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317Francis Tulsa est un commentateur des questions de défense éminemment respecté. Il contribue au New Satesman et il est rédacteur en chef de la revue Defence Analysis. On peut le qualifier d’esprit assez indépendant par rapport à nombre d’analystes anglo-saxons mais il reste de l’école anglo-saxonne qui considère les relations avec les USA comme le point central de la politique de sécurité nationale du Royaume-Uni. L’intérêt de l’article qu’il a fait paraître dans le numéro de novembre 2009 de Defence Analysis, qu’on peut trouver en accès direct sur le site Second Line of Defense, est bien entendu dans la mise en cause de ces relations telles qu’elles existent aujourd’hui.
Tulsa appuie son argumentation sur deux nouvelles :
• La réalité des rapports entre militaires britanniques et militaires US en Irak, révélée lors des auditions en cours à Londres sur le cas de la guerre en Irak et rapportée notamment par le Daily Telegraph du 22 novembre 2009.
• L’affaire, que nos lecteurs connaissent bien, du refus de livraison des codes sources par les Américains du programme JSF aux alliés, et notamment aux Britanniques à qui ces codes sources ont été promis à plusieurs occasions.
La conclusion de Tulsa porte donc sur la réalité de ces “special relationships” et pose implicitement des questions fondamentales à leur sujet.
«Some people have got to start coming up with some very strong arguments – backed up with proof, not empty wishes – why the recent announcement about JSF source codes does not mean that the program will resemble both Hawk and Tracer, that is that there isn't any form of realistic, meaningful alliance or partnership present here, and that the JSF “partners” are actually just customers, with little or no control as to the direction that the program runs now and into the future, and at unknown costs.
»There was a long-lived saying, “What's good for GM is good for America”. Now, that might not be quite as accurate now that GM is on its knees, but one might transpose the saying to those who expound the “Special Relationship” to the Nth degree to, “What's good for the USA is good for the UK”.
»It ought to have been patently obvious for several decades that this isn't entirely true, but it does seem to have been a guiding principle for many politicians and military personnel. Those who believe that the UK should have a good, well-developed relationship with the USA need to start to lose the scales from their eyes: the USA will always act in its own self-interest, as well it might.
»The UK needs to work out what its real self interest is, and that is patently obviously not one where the UK is subservient to Washington. Those who blithely state that the UK is able to bring forth straight talking in discussion with US politicians/soldiers need to show what has been really achieved by this, because the evidence from the Iraq reports, as well as the state of play over JSF show that on a broad front, neither the deployment of tens of thousands of troops, nor the spilling of blood, nor the spending of billions of pounds actually achieves much. The appearance might be of a seat at the “Top Table”, but the reality is rather different.»
@PAYANT Cette intervention de Tulsa est intéressante, moins par ce qu’elle apporte de nouveau (peu de choses, en vérité) que par le ton et les considérations générales qu’on y trouve. Tulsa a une certaine influence dans les milieux militaires et de la bureaucratie de sécurité nationale du Royaume-Uni, là où, justement, persiste avec le plus de force le dogme de la nécessité de maintenir ces relations UK-USA dans l’état. C’est en effet à ce niveau que se pose le problème. Les liens établis entre les deux pays à ces niveaux techniques de sécurité nationale sont si nombreux qu’ils ont engendré au Royaume-Uni (mais nullement aux USA, comme l’explique bien Tulsa) une bureaucratie dont l’intérêt et de les faire perdurer, et ce sont les analyses et conseils de cette bureaucratie qui prédominent dans les informations qui remontent vers le pouvoir politique pour déterminer la politique britannique à cet égard. Rarement, en effet, une politique générale aussi importante d’acceptation de sujétion à un autre pays aura autant dépendu, dans l’état actuel de ces relations, des seules pressions du domaine bureaucratique concerné.
Il est vrai que l’affaire des codes sources du JSF (refus US de livrer ces codes sources) joue un rôle prépondérant, dont on n’a peut-être pas encore assez mesuré l’importance. (La raison en est que les Britanniques semblent avoir jusqu’ici cru que les USA bluffaient, et qu’ils leur livreraient finalement ces codes sources. D'où l'immense choc de découvrir qu'il n'en sera rien.) Quand on observe l’effet que le refus récent et, semble-t-il, définitif, des USA de livrer ces codes sources malgré des engagements en sens contraire ces dernières années paraît provoquer au Royaume-Uni, on est conduit à envisager qu’il puisse s’agir là d’un véritable point de rupture. Si les Britanniques en venaient à modifier leur position sur le JSF (réduction de commande, par exemple, dans tous les cas dans un premier temps), on ne devrait pas considérer cette décision dans le seul cadre de la question du JSF, mais, au-delà, dans le cadre plus large de la mise en question des “special relationships” jusqu’au sein même de la bureaucratie. Il semble que cette bureaucratie de sécurité nationale britannique en soit arrivée à faire de cette question, d’ailleurs sans le chercher précisément, simplement par l’importance objective qu’a pris la chose, un cas fondamental des relations qu’elle entretient avec les USA – peut-être, même, le cas de la possibilité du lancement d’un processus de rupture.
Puisqu'il apparaît que la position de la bureaucratie du Pentagone sur la question semble absolument intangible, peut-être même pour des raisons indépendantes de sa volonté, il semble donc qu’on puisse avancer qu’il y a là un cas d’une extrême importance. L’article de Tulsa vient éclairer tout cela, et nul doute qu’il représente une perception en train de devenir majoritaire dans la catégorie des commentateurs et analystes proches des questions de défense. L’importance de l’événement se mesure en ceci, qu’on a déjà mentionné, que les “special relationships” ne dépendent plus, aujourd’hui, dans leur puissance et leur aspect institutionnel, que de la communauté de défense du Royaume-Uni, des analystes à la bureaucratie. Si cette communauté en vient à la conclusion que ces “special relationships” ne sont plus un impératif indiscutable de la politique générale du Royaume-Uni, l’effet dans ce sens se fera très rapidement sentir au niveau des politiques, et de la politique fondamentale du Royaume-Uni. C’est bien une formidable bataille qui est en cours.
Mis en ligne le 16 décembre 2009 à 07H19