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26 avril 2004 — Toujours le même constat : la rapidité, chaque jour plus surprenante, de la révélation des événements historiques. Face au plus formidable dispositif de désinformation qui ait jamais existé, — si formidable qu’il s’invente un monde factice, le virtualisme, auquel il se laisse lui-même prendre,
Parmi les prouesses d’Internet, — qui devient, au travers de ses sites indépendants et dissidents, le seul média valable pour l’information, — celle de la diffusion du rapport sur la corruption en Irak du Center for Investigative Reporting (CIR) est l’une des plus impressionnantes et l’une des plus importantes. Son importance a immédiatement été réalisée, notamment par Paul Krugman qui y fait longuement allusion dans son commentaire du 24 avril. (Le CIR publie des extraits de son rapport sur son site mukraker.org, le 22 avril. D’autre part, le CIR a fait diffuser les résultats de son enquête sur un programme de radio, MarketPlace.)
Les trouvailles de cette enquête sont évidemment surréalistes, mais, vraiment, dans une mesure qui surprend. Pour résumer ce rapport et le placer dans la perspective qui importe, il suffit de mentionner que l’une des trouvailles est que 20% des sommes transférées depuis un an à la reconstruction de l’Irak (autour de $22 milliards) ont servi à la corruption. Ce pourcentage de 20% nous apparaît très symbolique, il limite le champ à partir duquel la perversion d’une économie en général, ou de tout acte économique spécifique, passe de l’accidentel au structurel. (Au début des années 1980, la part de marché noir de l’économie soviétique dans l’URSS brejnévienne, est effectivement de 20%.)
Ce que montre également le rapport, comme les commentaires éclairés de Krugman, c’est que cette évolution n’est absolument pas accidentelle. Elle fait partie d’un ensemble général, d’une politique systématique ou, plutôt, “fanatique”, comme la qualifie Krugman, qui va de soi plus qu’elle n’est construite.
« It quickly became apparent that President Bush, while willing to spend vast sums on the military, wasn't willing to spend enough on security. And 9/11 didn't shake the administration's fanatical commitment to privatization and outsourcing, in which free-market ideology is inextricably mixed with eagerness to protect and reward corporate friends.
» Sure enough, the administration was unprepared for predictable security problems in Iraq, but moved quickly — in violation of international law — to impose its economic vision. Last month Jay Garner, the first U.S. administrator of Iraq, told the BBC that he was sacked in part because he wanted to hold quick elections. His superiors wanted to privatize Iraqi industries first — as part of a plan that, according to Mr. Garner, was drawn up in late 2001.
» Meanwhile, the administration handed out contracts without competitive bidding or even minimal oversight. It also systematically blocked proposals to have Congressional auditors oversee spending, or to impose severe penalties for fraud.
» Cronyism and corruption are major factors in Iraq's downward spiral. This week the public radio program “Marketplace” is running a series titled “The Spoils of War,” which documents a level of corruption in Iraq worse than even harsh critics had suspected. The waste of money, though it may run into the billions, is arguably the least of it — though military expenses are now $4.7 billion a month. The administration, true to form, is trying to hide the need for more money until after the election; Mr. Cordesman predicts that Iraq will need “in excess of $50-70 billion a year for probably two fiscal years.”
» More important, the “Marketplace” report confirms what is being widely reported: that the common view in Iraq is that members of the U.S.-appointed Governing Council are using their positions to enrich themselves, and that U.S. companies are doing the same. President Bush's idealistic language may be persuasive to Americans, but many Iraqis see U.S. forces as there to back a corrupt regime, not democracy. »
Ce rapport et ces commentaires doivent nous éclairer sur la situation en Irak et sur les tendances américaines une fois de plus découvertes avec l’invasion de ce pays. Il n’est pas question ici d’avancer une nouvelle théorie d’un complot, en proposant l’idée qu’il y avait un “plan” précis et spécifique de déstructuration de l’Irak par une privatisation radicale, mais de constater que cette mécanique se met automatiquement en marche avec la poussée expansionniste américaniste. On dirait évidemment que la déstructuration fait partie intégrante de cette poussée expansionniste, ce qui semble en effet l’enseignement le plus important des activités extérieures des Etats-Unis, de façon voyante depuis la fin de l’URSS.
L’aventure irakienne est moins une aventure impérialiste ou expansionniste, qu’une poussée brutale de globalisation, avec l’habituel moyen de la destruction des structures en place (déstructuration). L’“avantage” de la situation irakienne, seul paradoxal point positif de ce désastre qui sort manifestement de l’ordinaire, est qu’elle nous montre précisément et avec une crudité qui rendra difficile d’en écarter tous les enseignements, les conséquences catastrophiques de la globalisation américaniste. D’autre part, cet épisode amène un choc d’une telle force en Amérique même qu’il met en question, entre autres choses, la viabilité de la politique extérieure de déstructuration des Etats-Unis.