L’Italie, base-arrière des GJ ?

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L’Italie, base-arrière des GJ ?

Une intrusion extraordinaire dans l’UE, d’un pays de l’UE vers un autre, s’est manifestée hier, de la part du gouvernement italien vers les Gilets-Jaunes (GJ) français. Cela confirme par ailleurs les très mauvaises relations entre la direction italienne et la direction française, déjà marquée par divers incidents et critiques entre les deux, en différentes occasions, – essentiellement entre Salvini et Macron.

L’intervention de facto du gouvernement italien (puisque les deux vice-Premiers se sont exprimés dans le même sens, on peut parler du “gouvernement”) s’est faite sous la forme d’une intervention certainement coordonnée des deux vice-Premiers ministres représentant les deux partis de de la coalition, Matteo Salvini de la Liga et Luigi Di Maio de M5S (5 Etoiles). Les deux hommes apportent leurs soutiens aux GJ, Salvini d’une façon générale en critiquant Macron, Di Maio d’une façon beaucoup plus précise, en ajoutant aux critiques du gouvernement français des propositions faites aux GJ de disposer et de profiter des moyens électroniques sur internet et de l’expérience des 5 Etoiles dans ce domaine, pour s’organiser et se coordonner. 

Selon RT-français : « Le gouvernement italien soutient le mouvement des Gilets jaunes. C'est ce qu'ont annoncé ce 7 janvier les deux vice-présidents du Conseil des ministres et chefs des deux partis membres de la coalition au pouvoir, selon l'AFP.

» “Je soutiens les citoyens honnêtes qui protestent contre un président gouvernant contre son peuple”, a ainsi affirmé le ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini, patron de la Ligue (droite anti-immigration). L‘homme fort du gouvernement italien a néanmoins fait savoir qu'il condamnait avec une “totale fermeté” la violence des dernières manifestations.

» Le ministre du Développement économique, du Travail et des Politiques sociales, et chef du Mouvement 5 Etoiles (M5S), Luigi Di Maio, a de son côté lancé : “Gilets jaunes, ne faiblissez pas !”

» Bien que condamnant lui aussi les violences, Luigi Di Maio, dont le mouvement prône une forme de démocratie directe depuis ses débuts en 2009, a offert l’aide de sa plateforme Internet, baptisée ‘Rousseau’, afin d’“organiser des événements sur le territoire”, de “choisir des candidats” et de “définir le programme électoral” via son système de vote. La maire de Rome (M5S) Virgina Raggi, avait remporté l'élection municipale en 2016 après avoir été sélectionnée sur cette plate-forme interactive par les militants lors d'une finale entre une dizaine de candidats, tous inconnus du grand public.

» Luigi Di Maio explique que ce système est “pensé pour un mouvement horizontal et spontané” comme celui des Gilets jaunes. “Comme d’autres gouvernements, celui en France pense surtout à représenter les intérêts des élites, ceux qui vivent de privilèges, mais plus de ceux du peuple”, écrit également le chef de file du M5S.

» “Le gouvernement d’ [Emmanuel] Macron n'est pas à la hauteur des attentes et certaines politiques mises en œuvre sont de fait dangereuses, non seulement pour les Français, mais aussi pour l'Europe”, a ajouté Luigi Di Maio, se félicitant dans sa note de blog que l'Italie soit parvenue “à inverser cette tendance”.

» “Une nouvelle Europe est en train de naître. Celle des Gilets jaunes, celle des mouvements, celle de la démocratie directe. C'est une dure bataille que nous pouvons mener ensemble”, conclut le vice-président du Conseil des ministres italien, qui a déjà lancé la campagne du M5S pour les élections européennes prévues en mai. »

L’intervention italienne est remarquable par son originalité et son a-normalité. Comme on l’a dit, c’est bien “le gouvernement” qui parle dans les faits, mais il ne s’exprime par formellement en tant que tel et il n’y a eu aucune représentation diplomatique d’aucune sorte qui serait faite jusqu’à ce point où l’on écrit. Les deux vice-Premiers, qui dirigent les deux partis de la coalition, se sont exprimés en tant que personnes et l’on peut aussi bien y voir les deux chefs du gouvernement ou les deux chefs de partis. Il n’y a dons pas à proprement parler de caractère “officiel”, bien que les interventions, essentiellement dans le chef de Di Maio, aillent beaucoup plus loin qu’un acte de “représentation officielle”. Ce que le chef des 5 Etoiles propose, c’est que l’Italie, dans tous les cas son parti qui est très organisé pour ses “mouvements horizontaux“ de la base populaire, fournissent une aide logistique majeure aux GJ ; est-ce le gouvernement (vice-Premier Di Maio) ou le Mouvement 5 Etoiles qui propose cela ?

Comme on le voit l’intervention italienne est aussi originale que le mouvement des GJ, ce qui n’a finalement rien pour vraiment étonner, – les originaux étant définitivement faits pour se rencontrer. A tous égards, cette occasion correspond mieux au M5S qu’à la Liga , qui est un parti plus traditionnel dans la forme. C’est ce qu’exprime Di Maio lorsqu’il écrit : « Une nouvelle Europe est en train de naître. Celle des Gilets jaunes, celle des mouvements, celle de la démocratie directe. » 

(Il y a sans doute, sans guère de doute, coordination entre Salvini et Di Maio sur ce cas. Les deux partis sont concurrents chez eux mais ils ont un but européen commun d’expansion du populisme. Salvini, personnalité très populaire, est plus à l’aise pour parler à ses homologues d’autres pays. Di Maio est plus à l’aise avec les mouvements populaires postmodernes, – même si ces moyens postmodernes sont utilisés contre la postmodernité, dans une véritable prise du type “faire-aïkido”.)

La question est évidemment de savoir où peut mener l’initiative italienne ; s’il peut y avoir effectivement une aide logistique concrète au niveau de l’organisation, telle que celle que propose Di Maio ; si l’on peut imaginer des développements où des GJ français seraient amenés à se réfugier en Italie, ou bien à installer des “bases de soutien” pour leur mouvement en Italie... En fait, si la proposition italienne/Di Maio semble être à consommation électorale, par une organisation de base, elle peut aussi bien contenir les germes d’une situation d’antagonisme où l’Italie jouerait son rôle, si le mouvement des GJ prenait une autre forme.

Bref, peut-on imaginer une situation de dissidence civile, pour ne pas employer l’expression qui fait s’évanouir de frayeur les commentateurs de la presseSystème, de “guerre civile”, où deux pays voisins de l’UE auraient une position antagoniste au niveau des gouvernements ? Ce serait une belle pirouette pour l’UE.

... Pire, ou mieux, ce serait  une “révolution” au sens initial du mot pris comme image pour l’évolution événementielle (« Retour périodique d'un astre à un point de son orbite... Rotation complète d'un corps mobile autour de son axe »). L’UE créée pour écarter à jamais les guerres inter-européennes aurait accouché d’une situation, – car c’est la politique de l’UE qui est la source de tous les maux qu’affrontent les M5S et les GJ, – où existerait la possibilité à nouveau d’un conflit de cette sorte : des guerres inter-européennes aux conflit de type intra-européen.

 

Mis en ligne le 8 janvier 2019 à 11H50