique sur lequel je reviendrai plus tard, notre monde caractérisé par les illusions et les mensonges, participe d'une certaine manière à la marche de l'univers, et ceux qui veulent s'en extraire, de par leurs qualités et dispositions innées qui finissent par leur en révéler la supercherie, le font pour pouvoir accéder à un autre monde dans lequel ils se reconnaissent. Cette démarche, ne va pas sans des obstacles et des difficultés énormes.
Les conseils et indications salutaires donnés par Carl Gustav Jung, Frithjof Schuon et d'autres vers lesquels nous ne manquerons pas de nous rapprocher plus tard, nous confirment l'existence de lois cosmiques et naturelles qui ont ceci de particulier, qu'elles s'appliqueront de toute manière quel que soit l'état du monde, même dans des situations semblant irrémédiablement dégradées pour cause de catastrophe naturelle, conflits majeurs, etc. Si donc nous sommes convaincus qu'une telle réalité représente une opportunité sans précédent d'amoindrir très sensiblement la gravité des catastrophes vers lesquelles nous nous dirigeons, autant participer et aider à la conclusion rapide d'un processus irréversible dont le principal objet vise à remplacer des élites ayant manifestement atteint depuis longtemps leur seuil d'incompétence, par de nouvelles, aptes à gérer efficacement les impératifs d'une époque nouvelle, d'un nouveau cycle, qui sera placé sous l'égide de l'Art.
Il n'existe, en effet, que quatre modes mis à la disposition de la société des hommes et par lesquels celle-ci peut, depuis l'antiquité, exprimer le meilleur d'elle même : la philosophie, la religion, la science et l'Art. Chaque cycle précédent a ainsi été marqué par l'influence prépondérante d'un de ces modes : l'antiquité par la philosophie, puis jusqu'à la fin du Moyen-âge par la religion, puis depuis la Renaissance jusqu'à nos jours, par la science et sa technique. Bien entendu, le lecteur ne doit pas comprendre que chacun de ces modes s'exerçait de façon exclusive, mais que chacune de ces époques étant profondément marquée par l'un d'eux, les autres subissaient, d'une certaine manière sa loi. C'est ainsi que, par exemple, la religion, au cours du Moyen-âge, ayant atteint sa pleine puissance, les sciences, qui existaient bien à cette époque, étaient en quelque sorte « religionisées ». De même, pour ce qui concerne la Renaissance, la religion, subissant l'influence d'une science en plein essor, s'est vue « scientifiée ». L'époque dans laquelle nous sommes sur le point d'entrer, sera, elle, marquée par la prédominance de l'Art. Il ne s'agit pas, bien entendu, d'une hégémonie de toutes les formes d'art, mais de l'inclusion, dans cette époque même, du meilleur de ce que chaque époque précédente a connu. Cette synthèse, qui verra naître pour la première fois des échanges harmonieux entre la philosophie, la religion et la science, sera, elle, placée sous l'égide de l'esthétique dont l'importance et la prépondérance apparaîtront graduellement à la conscience des sociétés humaines. Est-il encore besoin de préciser, que l'accession à ce dernier mode d'expression de l'humanité, verra le retour effectif et triomphal de sciences tant décriées et combattues depuis l'aube des temps, telles que l'Art royal alchimique, l'ésotérisme, la science des nombres, dans leurs formes les plus abouties, c'est-à-dire, toutes réunies dans la Gnose chrétienne ?
Krishnamurti affirmait que : « Ce n'est pas un signe de bonne santé mentale que d'être bien adapté à une société malade ». Rajoutons, pour conclure, que, de nos jours, les inadaptés sont légions, qu'il y a une raison profonde à cela, et qu'en réalité ils représentent l'opportunité majeure que notre société doit saisir.
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