L’Irak vaut bien un néologisme : “sociocide”

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Grâce soit rendue au site WSWS.org pour son travail en trois articles d’analyse (de Bill Van Auken) et un de commentaire, successivement les 19 mai, 21 mai, 22 mai et 24 mai. C’est un travail magnifique qui documente de façon précise et irréfutable une nouvelle sorte de “crime contre l’humanité“. WSWS.org s’est cru autorisé à utiliser ce qui est pour nous un néologisme : “sociocide”, ou le meurtre, la destruction d’une société, — les gens, les structures, les mœurs, les traditions, l’économie, l’environnement, etc.

Le forfait accompli par les USA en Irak passe peut-être tous les précédents, — dans tous les cas il innove diablement, même si on trouve les germes de la méthode dans “la marche de Georgie” du général Sherman, en 1864-65, ou dans la destruction de la nation indienne par les USA au long du XIXème siècle. Il faut reconnaître la rapidité, l’efficacité, l’aspect systématique de la chose, et surtout l’extraordinaire capacité de la machinerie américaniste à commettre le forfait dans la plus complète et parfaite innocence, voire même en se plaignant du sort mauvais qui est fait aux bonnes intentions américanistes. Le processus d’“irresponsabilisation” du système, avec accusations forcenées contre les terroristes, les Syriens, les Iraniens, les Sunnites, les Chiites, les Improvised Explosive Devices, les Français de temps en temps, le beau temps et le mauvais temps, constitue un remarquable mécanisme bureaucratique et une marque de la perversion psychologique renvoyant à ce que nous nommons l’inculpabilité US. Le sinistre Saddam, comme disent nos bonnes âmes et nos bonnes consciences, doit commencer à ressembler à un ange d’humanisme dans sa tombe.

D’une certaine façon, l’action US en Irak tend à renforcer la thèse du professeur Richard L. Rubenstein, dans Perfidie de l’Histoire — La Shoah et l’avenir de l’Amérique (1975, traduction française au Cerf, 2004). Rubenstein faisait de l’Holocauste nazie une entreprise très “moderniste”, activée beaucoup plus par la bureaucratie et l’état d’esprit capitaliste que par l’idéologie. D’autre part, Rubenstein relevait que le traitement des juifs par les nazis renvoyait à celui des esclaves par les protestants nord-américains (beaucoup plus cruels par leur déshumanisation de l’esclave vers la fonction d’“outil” que le traitement des esclaves par les catholiques, notamment en Amérique du Sud).

Ce qui est notable comme particulièrement innovant et “moderniste” en Irak, c’est la volonté de déstructuration qui donne tout son sens au néologisme “sociocide”, et qui renvoie sans aucun doute au processus de globalisation. (Cette volonté a été à plusieurs reprises proclamée, explicitée par des théories, celle des ultra-capitalistes comme celle des néo-conservateurs, et précisément appliquée par la politique des occupants en Irak.) De ce point de vue, la barbarie US est datée, estampillée, etc., — et réellement sans précédent. Cela dit, nos excellences peuvent continuer à vanter la feuille de vigne, version string, de l’étiquette “démocratie” posée sur l’Amérique ; quant à nous, nous pouvons commencer à nous inquiéter de la réelle substance de la démocratie, si celle-ci supporte sans rejet ni nausée d’être ainsi utilisée.

Pour conclure sa longue et brillante étude, WSWS.org estime que les conséquences aux USA de l’horreur irakienne devraient être profondes et fortement déstabilisantes. Si cela était nécessaire, cette possibilité suffirait à démontrer l’ampleur et la profondeur du crime.

«The present horror in Iraq has profound implications not only for that ravaged nation, but for American society as well. Whatever tactical differences exist between Bush and his Democratic opponents, the entire ruling elite is agreed that America must “succeed” in the region. By “success” is meant taking whatever ruthless measures are necessary to guarantee US domination of Middle East energy supplies.

»The barbarism of the Iraq occupation casts a dark shadow over American life. The social, political, cultural and psychological health of the US population is also at stake in this war. Despite the blackout of the Iraq reality in the major media, a growing section of the American people feels shame and anger over what has been done in its name.

»At present this finds no possible expression in the public arena. The lack of mass protest does not, however, betoken satisfaction or acquiescence. With both major parties, the media, the trade unions, indeed every official social organism, firmly and conspicuously “part of the problem” in America, to whom should protests be directed? This simply means that the inevitable social explosion will occur outside official channels.»


Mis en ligne le 24 mai 2007 à 15H34