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549La guerre d’Afghanistan fait des ravages, certes, on le sait. Elle en fait en Afghanistan mais elle en fait aussi, et c’est relativement nouveau, dans les deux capitales anglo-saxonnes. (Cela met évidence combien ces deux pays, UK et USA, sont effectivement les deux principales sinon uniques parties prenantes dans ce conflit qui est leur œuvre. Pour les autres pays de l’OTAN engagés, la chose a toujours été marginale et reste marginale en termes d’effets domestiques.)
Pour Washington, on sait déjà depuis un certain temps que la crise afghane est devenue une crise domestique. Pour Londres, on s’en doutait, et The Independent de ce 10 septembre 2009 met en évidence combien la crise afghane est devenue une véritable crise politique et domestique.
Le quotidien londonien annonce, dans un article exclusif, que les diverses forces politiques commencent à se diviser d’une façon formelle et radicale sur la politique à suivre en Afghanistan.
«The Conservatives and Liberal Democrats are preparing to call for the Afghan election to be re-run amid growing evidence of vote-rigging and intimidation. Their move puts Gordon Brown in a difficult position, because Hamid Karzai, the Afghan President, is utterly opposed to holding another election.
»And Mr Brown is trying to prevent Labour activists staging a debate at this month's conference demanding that British troops be withdrawn from Afghanistan. Tensions over the war could dent Mr Brown's plans for a show of Labour unity at the last annual gathering before the general election.
»If Mr Cameron becomes prime minister, he would send more troops to Afghanistan so that the training of the Afghan army and police could be quickened – and British forces withdrawn more quickly. His approach is described as "send them in, train them up and get out" in Tory circles. Senior Tories believe such a strategy is backed by Britain's military chiefs, whose call for up to 2,000 extra troops was blocked by the Government earlier this year. An extra 900 were sent for the Afghan election period only. […]
»In a conversation with the shadow Foreign Secretary William Hague picked up by a BBC microphone, Mr Cameron said: “The things that seem to have happened are so naked, you know, you just saw the number of votes and the number of people who actually turned up at polling stations, it just couldn't possibly be right ... We should be very clear about that.”
»The Tories are expected to call for the election to be re-run after the Independent Electoral Commission has published its findings on the first round of the contest.
»The Liberal Democrats called for a second round whatever the official result of round one because there were so many doubts about the process. Nick Clegg, the party leader, said: “It now seems very clear that the elections in Afghanistan have been plagued by fraud and we need a second round to establish some credibility in any government. This is necessary to ensure Afghanistan gets a president with legitimacy without which the conflict against the Taliban will be all the more difficult.”»
On comprend que Gordon Brown est, dans cette affaire afghane, largement à la dérive. Il propose, avec les Français et les Allemands, une conférence sous l‘égide de l’ONU pour examiner l'avenir de l’Afghanistan. Il s’agit d’apprécier l’aspect démocratique et humanitaire de la situation, de leur donner une nouvelle orientation, glorieuse, plus occidentaliste, plus à-la-Kouchner, croiser les doigts pour que ça marche et, vite, vite, quitter l’Afghanistan. Bonne chance.
Bonne chance également, pour en revenir à Londres, aux conservateurs, puisqu’ils devraient assumer le pouvoir, si les sondages disent vrai, au printemps prochain. Ils mettent en cause les élections, le régime Karzaï, etc., et, en même temps, veulent faire un effort maximum (avec envoi de nouvelles troupes), pour former l’armée afghane et, vite, vite, quitter l’Afghanistan. On comprend cette logique-là, y compris d’un point de vue politicien: Cameron aimerait bien que Brown mette en pratique le premier volet (liquider Karzaï et son régime corrompu) et que lui-même, Cameron, n’ait plus qu’à appliquer le second volet (formation de l’armée afghane et, vite, vite, on s’en va); tout cela, bien entendu, après qu’un régime miraculeusement démocratique et arrangeant ait surgi des sombres montagnes afghanes.
Le problème est que Karzaï est un gros morceau, qu’il va se battre comme un beau diable, qu’il va de plus en plus monter à l’extrême, et un extrême anti-OTAN, mais surtout anti-US et anti-UK. Or, les troupes afghanes, jusqu’à nouvel ordre, dépendent notamment de lui, de Karzaï. L’ordre de bataille des conservateurs pour, vite, vite s’en aller, est bel et bon, si cela marche. Le risque est d’une confrontation avec Karzaï et, pourquoi pas, pendant qu’on y est, avec l’armée afghane? Bref, le risque c’est, à côté de la contre-guérilla qui piétine il faut voir comme, une nouvelle sorte de guerre civile ou, dans tous les cas, un désordre multiplié.
Les Anglais, que ce soit les actuels travaillistes ou les (peut-être) futurs conservateurs, sont dans de beaux et tristes draps, à l’image de leurs cousins US. Les autres, répétons-le, sont moins conceptuellement engagés dans cette guerre, qui devient de plus en plus la forme centrale temporaire de la crise des pays anglo-saxons et de leurs ambitions.
Mis en ligne le 10 septembre 2009 à 11H17