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381Dans son Exégèse des Lieux Communs, Léon Blois parlait ironiquement d’un décret ayant aboli le sens des mots. L’élection présidentielle française montre que ce décret a vraisemblablement été promulgué : que de mots et de concepts détournés de leur sens.
Les programmes de tous les candidats se rejoignent sur un point : ils ne concernent pas l’élection présidentielle. Ils comportent des indications sur les projets des futurs ministres de l’éducation, de l’intérieur, de l’économie, … mais ce n’est ni l’heure, ni le lieu. Dans la Cinquième République, le président ne possède pas ces prérogatives. Sa fonction exécutive lui confère le contrôle de l’armée et de la diplomatie. Il doit en outre garantir le bon fonctionnement des institutions, essentiellement le respect de la constitution.
Cet oubli feint – du moins nous l’espérons, sinon comment voter pour des personnes ignorant les attributions de la fonction pour laquelle elles concourent – rend les trois-quarts de leurs promesses intenables. En effet, il stipule que le parti du candidat (ou pire son courant) obtienne la majorité absolue.
Pour arriver à ses fins, Sarkozy a tenté de se multiplier et d’occuper toutes les fonctions du gouvernement. Son manque de confiance en l’aptitude de ses subordonnés prouve (outre un égo surdimensionné) son incapacité à gouverner, c’est-à-dire à transmettre son autorité. En essayant de suivre son programme de cette manière, il a renoncé à assumer la fonction de dirigeant. Le pays devenant encore plus explicitement sans tête.
Nous nous sommes amusés à tourner en ridicule certains aspects de la campagne sur le blog http://electiondunfou.id.st/. Par exemple, les noms des partis ne signifient plus rien de tangible. Le PS n’a pas de projet socialiste, dans son sens premier c’est-à-dire économique. L’UMP veut s’unir pour la création d’un mouvement populaire, montrant sa coupure inconsciente avec le peuple. Le FN est sorti de sa logique de regroupement de ligues pour devenir un parti, donc le terme “front” n’a plus de raison d’être. Les autres noms oscillent entre une volonté explicitement populiste (MOuvement DÉMocratique, Debout la République, République Solidaire,…) et un projet marketing (Nouveau Centre, Nouveau Parti Capitaliste). Le terme “nouveau”’ employé par ces deux partis contredit le mépris affirmé pour le post-modernisme du NPA ou le principe antique de la stabilité et d’équilibre du NC.
Les slogans portent les mêmes incohérences avec des messages publicitaires qui peuvent se retourner contre les candidats. Le « Prenez le pouvoir » du Front de Gauche exhorte le peuple au coup d’État, même si Mélenchon était élu par miracle. Celui de Bayrou (« Un pays uni, rien ne lui résiste ») porte en son sein sa réfutation, puisqu’il peut se poursuivre par « … sauf tout autre pays uni », etc.
Ces quelques éléments, ainsi que bien d’autres, expliquent la perte de confiance vis-à-vis de la classe politique, puis de la démocratie élective.
Certains programmes tentent de résorber ces problèmes en invoquant une VIème République, la restauration du tirage au sort (les jurys populaires) ou d’autres subterfuges. Ils suivent en cela Joseph De Maistre, qui tout en critiquant la République, lui reconnaissait un avantage : l’euphorie populaire initiale. Ces propositions ont donc pour objectif de revenir à cet “âge d’or” éphémère. En politique étrangère, la tendance est de recommander fortement la “démocratie” aux autres peuples, bien que le chaos s’ensuive rapidement. Il s’agit donc toujours de projets à court terme et non de projets d’avenir. Mais compte-tenu des changements ultra-rapides dans l’ordre - ou le désordre - des choses, rien de plus normal…
Ismaël Malamati
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