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396On trouve un très intéressant commentaire dans le Times de Londres de ce matin, sous la plume de Tim Hames. Le thème en est cette affaire Litvinenko (sous-titré : “Poutine coupable”), l’humeur en est passablement agacée.
«Were it not that a man has died, the Litvinenko affair might be viewed as the most extraordinarily effective publicity campaign for the new James Bond movie. It has everything that once made 007 so successful. There are a host of shady spies, unseen masterminds in the background and a mystery poison that has led to luxury hotels, a fleet of aircraft and even an entire football stadium being checked for radioactivity. It produced reports yesterday of Alexander Litvinenko having suggested to a female Russian academic that they team up to exploit his many contacts in the Russian security services and then blackmail several prominent figures and an excited front-page headline somewhere else that read: “Revealed: how Russia is biggest spy threat to Britain.”
»The effect has been to suggest that the Cold War is not quite history. The collective rush to judgment to pin blame directly on Vladimir Putin, as Litvinenko did so spectacularly from his hospital deathbed, is breathtaking. The Russian President has been portrayed as if another Ernst Blofeld, the sinister founder of Spectre, stroking his white cat while calmly deciding whether or not to terminate his enemies.
»It has been widely concluded that — whether or not Mr Putin endorsed this specific “hit” — “the lid has been lifted” on his regime. This supposed “democrat”, it has been declared, is the heir to Lenin, Stalin and several of the brutal Tsars before them.
»It is not merely my desire to avoid an encounter with polonium-210 that makes me cautious about this emerging consensus. The counsel of John Reid, the Home Secretary, both publicly in the House of Commons and, apparently, privately in Cabinet, “not to make assumptions” about this astonishingly murky saga seems to me to be wise.
»The notion that we have somehow travelled back in time 30 or 40 years, with Russia once more to be treated as the menace that it used to be to Britain and the British, is dangerous nonsense.»
Le reste de la chronique est à cette aune. L’auteur trouve l’attaque contre Poutine hystérique, précipitée, infondée ; il juge les appréciations sur la Russie, dénoncée comme anti-démocratique, perverse, dangereuse, etc., comme exagérées, intéressées et souvent absurdes. Nous ne sommes plus en 1968 ni en 1936 mais en 2006, nous rappelle-t-il. Surtout, dit Hames, Poutine et la Russie sont engagés dans la guerre contre le terrorisme, notamment dans l’affaire tchétchène. («The Kremlin is a natural ally to Downing Street and the White House in this struggle. James Bond is very entertaining. In the real world, we should not recast Russia as the enemy.»)
L’intérêt du commentaire est que la critique qu’il nous offre met en évidence le dilemme de la droite atlantiste, libérale et anglo-saxonne. D’un côté, il y a un courant, mêlant des libéraux anciennement proches des communistes, des anciens trotskistes reconvertis en néo-conservateurs, des nostalgiques divers de la Guerre froide et des causes simples, tous ces gens appuyés sur les anciens pays d’Europe de l’Est et les diverses révolutions “arc-en-ciel”, qui voient dans la Russie un ennemi mortel, et dans Poutine un nouveau Staline. Du moins est-ce le fondement de leur plaidoirie.
De l’autre côté, il existe un courant plus nettement conservateur, qui a fait sien le choix de son Ennemi favori dans le terrorisme islamiste. Dans ce cas, Poutine devient un allié, et la Russie une place-forte de la barrière érigée contre le terrorisme. Pour cette tendance, dénoncer la Russie et Poutine constitue une démarche légère et complètement contre-productive.
Ce dilemme, cet affrontement fratricide est intéressant à suivre et il le sera de plus en plus. L’affaire Litvinenko présente tous les ingrédients de complication, d’implications byzantines, de manipulations dans tous les sens, de mythomanie et de désinformation, pour faire monter la sauce. Le fumet est remarquable.
Mis en ligne le 4 décembre 2006 à 15H45