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325Peut-être Steve Clemons ne croit-il pas si bien dire lorsqu’il observe (voir dans Ouverture libre de ce 4 août 2010) que les circonstances actuelles, concernant la possibilité d’une attaque contre l’Iran, ne diffèrent guère de celle de septembre 2007. Ainsi écrit-il notamment : «On top of this, despite the confidence, even eagerness, of the US Air Force to bomb Iran's nuclear program capacity, the other military services are not so sanguine and fear that the logistics demands for such a military action and its followup would undermine other major operations.» En septembre 2007 (voir le 24 septembre 2007), cette empathie du l’USAF pour une attaque contre l’Iran apparaissait tout autant évidente.
(On observera que, dans un autre texte cité ce même 4 août 2010, on entend l’“expert” de service, le général McInerney, – ancien de l’USAF, par parenthèses, – décrire en détails l’efficacité de l’action à venir de la flotte de bombardement de l’USAF, spécialement les B-2.)
@PAYANT …On pourrait même avancer que l’USAF est encore plus intéressée aujourd’hui par une attaque contre l’Iran, pour mettre en évidence ses capacités de destruction et son efficacité d’intervention à longue distance. Des trois services armées (quatre avec le Corps des Marines), l’USAF est certainement le plus menacé aujourd’hui, dans ses structures comme dans ses missions. Son rôle armé dans les conflits asymétriques type Irak ou Afghanistan est incertain, souvent mis en cause, souvent d’une efficacité douteuse, y compris avec ses drones qui ont du mal à distinguer entre le bon et le mauvais lorsqu’ils attaquent. Le seul rôle incontesté de l’USAF est celui de la logistique, du transport, ce qui n’est pas le rôle le plus glorieux, ni le plus spécifique à cette arme. Ces constats n’ont fait que s’accentuer depuis 2007, tandis que la direction du Pentagone (Gates) ne cesse de mettre en évidence la nécessité du développement de forces capables de jouer un rôle efficace dans ce même type de conflits asymétriques.
Par ailleurs, l’USAF est aujourd’hui dans une crise profonde, à Washington même, au sein du Pentagone. Elle a lié son sort futur à un programme dont on connaît le désordre et l’incertitude, et dont les délais de mise en œuvre ne cessent d’être allongés. (Qui n’a reconnu le JSF dans cette description ?) Le F-22, son avion d’arme de “domination aérienne”, est abandonné après 187 exemplaires. Les programmes d’armes pour les conflits conventionnels de haut niveau sont reculés ou annulés, et il n’est pour l’instant plus question d’un nouveau bombardier après le B-2 dont la développement a commencé en 1976 et dont les livraisons, – à $2,4 milliards au moins l’unité ! – se sont achevées en 1996. En attendant, ses effectifs d’avions de combat en service se réduisent à vue d’œil pour cause de réductions budgétaires, et l’USAF est aujourd’hui dans une crise d’effectifs comme elle n’a jamais connue depuis sa création en arme autonome en 1947. On peut ajouter la saga catastrophique du programme KC-X (KC-45) de ravitaillement en vol, qui n’est pas encore achevée.
Par conséquent, l’USAF a besoin de (re)faire ses preuves, de montrer qu’elle est malgré tout nécessaire comme arme fondamentale dans les conditions actuelles. Pour cela, une expérience comme celle d’une attaque contre l’Iran ferait bien l’affaire, qui se déroulerait (d’après ce que nous disent les “experts”) uniquement par la dimension aérienne dans sa phase de destruction extensive. Mais, pour répondre à la vogue actuelle des conflits contrôlés, cette “expérience” doit être perçue comme très sélective, très “chirurgicale”, très “intelligente” (d’où notre préférence pour l’expression “destruction extensive” plutôt que, par exemple, “destruction massive”), à l’image de ce que l’USAF ne parvient pas à faire dans les conflits asymétriques ou elle intervient. C’est probablement la raison principale du changement des évaluations d’une éventuelle attaque, d’une perspective d’une campagne très longue, très destructrice, avec des perspectives éventuellement catastrophiques, à celle d’une campagne-éclair idyllique et effectivement “chirurgicale”, – type chirurgie esthétique pour l’Iran en quelque sorte (voir les remarques de Kaveh L. Afrasiabi à cet égard).
Par conséquent, on notera combien la nouvelle poussée de fièvre massive en faveur d’une attaque de l’Iran a beaucoup à voir avec la situation washingtonienne, comme d’habitude. Dans l’environnement catastrophique du Pentagone, avec perspectives diverses de “coming crash” budgétaire et structurel, l’USAF se sent particulièrement vulnérable et éprouve le besoin de tout faire pour polir son “image”. Ainsi les évaluations actuelle, largement diffusées par les divers et fameux “experts” qui vont bien, sont-elles très difficiles à évaluer elles-mêmes dans leur réelle signification. L’USAF suscite une campagne qui est d’abord une affaire de “relations publiques”, qui n’implique pas nécessairement qu’elle pousse ou complote pour une attaque, si même elle a les moyens d’influence pour cela. D’autre part, il y a le jeu politique à Washington, entre les différentes factions du pouvoir politique et du pouvoir d’influence. D’autre part encore, il y a une éventuelle politique de l’administration au moment où s’amorcent de nouvelles négociations («US is playing a double-handed game with Iran», selon Afrasiabi). Enfin, il y a les possibilités, réelles ou pas, d’une attaque… Cela fait beaucoup de facteurs, qui font plus penser au désordre qu’à l’habileté ou au machiavélisme.
Mis en ligne le 5 août 2010 à 09H13