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538217 août 2023 (18H20) – On revient sur Bolton (éventuellement en prenant Nuland en marche), dont l’article dans le Wall Street ‘Journal’ a eu beaucoup d’échos chez quelques-uns de nos commentateurs indépendants-dissidents les plus brillants. Ces échos, non pas pour le brio ou l’originalité de l’article, ni même son influence, mais au contraire comme archétypique de l’absurdité et de la sottise complètement aveugle. C’est notamment l’un des thèmes (à partir de 15’15” sur la vidéo) d’une conversation en ligne du duo Christoforou-Mercouris avec le brillantissime professeur Jeffrey Sachs (déjà vu chez nous).
La question de base de cette conversation est bien de savoir comment ce type (Bolton, mais ce pourrait être Nuland) continue à être d’une telle importance dans la communication du simulacre washingtonien. Sachs énonce aussitôt un principe :
« Vous savez, c’est l’une des caractéristiques les plus folles de la politique extérieure US de voir combien l’échec chronique et répété [d’une personne] est la meilleure garantie pour le maintien [à Washington D.C.] d’une situation financière confortable et d’une promotion constante de [sa] carrière... »
... Et Bolton est un exemple tout à fait parfait de cette règle. Sachs ne prend pas de gants pour détailler son parcours. On sent même chez lui, le plus souvent calme et mesuré, avec juste ce qu’il faut d’ironie, une certaine passion, un emportement furieux devant le constat qu’il fait. (Encore, brave bougre, je laisse de côté la litanie qu’égrène Sachs des affaires internationales où Bolton est intervenu alors qu’il était en position officielle, pour contribuer avec efficacité à en faire un désastre pour les USA, – ou disons, pour la vision réaliste et efficace de ce que devrait être une politique US).
« Bolton a échoué dans chaque domaine précis où il a été engagé. Il a été depuis vingt ans le ‘Walking Distaster’ de la diplomatie américaine... Il provoque absolument le contraire de tout ce qu’il veut obtenir dans tout ce qu’il entreprend. Il s’est fait le champion de toutes les guerres qui ont eu lien [depuis 20 ans] et qui se sont achevées en désastres. »
Mercouris en vient alors à la question qui lui brûle les lèvres, qui est de savoir pourquoi les faiseurs de désastres restent en place, de préférence à d’autres dans ce vivier d’experts et de compétences diverses qu’est Washington. Il a à cet égard la même réaction de bon sens que Lavrov avait montrée en rencontrant pour la première fois Kerry en secrétaire d’État, au printemps 2013. Rappelez-vous de ce “détail” si révélateur pour notre propos.
Les relations USA-Russie était redevenues pour une courte éclaircie assez bonnes, avec le départ de la sorcière Hillary préparant sa superbe prise de pouvoir de 2016, – dont tout le monde dans le beau monde de D.C., était si convaincu. Quelques mois auparavant, Obama avait glissé à Medvedev, lors d’un G-8 quelconque, – la Russie était encore fréquentable, – qu’avec sa deuxième élection, il allait être plus à l’aise pour négocier avec l’homme du Kremlin et il demandait à Medvedev encore-président de passer ce message à son successeur : « Dites à Vlad qu’il patiente ». C’est avec cette idée à l’esprit que Lavrov avait rencontré Kerry et s’était réjoui devant lui du départ de la porte-parole du département et ‘Harpie’ favorite d’Hillary, Victoria Nuland qui avait déjà montré de quel bois antirusse elle se chauffait. Kerry lui répondit platement et mi-figue mi-raisin, un peu gêné me semble-t-il, qu’elle ne faisait que changer de poste et bénéficiait d’une promotion en se retrouvant chargée des affaires européennes au ministère, à un niveau d’adjointe au ministre.
C’est donc à propos de cette sorte d’évolution si washingtonienne que Mercouris interroge Sachs, et ce qu’il dit de Bolton vaut pour Nuland, certes.
« La chose remarquable avec Bolton, c’est que, où qu’il aille, les choses se terminent en échec catastrophique, partout ; mais le seul lieu où il gagne des batailles [pour ses promotions], c’est Washington ! Pourquoi ?
» Il est très agressif et il impressionne souvent, mais pas nécessairement dans le bon sens, il se présente comme réaliste alors qu’il ne l’est pas du tout, et pourtant il gagne toujours à D.C. ... Qu’est-ce qui fait qu’il est si influent, professeur Sachs, vous qui êtes à Washington ? »
Sachs réfléchit un petit moment. On sent qu’il s’agit d’un problème qui n’est pas nouveau pour lui, auquel il s’est souvent attaqué mais dont il n ‘a jamais trouvé la bonne solution.
« Je pense que la politique étrangère des USA est elle-même une succession de décombres et de déraillements, et c’est pour moi un très grand motif de réflexion. En un sens, Bolton est un reflet de cette politique, et vous en trouverez beaucoup d’autres, Nuland, les neocons, etc.
» Nous n’avons jamais eu la moindre tentative de responsabilisation [d’acteurs tels que Bolton]. Pour la politique étrangère, il n’y a qu’une représentation fausse de cette politique, un théâtre [une narrative, – et donc pas de raison de ‘responsabiliser’...]. La grande question est de savoir quel est le but de tout cela et qu’est-ce qui en est la cause... »
Je m’arrête à cette considération car, justement, à partir de là Sachs devient plus vague, plus incertain, donc moins intéressant. On le comprend évidemment, et ce n’est certes pas sa faute, puisqu’il ne sait pas vraiment, lui non plus... Ce n’est pas en évoquant, comme il le fait, « un groupe de personnages » (du complexe militaro-industriel, des lobbies, du Congrès, etc.) s’occupant de tirer les ficelles de la manipulation qu’on est plus avancé, d’autant plus qu’il s’agit de tirer les ficelles pour précisément et spécifiquement aller de désastre en désastre, – finalité bien singulière pour ceux qui veulent verrouiller l’Empire pour au moins dix fois mille ans..
Ce que Sachs précise indirectement, c’est que les ‘Walking-Disaster’ (Bolton, Nuland et Cie) ne sont pas les créateurs de cette politique ; bien au contraire ! Ils n’en sont que « les reflets » (on pourrait dire aussi : les exécutants, comme par une sorte de mimétisme dépassant toutes les lois de la physique). Mais ce qu’il est absolument nécessaire d’ajouter, c’est que ces ‘Walking-Disaster’ sont sans doute plus que des exécutants, du point de vue de leur état d’esprit, ou alors des exécutants emportés par une foi intense et aveugle. En un sens, ce sont des “croyants” et, puisqu’ils ont la foi, ils sont d’autant moins portés à essayer de comprendre et de justifier ce qu’ils font puisqu’ils font ce qu’ils font, et dès lors d’autant plus convaincants, jusqu’à la terrorisation absolue, – l’agressivité de Bolton, – pour les autres (disons les attentistes, ceux qui ne se mouillent pas trop mais sont tout de même dans le Système).
On comprend aussitôt que je m’empresse d’en revenir à mes hypothèses farfelues, celles qui dépassent le cadre de l’“humain, trop humain” de l’aventure, et que je songe à ces forces extérieures et supérieures qui pourraient être les causes de la chose, elles seules en connaissant le but. Il est vrai que les USA ont subi un choc colossal le 11-septembre (Sachs et Mercouris ne parlent que “depuis vingt ans”, parlant de Bolton et des autres) qui semble avoir brutalement achevé une tendance qui avait donné ses premiers effets dans des aventures précédentes (le Kosovo en 1999).
Note de PhG-Bis : « Dans son bouquin ‘Chroniques de l’ébranlement’ de 2003, PhG notait cette remarque du vice-président Cheney, – ce fou de première catégorie, si proche de Bolton, – et qu’on retrouve dans une page de son ‘Journal’ du 9 novembre 2015, et Cheney parlant bien de sa propre psychologie comme de celles de ses compagnons de route de D.C., Bolton et les autres, – ce jour-là où ils sont devenus fous à l’occasion d’une attaque qu’ils avaient après tout, pourquoi pas, eux-mêmes laissée faire, permise, sinon organisée, – vrais dingos-complotistes, complotistes contre eux-mêmes, – et comment !
» “...Pourtant, je crois absolument à la sincérité de Cheney disant à l’ambassadeur de France venu le saluer en novembre 2002, avant le départ de l'ambassadeur de Washington : ‘Vous autres, Européens, vous n'imaginez pas l'ampleur de l'effet qu'a produit sur nous l'attaque du 11 septembre’.”»
On admettra par conséquent et pour en finir en beauté, que tout cela se place bien et d’une façon harmonieuse dans la perception qu’on peut avoir, – que j’ai sans aucun doute, – de cette période extrême que nous traversons, ce que l’on désigne par ici comme la GrandeCrise.