L’ONU annonce l’insurrection globale, Papandréou est le premier insurgé

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L’ILO (International Labour Organization), organisation de surveillance des questions sociales et d’emploi dans le monde établie en 1919 et intégrée à l’ONU en 1946, annonce dans un rapport que, dans les conditions économiques actuelles, “plusieurs années” d’insurrections sociales globales sont à craindre, – jusqu’en 2016 estime l’ILO, qui se doit bien à elle-même de garder dans le chaos général une certaine rigueur scientifique et moderniste en nous laissant un pâle rayon d’espérance qui durera le temps d’un sombre hiver et rien de plus. En même temps, le Premier ministre grec annonce un référendum (sans doute en janvier 2012) sur l’accord européen de sauvetage de la Grèce, lequel passe évidemment par la poursuite et l’accentuation d’une austérité absolument démente et obscène. C'est une façon pour lui (Papandréou) d’apparaître comme le premier des insurgés de l’insurrection qu’annonce l’ILO. Il signifie ainsi qu’il passe la main au peuple, par le biais du processus démocratique, et se lave les mains du reste, – l’euro, les amis européens, ses “sauveteurs” (les héroïques Sarko-Merkel) qui sauvent l’Europe tous les quinze jours, les investisseurs, les banques et les marchés. (On notera que l'Elysée, dito Sarko, a jugé cette décision de Papandréou “irrationnelle” et “dangereuse”, confirmant qu'il y a une démocratie convenable et une qu'il ne l'ait pas.)

Le Guardian détaille, ce 31 octobre 2011, la décision du Premier ministre grec aux abois, décision largement, sinon unanimement critiquée par tous ceux qui n’assurent pas sa charge et espéraient bien qu’il assurerait par contre celle de bouc émissaire de première ligne dans cette gigantesque tragi-comédie de la Grèce, de l’euro et du fantôme grotesque de l’idée européenne en dissolution accélérée, sur fond de l’irrésistible crise d’effondrement du Système. Comme dit l’article, “le Premier ministre grec George Papandréou a stupéfait l’Europe...” Selon les premiers sondages après le dernier accord européen en date, 60% des Grecs sont défavorables à cet accord sur lequel portera le référendum.

«The Greek prime minister, George Papandreou, stunned Europe's leaders on Monday after he proposed that his country should hold a referendum on the landmark European debt deal reached last week. A Greek vote against the deal could scupper weeks of negotiations over how to rescue the country's economy and prevent a debt crisis to match the Lehman Brothers crash of three years ago.

»Stock markets, which have rallied in recent weeks after a sustainable deal looked more likely, reacted immediately to the news with a sell-off of shares. In New York, the Dow Jones index of leading companies fell sharply as Papandreou's plan was revealed. The euro fell 2% against the dollar and the US Volatility index – the so-called "index of fear" – climbed 22%, its biggest one-day rise since mid-August. […]

»Unveiling his referendum plan, Papandreou said: “Citizens are the source of our strength and citizens will be called on to say 'yes' or 'no' to the agreement. It is not for others to decide but the Greek people to decide … we have faith in the people. We believe in democratic participation. We are not afraid of it.” “The people will be asked whether they want to adopt [the deal] or reject [the deal]. This vote of confidence will be a foundation stone on which we will build a new structure, a new Greece.” […]

»Greek opposition parties protested that the referendum posed huge risks: “Mr Papandreou is dangerous, he tosses Greece's EU membership like a coin in the air,” said a spokesman for the main conservative opposition New Democracy party. “He cannot govern, and instead of withdrawing honourably, he dynamites everything.”

»Chris Williamson, of the analysts Markit, said: “A no vote would be a nightmare for the eurozone and in the meantime make everyone very nervous.” Raoul Ruparel, head of economic research at the anti-federalist thinktank Open Europe, said: “If the Greek public vote no in the referendum Greece could be left with no funds and no government, teetering on the edge of a disorderly default and a disorderly exit from the eurozone. It is only fair that the Greek people have their say, but the eurozone must begin preparing for a no vote and specifically how to handle a rudderless and broke Greece, which would probably include plans for allowing it to exit the euro.”»

De son côté, l’ILO a donc diffusé un rapport des plus alarmistes, c’est-à-dire des plus simplement réalistes, sur les perspectives sociales des années à venir, c’est-à-dire sur les perspectives calendaires d’insurrection sociale généralisée (disons globalisée, pour ne pas faire oublier le triomphe de la doctrine moderniste). Le directeur de l’International Institute for Labour Studies (organisation de l’ILO qui a réalisé l’étude), Raymond Torres, a simplement et sobrement remarqué que “nous avons atteint le moment de vérité” ; c’est-à-dire, certes, sous la pression de tous les composants de la crise d’effondrement, et des mesures prises en faveur des principaux détonateurs, accélérateurs et profiteurs de ces diverses crises (toutes les structures financières privées, aux dépens des trésors publics et de la situation des citoyens), le moment de l’extension vertigineuse de l’insurrection sociale devenant un phénomène fondamentalement globalisé. (Dans le Guardian du 31 octobre 2011.)

«The study found that only half the 80m jobs needed to return employment to its pre-crisis levels were likely to be created over the next two years, and that the stalling of the global recovery was already leading to an increase in joblessness. Torres said: “We have a brief window of opportunity to avoid a major double-dip in employment.” In a new “social unrest” index, the ILO said there was growing unhappiness over the lack of jobs and anger over perceptions that the burden of the crisis is not being shared fairly. It noted that in over 45 of the 118 countries examined, the risk of social unrest is rising, with particular signs of tension in the EU, the Arab region and to a lesser extent Asia.

»Official figures released today showed that unemployment in the 17-nation eurozone had climbed to a 15-year-high of 10.2%. Young people are being hardest hit by the lack of jobs, with youth unemployment at 29% in Italy, 43% in Greece and 48% in Spain. “The next few months will be crucial for avoiding a dramatic downturn in employment and a further significant aggravation of social unrest”, the ILO report said. “The world economy, which had started to recover from the global crisis, has entered a new phase of economic weakening. Economic growth in major advanced economies has come to a halt and some countries have re-entered recession, notably in Europe.” The report noted that even before the latest setback, the global situation was already “precarious”, with 200m people unemployed worldwide.»

L’élément le plus spectaculaire de cet ensemble de nouvelles est bien entendu le fait que le premier insurgé de l’insurrection annoncée soit effectivement le Premier ministre grec, poussant la logique démocratique jusqu’à une sorte de “doctrine de Ponce-Pilate”, – puisque cela concerne le peuple, c’est au peuple à dire et passons-lui la main. Papandréou a donc utilisé la dernière parcelle de souveraineté qui reste à son pays pour allumer une mèche de plus vers la conflagration générale. Le plus remarquable dans cet immense trou noir de chaos qu’est devenu le monde, c’est qu’on ne peut vraiment songer à accuser l’un ou l’autre, et certainement pas Papandréou, tant tous ces gestes et toutes ces décisions relèvent des spasmes du noyé tentant désespérément d’écarter son sort funeste.

Pour le reste, on admirera la rigueur remarquable du calendrier ainsi établi, entre d’une part un référendum grec prévu en janvier 2012, avec à prévoir tous les remous populaires grandissants vers leur paroxysme, les pressions forcenées du Système, les torrents de propagande et de dénonciation de la propagande qu’on imagine ; et, d’autre part, l’ILO qui annonce que “les prochains mois seront décisifs”, avec des mesures gigantesques et décisives nécessaires de la part des géants qui nous gouvernent pour tenter d’empêcher le basculement définitif dans l’insurrection sociale mondiale et globalisée. On ignore sans aucun doute ni aucune honte si tout cela se fera mais on remarque que le climat psychologique est bien en place pour le développement, dans ces diverses psychologies, notamment des géants des directions politiques, du spectre de l’effondrement global… Cela nous conduisant, avec le référendum grec, au seuil de l’année 2012, fameuse entre toutes… Est-il bien utile d'attendre 2016 ?


Mis en ligne le 1er novembre 2011 à 06H33