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1025Les experts locaux commencent à paniquer. Le Pentagone n’a-t-il pas des intentions peu honorables vis-à-vis du Mexique? Ne risque-t-il pas d’y introduire désordre et rancœur, notamment au sein de l’armée mexicaine, là où il voudrait apporter l’ordre et l’estime réciproque? C’est un peu, beaucoup, toujours le même problème avec le Pentagone.
D’abord, on s’inquiète des voyages de Gates (août 2008) et Mullen (février 2009), notamment parce que les deux hommes ont eu la malencontreuse idée d’aller saluer les tombes de soldats américains morts durant la guerre entre les USA et le Mexique. Cette guerre de 1846 fut vécue, côté mexicain, comme une guerre de conquête et d’annexion, notamment pour la raison excellente qu’elle le fut. (C’est à l’occasion de cette guerre de conquête, qui rapporta notamment la Californie aux USA, que les publicistes américanistes forgèrent l’expression de Manifest Destiny, qui allait devenir l’idée toute-faite, le concept emblématique et cousu sur mesure justifiant toutes les incursions des USA hors de leur territoire, au nom d’une “destinée manifeste” où l’on reconnaît la patte du Très-Haut. Cela permet à l’esprit simple de l’américanisme d’avancer que toute incursion, notamment militaire, des USA dans le vaste monde doit être vécue par ceux qui la subissent comme un don du Ciel après tout. Il semble que ce ne soit pas le cas des Mexicains, notamment des soldats.)
Les Mexicains ont également mal ressenti que leur pays soit classé parmi les plus dangereux pays du monde selon la vision US, à parité avec le Pakistan. McClatchy Newspapers publie, ce 15 mars, un rapport sur les suites de ces visites de Gates et de Mullen, sur l’atmosphère générale de la question en fonction de l’intérêt éventuel du Pentagone, tout cela bien entendu à la lumière de l’aggravation de la situation sur la frontière.
«Most experts, however, say any military role should be limited to sharing intelligence or training Mexican troops and even defense officials privately concede their effort to increase their role in Mexico is confusing Mexicans and even other U.S. agencies. “It's a mistake to say that the United States is going to address this problem of security in Mexico by increasing the Pentagon's role,” said Armand B. Peschard-Sverdrup, a senior associate with the Center for Strategic and International Studies. “It only would perpetuate the dysfunctional relationship between the two countries.”
»During a trip designed to expand U.S. Mexican-military relations, Adm. Michael Mullen, the highest-ranking U.S. military officer, visited the graves of American troops who died during the Mexican-American war just as Secretary of Defense Robert Gates did during his first visit in August Although the solemn gesture appeared innocuous, Mexico observers say the visit undercut the military's message that U.S. Mexican military tensions were a thing of the past.
»“Why remind Mexicans of the war? The Mexican military is already highly suspect of U.S. intentions and the war is still fresh in their minds,” Peschard-Sverdrup said. “Yes, Mullen was well-intentioned but he goes to pay homage to American who died not realizing in a sense that he's also reinforcing the concerns that many in Mexico — especially the Mexican military — have” that the U.S. military will try to once again dominate its land.
»Critics said the military also has not helped its efforts with a recent U.S. Joint Forces Command report that concluded Mexico and Pakistan were the world's two states most likely to fail.
»“It's ridiculous comparing the Mexico situation to Pakistan,” said Raul Benitez, a professor at the National Autonomous University of Mexico (UNAM) who specializes in military and national security issues. Benitez said the report demonstrated the military's view of Mexico was “black and white” and he questioned why the administration chose to send a military official before Secretary of State Hillary Clinton or Homeland Security Secretary Janet Napolitano traveled there. As a result, Mullen became the first administration official to brief President Obama on Mexico.»
Il y a du bon sens dans toutes ces appréciations, de même qu’il y a des événements violents et dangereux sur la frontière mexicaine. Par ailleurs, l’intérêt des militaires US pour la chose, d’ailleurs renforcé par l’incitation des parlementaires du Congrès, et aussi par des appels du gouverneur du Texas, est une issue automatique et inévitable à cette sorte de crise dès lors qu’elle commence à devenir un sujet grand public.
On connaît le Pentagone. Avec Obama, effectivement, la crise mexicaine est devenue “sexy”, c’est-à-dire qu’on en parle dans les gazettes et beaucoup de gens commencent à s’en occuper. Dès que le Congrès s’y met, il pense aussitôt au Pentagone, d’ailleurs le Pentagone y pense déjà. L’affaire mexicaine, de “sexy”, va devenir médiatique. Elle est en bonne voie de devenir essentielle pour la sécurité nationale des USA; d’ailleurs elle l’est effectivement. On va commencer à y penser dans les séminaires. A ces experts qui jugent avec un certain bon sens, qu’il ne faut surtout pas y envoyer les soldats, on répondra qu’il suffit de considérer la liste impressionnante des succès des forces armées US ces dernières décennies et années, y compris dans ce type de conflits de basse intensité. Voyez l’Irak, l’Afghanistan; la référence est irrésistible.
Par conséquent, si les violences continuent sur la frontière, notre sentiment est qu’on y pourrait y voir très vite des soldats US, venus là pour montrer comment on résout cette sorte de problème, poussés par le vent d’une campagne de communication irrésistible. La voie serait alors ouverte à l’aggravation du conflit et à un antagonisme grandissant entre militaires US et mexicains. On pourrait déjà écrire le scénario et Hollywood devrait s’y atteler, pour nous sortir un block-buster avant que la frontière ne s’embrase.
Mis en ligne le 16 mars 2009 à 18H00
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