LM et le JSF, ou l’anatomie de l’“information”

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Nous avouons sans ambages que, s’il n’y avait ce commentaire du Bloc-Notes qui débute ici, nous n’aurions évidemment pas mis en ligne (ce 12 juillet 2010) le compte-rendu de l’article de Flight International sur les “informations” de Lockheed Martin concernant l’avenir de son avion de combat JSF, dans le cadre du Salon aéronautique de Farnborough qui s'est ouvert. Le sujet, ici, n’a rien à voir avec ces “informations” qui n’en sont pas, qui sont même le contraire, mais avec l’attitude qu’il faut avoir vis-à-vis de telles “informations”. Cela est d’autant plus pertinent que nos lecteurs peuvent trouver, sur ce site, tout le matériel qu’ils désirent concernant la réalité courante, avérée et documentée du programme JSF.

@PAYANT La première caractéristique qu’on relèvera, c’est le caractère machiniste du système virtualiste de communication de Lockheed Martin. Les mêmes “informations” sont répétées à satiété, en circuit fermé où n’entre aucune des mauvaises nouvelles qui s’accumulent à propos du JSF depuis quatre années, sans le moindre soucis de la vraisemblance ni de la logique (ne poussons pas la grossièreté jusqu’à évoquer un éventuel “soucis de la réalité”). Evoquer la possibilité, déjà mentionnée en mars 2009, de l’intérêt de la Belgique pour le JSF relève de l’amateurisme dans l’exercice de la bande dessinée, ce qui est mal vu dans un pays qui nous a donnés tant d’auteurs et de dessinateurs dans ce domaine. La seule question rattachant le JSF et la Belgique est bien de savoir qui éclatera le premier : le programme JSF ou la Belgique ? Quant à évoquer la possibilité d’un achat du JSF par la Belgique, la plume nous en tombe, eu égard aux capacités de ce pays, à ses ambitions et aux préoccupations de ses dirigeants, – outre qu’on en reste, sur ce sujet, à une déclaration du ministre belge de la défense en 2002, quand tous les autres pays européens se précipitaient sur le JSF, et alors que lui-même déclarait : “Si jamais nous décidions un jour d’acheter un nouvel avion de combat, la seule chose assurée est que nous choisirions un avion européen”. De même, citer la Grèce et l’Espagne comme acheteurs potentiels, dans l’état budgétaire de ces deux pays, est de la veine de la même fiction. (Sauf si, réaliste, LM parle du moment où le JSF sera mis vraiment en vente sur le marché. Certes, à ce moment, nous en serons à la génération d’après cette crise, et alors l’hypothèse reprend vigueur puisque des années et des années seront passées après la crise budgétaire, que la Grèce et l’Espagne seront redevenus des pays florissants ou n’existeront plus.)

Mais laissons le détail. Ce qui nous importe en l’occurrence, c’est de relever une si complète pièce virtualiste de désinformation livrée à l’écho public comme une prospective réaliste de LM sur l’avenir du programme JSF. La question qui se pose alors au journaliste, ou à celui qui en fait fonction, et aussi au chroniqueur, au critique, etc., c’est bien celle-ci : faut-il reproduire une telle information, et si oui, comment ? Faut-il, comme le fait Flight International, reproduire la “communication” de Lockheed Martin, sans commentaire (sauf l’une ou l’autre très timide réserve sur l’un ou l’autre pays du programme), sans précisions extrêmement critiques, sans observations sarcastiques, etc., – bref, en la ridiculisant sans aucune espèce de précaution, avec autant de force que les mensonges et les inventions du message sont grossiers. Or, c’est ainsi, en général et fort imperturbablement avec cette révérence de l’absence de regard antagoniste, que les “journalistes professionnels”, ceux qui n’ont que mépris pour les soi-disant “amateurs” des réseaux d’information alternatifs, procèdent d’une façon quasiment systématique dès lors que la communication est investie de la puissance des autorités qui “communiquent”. C’est la raison qui, principalement, fait de la “presse officielle“ des grands médias une presse-Pravda qui doit être soumise, dans ses manifestations de servilité coutumière, au même traitement d’appréciation critique que les communications de Lockheed Martin elles-mêmes.

Le problème est d’ailleurs moins abrupt et moins risqué qu’il n’y paraît. La “communication” de LM à Farnborough concernant le JSF en est un bon exemple, puisque LM a été laissé à lui-même pour exposer ses informations complètement discréditées, sans même la couverture des autorités officielles. Le Pentagone a refusé d’affecter un exemplaire du vrai JSF, qui aurait décollé, volé et atterri “pour de vrai”, pour une démonstration à Farnborough qui aurait certainement arraché des exclamations admiratives à tous les “journalistes professionnels” présents ; signe que le Pentagone lui-même joue son jeu personnel et laisse LM à sa politique de “communication” sans soutenir son contractant en quoi que ce soit ; signe, enfin, que cette politique de “communication” de LM est elle-même considérée, et d’ailleurs pour des raisons évidentes, comme complètement faussaires par le même Pentagone. Cela encourage d’autant plus l’observateur indépendant à faire son travail incessant de démolition de l’“information de communication” dont le seul matériel est le mensonge.

Nous revenons à notre appréciation générale sur l’information aujourd’hui, qui doit être pesée non pas dans le cadre de la réalité mais dans le cadre du système de la communication, avec toutes ses fluctuations, dont certaines peuvent être très avantageuses pour les chroniqueurs antisystèmes qui savent identifier et saisir les bonnes occasions au vol. C’est pour cette raison que la presse alternative, en réseaux, est devenue, non plus un auxiliaire critique de la presse-Pravda, qu’elle n’est même plus vraiment une presse “alternative”, mais qu’elle constitue une voie décisive pour conduire vers ce qui se rapproche le plus de la réalité. Toutes les autorités, qu’elles renvoient au pouvoir politique, aux directions militaires, au corporate power et au système d’information économique à l’intérieur du système de communication, représentent nécessairement des sources biaisées, infiniment moins sûres que les “sources” classiques des journalistes classiques, en général laissées dans l’anonymat pour leur propre protection. Ainsi en arrivons-nous à une certitude a contrario, presque valable dans tous les cas : la certitude qu’une version officielle d’une de ces puissances installées, dans une affaire qui demande une interprétation, doit être considérées comme fausse au départ. Au contraire du principe de justice qui veut que tout accusé soit considéré comme innocent tant que sa culpabilité n’est pas démontrée, toute information officielle venant d’un des pouvoirs mentionnés, dès lors qu’elle est diffusée, doit être considérée comme fausse tant que sa véracité n’a pas été démontrée.


Mis en ligne le 12 juillet 2010 à 16H08

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