L’opéra-bouffe australien se diversifie : des F-18E/F à $194 millions l’unité en attendant le JSF-Godot

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L’Australie a un problème. Ce pays a choisi le JSF pour ses futures tâches de contrôle et de défense de son espace aérien, et aussi pour ses missions d’attaque. Choix étrange si l’on considère la géographie du pays et les capacités du JSF. Mais quoi, choix justifié per se puisque l’amour (américaniste) cela n’a pas à se justifier.

En plus des vagues nombreuses et variées de critiques que suscite ce choix, il y a un problème pratique. Les F-111 que le JSF doit remplacer (étrange choix [bis] pour remplacer le F-111) sont à bout de souffle. Livrés dans les années 1970, il faudra sérieusement songer à les retirer, en 2010 au plus tard, parce que la vieille bête devient vraiment dangereuse à piloter. Et alors, il y a le JSF, non? Mais le JSF, on le sait également, pourrait gagner le nickname de “Godot” à la place du flamboyant Lightning II. Simplement parce que le délai pour son arrivée ne fait que s’allonger. Pour dire le vrai, plus personne ne sait plus rien à ce propos. Les Australiens prévoient et espèrent avoir trois escadrons en 2020, — prévision et espérance qui font mourir de rire, pour nous occuper, en attendant Godot.

Aussi, le gouvernement australien a dû se décider presto à une mesure de “stop gap”, — ce qui, en français, se traduit plus prosaïquement et moins respectueusement par “bouche-trou”. Ce sera donc des avions, — devinez un peu ? — des avions américanistes, bien sûr. Des Boeing F-18E/F dont la qualité courante par rapport au niveau grandissime de la technologie US est mesurée entre médiocre et moyen. Qu’importe, on y va.

Mais on y va chèrement. La mesure étant urgente, Boeing n’a pas mégoté. Les 24 Super Hornet sont vendus à l’Australie comme s’il s’agissait de l’Arabie Saoudite achetant des Typhoon, — à prix d’or : 24 avions pour A$6 milliards (dollars australiens, ce qui fait $4,6 milliards en USD). L’avion revient individuellement à A$250 millions ($194 millions). Aviation Week & Space Technology, pourtant si mesuré dans ses propos, a du mal à retenir un qualificatif extravagant pour qualifier cet accord, même s’il le pondère d’un argument du niveau de cinquième primaire, mais par ailleurs fort peu économique pour la patrie de la rentabilité (en gros : puisqu’on a du fric, jetons-le par les fenêtres, Boeing s’en contentera) : «That looks like an extraordinarily costly stopgap — equivalent to A$250 million ($194 million) per aircraft — but the government's budget is in excellent shape, with no net debt on its books and with cash piling up from continuing surpluses.»

La sympathique nullité du personnel politique australien, pourtant anglo-saxon (ou parce qu’anglo-saxon ? Nous hésitons…), se dessine encore dans les arguments du ministre de la défense Nelson en faveur du Super Hornet, qui cite un article de… Aviation Week & Space Technology. Certes, AW&ST est sérieux, et tout le monde connaît les très nombreux liens que cette publication n’entretient absolument pas avec le monde militaro-industriel US à Washington, ce qui garantit une partialité complètement impartiale — alors, pourquoi ne pas citer dedefensa.org, pour avoir vraiment un avis partial mais sans aucun parti-pris? (Nous sommes anti-américanistes sans le moindre petit gramme de parti-pris, promis.) Ou Paris Flirt (grande publication coquine des années 1950) pour avoir des photos de belles dames dénudées en disant que voilà le Super Hornet et qu’il a l’air en bonne santé ?

«Defending the Super Hornet against criticism that it wasn't good enough, Nelson's announcement of the acquisition cited an Aviation Week & Space Technology report that revealed the ability of the aircraft's sensor package to electronically attack enemy radars through its own Raytheon APG-79 active electronically scanned array radar (AW&ST Feb. 26, p. 24)»

En fait, une question nous taraude encore : pourquoi ces gens éprouvent-ils tout de même le besoin de paraître compétents et vertueusement impartiaux ? Ils n’ont qu’à se gratter, cela leur passera.

Ah, une dernière chose, “pour le fun”. Pourquoi cet article d’AW&ST, à accès singulièrement payant, éprouve-t-il le besoin de s’identifier comme venu de “Beijing” alors qu’il traite de l’Australie ? Pourquoi pas de Fléron, Belgique ?


Mis en ligne le 13 mars 2007 à 19H39