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160910/11 septembre 2006 — Sacrément curieux anniversaire. 9/11 célébré officiellement, mais sens dessus dessous ; sorte de “attachez vos mouchoirs” et “sortez vos ceintures”, si vous voulez. Le 5ème anniversaire de 9/11, c’est la célébration étrange du doute soudain devenu officiel, soudain installé dans la liturgie (même s’il est entré par effraction). Que reste-t-il aujourd’hui, de la version officielle, découpée en charpie, défendue par un gouvernement en lambeaux et une presse MSM couturée de ses ignominies diverses, qui tentent de justifier ainsi une politique de camisole de force? Le destin de 9/11 est inextricablement lié à celui de GW et de ce qui le suivra dans l’ordre (!) du désordre américaniste.
L’un des derniers arguments employés contre les versions complotistes est celui-ci — et l’on s’y attache parce qu’il est significatif de notre temps “sous-historique” :
• Comment des gens pareils (GW, sa bande et le reste) auraient-ils pu réussir un coup pareil? (Sous-entendu : eux qui ratent tout ce qu’ils font.) John Prados, sur CommonDreams.org (
• Contre-question, pour aller contre cet argument : qui vous dit qu’en organisant 9/11, les éventuels comploteurs (1) représentaient bien toute l’administration Bush dans sa grandissime nullité, (2) voulaient réussir ce qu’ils ont réussi et (3) obtenir l’effet qu’ils ont obtenu? Peut-être ont-ils obtenu différemment et autrement de ce qu’ils voulaient obtenir? D’où cette fascinante question : s’il y a eu complot, quel résultat cherchaient exactement les comploteurs?
• La polémique peut aller à l’infini, en attendant la Vérité (bonne chance). Car là est l’essentiel : nous ne sommes pas encore à la Vérité. (En passant, pour lire un bon texte anti-complotiste, peu suspect de conformisme MSM, voir Alexander Cockburn sur CounterPunch le 10 septembre.)
Parmi les autres arguments sémantiques contre le complot, — car, aujourd’hui, les arguments contre-complotistes sont effectivement sémantiques et conceptuels, et plus matériels du tout tant l’accumulation des invraisemblances et erreurs de la version officielle nous étouffe de plus en plus… Parmi les arguments sémantiques, donc, retenons celui de Lev Grossman, dans le magazine Time du 3 septembre 2006, commentant le dernier sondage US où 36% de la populace ne croient pas à la version officielle (Grossman : «Thirty-six percent adds up to a lot of people. This is not a fringe phenomenon. It is a mainstream political reality.») : «a grand disaster like Sept. 11 needs a grand conspiracy behind it.»
Cette observation vaut dans la mesure où 9/11 est effectivement ce “grand disaster”. L’est-il vraiment? Tom Engelhardt répond indirectement en jouant au jeu du “que se serait-il passé si?”.
C’est ainsi que même la réalité de l’événement est mise en cause. Nous nous référons donc au texte très intéressant de l’excellent Tom Engelhardt («9/11 in a Movie-Made World», dans The Nation en date du 25 septembre).
L’auteur interprète effectivement l’attaque du 11 septembre 2001 en se référant à l’univers cinématographique dans lequel baignent les USA, car c’est ainsi qu’elle fut effectivement perçue par les Américains. Il s’interroge sur ce que serait devenu cet événement si certaines conditions avaient été différentes, à commencer par l’extraordinaire débauche d’imagerie qui le représenta aux yeux et dans les esprits de toute la population américaine.
Le passage vaut citation.
«What If?
»So here was my what-if thought. What if the two hijacked planes, American Flight 11 and United 175, had plunged into those north and south towers at 8:46 and 9:03, killing all aboard, causing extensive damage and significant death tolls, but neither tower had come down? What if, as a Tribune columnist called it, photogenic “scenes of apocalypse” had not been produced? What if, despite two gaping holes and the smoke and flames pouring out of the towers, the imagery had been closer to that of 1993? What if there had been no giant cloud of destruction capable of bringing to mind the look of “the day after,” no images of crumbling towers worthy of Independence Day?
»We would surely have had blazing headlines, but would they have commonly had “war” or “infamy” in them, as if we had been attacked by another state? Would the last superpower have gone from “invincible” to “vulnerable” in a split second? Would our newspapers instantly have been writing “before” and “after” editorials, or insisting that this moment was the ultimate “test” of George W. Bush's until-then languishing presidency? Would we instantaneously have been considering taking what CIA Director George Tenet would soon call “the shackles” off our intelligence agencies and the military? Would we have been reconsidering, as Florida's Democratic Senator Bob Graham suggested that first day, rescinding the Congressional ban on the assassination of foreign officials and heads of state? Would a Washington Post journalist have been trying within hours to name the kind of “war” we were in? (He provisionally labeled it “the Gray War.”) Would New York Times columnist Tom Friedman on the third day have had us deep into “World War III”? Would the Times have been headlining and quoting Deputy Defense Secretary Paul Wolfowitz, on its front page on September 14, insisting that “it's not simply a matter of capturing people and holding them accountable, but removing the sanctuaries, removing the support systems, ending states who sponsor terrorism.'' (The Times editorial writers certainly noticed that ominous “s” on “states” and wrote the next day: “but we trust [Wolfowitz] does not have in mind invading Iraq, Iran, Syria and Sudan as well as Afghanistan.”)
»Would state-to-state “war” and “acts of terror” have been so quickly conjoined in the media as a “war on terror” and would that phrase have made it, in just over a week, into a major presidential address? Could the Los Angeles Daily News have produced the following four-day series of screaming headlines, beating even the President to the punch: Terror/Horror!/This Is War/War on Terror?
»If it all hadn't seemed so familiar, wouldn't we have noticed what was actually new in the attacks of September 11? Wouldn't more people have been as puzzled as, according to Ron Suskind in his new book The One Percent Doctrine, was one reporter who asked White House press secretary Ari Fleischer, “You don't declare war against an individual, surely”? Wouldn't Congress have balked at passing, three days later, an almost totally open-ended resolution granting the President the right to use force not against one nation (Afghanistan) but against “nations,” plural and unnamed?
»And how well would the Bush Administration's fear-inspired nuclear agenda have worked, if those buildings hadn't come down? Would Saddam's supposed nuclear program and WMD stores have had the same impact? Would the endless linking of the Iraqi dictator, Al Qaeda and 9/11 have penetrated so deeply that, in 2006, half of all Americans, according to a Harris poll, still believed Saddam had WMD when the US invasion began, and 85 percent of American troops stationed in Iraq, according to a Zogby poll, believed the US mission there was mainly “to retaliate for Saddam's role in the 9-11 attacks”?
»Without that apocalyptic 9/11 imagery, would those fantasy Iraqi mushroom clouds pictured by Administration officials rising over American cities or those fantasy Iraqi unmanned aerial vehicles capable of spraying our East Coast with chemical or biological weapons, or Saddam's supposed search for African yellowcake (or even, today, the Iranian “bomb” that won't exist for perhaps another decade, if at all) have so dominated American consciousness?
»Would Osama bin Laden and Ayman al-Zawahiri be sitting in jail cells or be on trial by now? Would so many things have happened differently?»
Le débat sur le complot ou pas continue mais il est peu de choses comparé à ce phénomène : le fait lui-même de l’interrogation sur la validité de 9/11, — dans tous les sens, tant dans sa fabrication que dans son interprétation — est aujourd’hui un événement politique courant, un événement actuel qui interfère sur la politique en cours. C’est un phénomène unique pour cette sorte d’événement. C’est comme si les possibles manigances de FDR lors de l’attaque de Pearl Harbor (7 décembre 1941) constituaient un sujet polémique d’une actualité brûlante en décembre 1946, avec manchettes, invectives, débats radiodiffusés, etc.; comme si les thèses sur d’éventuels comploteurs dans l’assassinat de JFK (novembre 1963) faisaient de même en novembre 1968.
(Bien sûr, dans ces deux cas, au contraire, les deux événements étaient devenus de l’histoire, même s’il s’agit d’histoire contestée et polémique. Ils n’avaient plus leur place dans l’actualité. Ils n’influaient plus sur le cours des choses. La polémique autour de 9/11, c’est le contraire. Il s’agit bien d’un événement d’une brûlante actualité.)
Ainsi mesure-t-on quatre choses :
• L’effondrement de la crédibilité de l’information officielle, qui a aussitôt “enterré” 9/11 pour le ranger au rayon des icônes historiques ; qui a peu à peu reculé ; qui a dû en rabattre et enfin revenir sur cette mesure initiale de l’affaire classée. Aujourd’hui, ces autorités officielles sont obligées de sortir en toute hâte (il y a quelques semaines) des notes de réfutation des théories complotistes. Aujourd’hui, la presse MSM est obligée de satisfaire au débat devenu “bon chic bon genre” du complot. Le Washington Post publie un article le 8 septembre, curieusement, — ou ironiquement, ou prophétiquement, — titré : “The Disbelievers” (“les incroyants”). La consonance religieuse est effectivement celle qui convient. (Voir aussi «Unanswered questions of September 11», dans le Washington Time du 10 septembre, avec une partie de l’article consacrée aux hérétiques ayant échappé au bûcher.)
• Au contraire de ce qui précède et qui lui est précisément lié, le jaillissement extraordinaire de l’influence de l’information circulant sur Internet. C’est par ce canal exclusivement que la contestation de la thèse officielle a survécu sous les cendres du WTC, puis a repris du feu, puis s’est répandue. Il s’agit certes d’un événement extraordinaire. Dans un combat titanesque depuis le 11 septembre 2001, les réseaux individuels et dissidents ont finalement imposé aux réseaux officiels la nécessité d’accepter la mise en question de la thèse officielle. On ne discute pas du tout ici de la validité de telle ou telle thèse complotiste, de la validité même de l’idée de complot, mais de l’acceptation implicite par les réseaux officiels, qui ont tenu pendant longtemps la thèse officielle comme une réalité objective et intangible, que l’événement pouvait être désormais sujet à une interprétation relative.
• L’une des causes de la capitulation officielle devant la poussée d’Internet est la paralysie de la politique officielle devant l’accumulation du défilement des événements historiques. Cette paralysie organise un repli constant de ces autorités officielles, devant leur impuissance face aux événements, sur le cimier qu’elles croient rassurant de leur soi-disant légitimité, c’est-à-dire l’attaque 9/11. Il y a, de ce fait, une impossibilité, et d’ailleurs une absence de volonté de la part des autorités officielles d’empêcher l’attention de se fixer, éventuellement pour le mettre en cause, sur l’acte originel, son acte de fondation d’une nouvelle époque. Du coup, la question demeure toujours actuelle : “acte de fondation” de quoi? Et la réponse est amenée à varier selon la variation de la fortune de la politique officielle ; et l’on sait que cette fortune est plutôt une infortune… “Acte de fondation” d’une politique historique de vengeance, d’une politique d’affirmation universelle du Bien, d’une politique d’hégémonie triomphale de l’Empire? — comme fut effectivement cette politique à ses débuts ; ou bien, ensuite, au gré de cette infortune justement, “acte de fondation” du début de la chute accélérée des USA? D’une perception d’une universelle détestation des USA dans le monde? L’effondrement de la puissance américaniste du fait de la politique de l’administration a entraîné la mise en cause du symbole fondateur, et la mise en cause du symbole fondateur a accéléré l’effondrement de la puissance américaniste. Invention du mouvement perpétuel vers la chute.
• La quatrième chose est un conseil que nous vous donnons : doutez, doutez encore et doutez toujours… D’abord, parce que ces gens-là ne méritent pas qu’on les croie ; ensuite, parce que si vous ignorez pourquoi vous doutez eux ne l’ignorent pas.
Nous célébrons donc l’acte fondateur de l’installation officielle du virtualisme. (Après une intense préparation dans les années qui précédèrent, à peu près depuis le pontificat du mirobolant Ronald Reagan.) Le passage de l’événement fondateur du stade de Vérité fondatrice à celui d’énigme pas encore historique soumise à la question de l’actualité virevoltante de notre temps implique le passage de l’objectif au subjectif. La Vérité officielle est devenue subjective, et la cible est offerte à toutes les mises en cause. Nous avons donc reconnu dans cette installation d’une Vérité objective suivie de sa mise en cause et de sa transformation en punching ball subjectif le phénomène du virtualisme intronisé et aussitôt combattu.
Il s’ensuit que la réalité est devenue un combat. Nous sommes au stade suprême de l’idéologie, lorsque l’idéologie se confond avec une mise en cause absolue de la réalité. Il se trouve, mais sans la moindre surprise en vérité, que ce sont les compagnons-frères, — le capitalisme et la modernité mariés dans une liturgie nouvelle baptisée post-modernité, — qui sont les représentants, complices et substantifique moelle de ce “stade suprême de l’idéologie”. Le virtualisme est l’expression globalisante et totalitaire, le résumé “pour faire court” du stade ultime ; il est idéologie pure, sans substance, sans contenu, forme pure de négation de la réalité.
Le reste est à mesure. Capitalisme dans sa forme extrême et modernité sont devenus poussée déstructurante pure. L’ordre du jour est le “désordre créateur”, et l’on se fout de plus en plus du qualificatif, et pour cause! Le désordre suffit, et il vient par la déstructuration. Là-dessus, le virtualisme proliférera, — ou, dans tous les cas, il aurait dû proliférer. La façon dont cette poussée se fait, de catastrophe en catastrophe, est une confirmation du processus : le virtualisme qui a voulu s’installer et qui, chaque jour, ne cesse de se casser les dents sur la réalité… Le virtualisme a beau être bien pourvu, il n’a que 32 dents, comme vous et moi à l’origine, avant le temps des prothèses dentaires.
9/11 est bien notre événement fondateur à tous, notre référence. “Sortez vos mouchoirs” et “attachez vos ceintures”. Ce n’est qu’un début, tant il est vrai que nous n’avons pas fini de ricaner joyeusement, nous autres sur les réseaux dissidents. Internet est un don de Dieu, au contraire de 9/11.
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