Lorsqu’un Américain connaît bien la France

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Lorsqu’un Américain connaît bien la France


8 août 2004 — Au contraire du Monde par rapport à l’Amérique, certains Américains connaissent bien la France, parfois mieux que les Français eux-mêmes. Ils sont rares mais ils sont de qualité. Voici le cas de William Pfaff.

Dans sa chronique du 7 août 2004, Pfaff examine le cas de Nicolas Sarkozy pour lequel les Américains se sont particulièrement enthousiasmés, voyant en lui un successeur déjà assuré de Jacques Chirac, et un successeur particulièrement “américanisé”, dont l’élection en 2007 conduirait à un rapprochement des Français des thèses américaines.

(Les Américains, effectivement, se font beaucoup d’idées sur la France, qu’ils dissimulent sous des appréciations convenues, parfois, souvent ces derniers temps, derrière des observations de mépris. Comme l’écrit Pfaff  : « No other European country fascinates Americans as much as France does. It is a morbid interest, no doubt, usually inspired by annoyance or fury at France's resistance to American rectitude, expressed in condescending comment on France's assumed backwardness — or, in the preferred epithet of the Bush administration, its “irrelevance.” But if France were irrelevant, of course, no one would bother. »)

Ce qui est intéressant chez Pfaff, c’est que, dans un texte si court, il parvient à bien équilibrer la somme des illusions et des ignorances US à propos de la France, et les réalités tranquilles, presque pérennes, de la France. Il y ajoute les nuances et les apparences de la politique française, mettant aussi bien en évidence combien Sarkozy est capable de jouer à “Sarko l’Américain”, celui qui excite les milieux intellectuels français ou les penseurs étroits de Washington, tout en se conduisant, comme ministre (à l’Intérieur puis aux Finances) comme un ministre parfaitement français, celui qui fait passer les intérêts régaliens de la nation avant toutes les thèses et théories politico-économiques chères aux néo-conservateurs de l’American Enterprise Institute. Ces constats mesurent aussi bien la finesse de Pfaff que la grossièreté des gens en place à Washington.


« This excited much interest among Americans, who had never heard of him before. But Sarkozy somewhat damaged his presentation as the cosmopolitan European by insisting on speaking English, which he doesn't do very well.

» Sarkozy excited conservatives by suggesting that he is a great admirer of American ways of economic management, lauding the American entrepreneurial spirit and suggesting that France has a lot to learn.

» As France's newly appointed economics minister, however, he has supported state sponsorship of “national champions” in industry, sought an easing of European rules on balanced budgets, and in other respects disappointed the American Enterprise Institute and The Wall Street Journal. »


Aussi bien suffit-il de quelques paragraphes pour que Pfaff suggère le fondement de l’esprit français, même si cette suggestion s'appuie sur des hommes qui sont bien loin, si loin qu’ils ne savent même plus leur existence, — si loin d’approcher les vertus et la transcendance que cet esprit donna aux plus grands des Français.

Nous vivons une époque de basses eaux, aux limites de l’assèchement. On en trouve chaque jour le signe dans l’exceptionnelle médiocrité de ceux qui nous dirigent, qui sont si parfaitement l’illustration de cette tendance de notre Histoire, comme si l’anthropologie suivait fidèlement la météorologie. Survivent pourtant certains fondements collectifs, certaines constances d’une psychologie commune forgée dans la puissance et la force de l’Histoire.

Ainsi en est-il de l’“esprit français”, ou “esprit de la France”, si particulier, si complètement indépendant des Français, si complètement indépendant surtout des élites françaises, de la médiocrité qu’elles pratiquent et qui les caractérise d’une façon dont la constance ne doit pas cesser d’étonner. Dans un temps historique comme celui que nous vivons, ce contraste est quelque chose d’exceptionnel. (Cette étrange position de la France est particulièrement bien caractérisée par la note sarcastique de Pfaff, après avoir relevé combien tout le monde à Washington est obsédé par la France tout en la dénonçant comme “irrelevant” : « But if France were irrelevant, of course, no one would bother. »)

Voici ce ou ces paragraphes où Pfaff, en quelques mots sur la médiocre situation d’aujourd’hui, suggère cela à qui veut bien prêter l’oreille.


« Although he currently is vastly popular among the militants of the presidential party, the UMP, which he is expected to try to take over, Sarkozy will not become president, at least not in 2007.

» His aggressive ways may erode his youthful charm during the three years that remain before the scheduled presidential election. His enemies, Chirac first among them, have time to act. He lacks gravitas, the seriousness and maturity that the French have in the past expected in their presidents. He speaks in the popular idiom and, to some ears, with a trace of foreign accent.

» Despite much concern in France over the economy and the prospects of a European Union with 25 members, Prime Minister Jean-Pierre Raffarin may prove a sounder political bet for the long run. Most commentators in France would seem to disagree, but some share my view. »


[Voyez aussi un extrait de notre Lettre d'Analyse “de defensa”, en date du 10 mai 2004, sur le même sujet de l'éventuelle candidature à la présidence de Sarkozy.]