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1218Musardant dans les colonnes toujours passionnantes de Tom Engelhardt, dans sa dernière livraison du 20 novembre, nous trouvons un texte consacré à, si l’on veut, la “dernière ligne de défense” du Pentagone pour ne pas quitter l’Irak. (La bataille, évidemment, se livre entre le Pentagone et la direction politique US, pas en Irak même.) Engelhardt référence notamment deux liens, un de Robert Dreyfuss de The Nation, du 13 novembre, l’autre du Washington Post du 17 novembre, qui renforcent son propos. (Voir aussi, puisque nous y sommes, le Wall Street Journal du 17 novembre.)
Mais citons Engelhardt:
«It's the ultimate argument, the final bastion against withdrawal, and over these last years, the Bush administration has made sure it would have plenty of heft. Ironically, its strength lies in the fact that it has nothing to do with the vicissitudes of Iraqi politics, the relative power of Shiites or Sunnis, the influence of Iran, or even the riptides of war. It really doesn't matter what Iraqi Prime Minister Nouri al-Maliki or oppositional cleric Muqtada al-Sadr think about it. In fact, it's an argument that has nothing to do with Iraq and everything to do with us, with the American way of war (and life), which makes it almost unassailable.
»And this week Chairman of the Joint Chiefs Mike Mullen – the man President-elect Obama plans to call into the Oval Office as soon as he arrives – wheeled it into place and launched it like a missile aimed at the heart of Obama's 16-month withdrawal plan for U.S. combat troops in Iraq. It may not sound like much, but believe me, it is. The Chairman simply said, “We have 150,000 troops in Iraq right now. We have lots of bases. We have an awful lot of equipment that's there. And so we would have to look at all of that tied to, obviously, the conditions that are there, literally the security conditions… Clearly, we'd want to be able to do it safely.” Getting it all out safely, he estimated, would take at least “two to three years.”
»For those who needed further clarification, the Wall Street Journal's Yochi J. Dreazen spelled it out: “In recent interviews, two high-ranking officers stated flatly that it would be logistically impossible to dismantle dozens of large U.S. bases there and withdraw the 150,000 troops now in Iraq so quickly. The officers said it would take close to three years for a full withdrawal and could take longer if the fighting resumed as American forces left the country.”
»As for the Obama plan, if the military top brass have anything to say about it, sayonara. It's “physically impossible,” says “a top officer involved in briefing the President-elect on U.S. operations in Iraq,” according to Time Magazine. The Washington Post reports that, should Obama continue to push for his two brigades a month draw-down, a civilian-military “conflict is inevitable,” and might, as the Nation's Robert Dreyfuss suggests, even lead to an Obama “showdown” with the military high command in his first weeks in office.»
Il est vrai qu’attirés irrésistiblement par les démêles d’Obama avec le CMI (complexe militaro-industriel) à propos du système BMDE, nous avions peu prêté attention aux démêlés du même tonneau à propos de l’Irak. La chose est réparée. Par ailleurs, on constatera que c’est la même chose…
Dans les deux cas, un affrontement effectif ou un affrontement possible d’Obama avec le CMI s’amorce, non pas sur la matière même d’une querelle qui, en principe et officiellement, n’existe pas, mais sur les procédures autour de cette matière. Ici, l’on pinaille à propos de technique ou de coups de téléphone mal compris, là on parle de capacités de démontage, de rapidité du retrait, de logistique cahotante et ainsi de suite. Nulle part, on ne s’affronte sur quelque chose d’essentiel, sur la politique en Irak, sur la nécessité d’y être ou la décence de n’y plus être, sur le poids de cette guerre sur la situation économique US (sur la cause du projet BMDE en Europe, sur sa “vertu” déstabilisante, etc.); non, il est simplement question d’une comptabilité bureaucratique et des exigences de la logistique, transcrites en termes US, – c’est-à-dire en termes monstrueux. Envisager un minimum de 2-3 ans pour évacuer un corps expéditionnaire de 150.000 hommes nous paraît moins une manœuvre dilatoire qu’une impitoyable réalité du monstrueux Pentagone, dit Moby Dick. Il nous semble vraisemblable que le Pentagone, et notamment l’amiral Mullen, n’exagèrent pas vraiment en avançant ces exigences chronologiques et pharaoniques pour un retrait d’Irak. («This would, as the military now portrays it, be an American Dunkirk stretching on for years», comme le résume ironiquement Engelhardt.) Il est fort possible qu’il faille vraiment ce temps pour évacuer le corps expéditionnaire US d’Irak. Cela ne ferait que refléter au niveau opérationnel l'incapacité de ce même Pentagone de produire un programme d’avion de combat sans ruiner l’USAF et les Etats-Unis d’Amérique, ou un programme d’avions ravitailleurs en vol sans déclencher une guerre transatlantique et les foudres des tribunaux.
Quoi qu’il soit de l’innocence approximative du Pentagone, il est vrai qu’Obama, s’il veut suivre son programme électoral (c’est encore à voir), ou dans tous les cas s’il veut un retrait d’Irak (même cela n’est pas assuré), trouvera en face de lui la pesanteur bureaucratique du monstre, ses arguments incompréhensibles et encombrés d’acronymes divers, ses calculs sans fin et ses labyrinthes de services d'évaluation. Il est probable que le nouveau président y verra une manœuvre d’obstruction, parce que la chose semblera évidente pour lui. (D’ailleurs, et pour contredire ce qui précède, ce sera une manœuvre d’obstruction autant qu’une nécessité de lourde et implacable logistique; les deux cohabitent et prospèrent ensemble.) Dans tous les cas, l’aventure irakienne se réduira à ce qu’elle est vraiment : une bataille bureaucratique qui ne sert qu’à mettre en évidence et en fonction opérationnelle l’impotence obèse et obscène de la puissance US et la crise du pouvoir washingtonien.
Mis en ligne le 21 novembre 2008 à 06H45
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