L’OTAN, comme monstre bureaucratique auto-suffisant

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Cette très rapide analyse de l’OTAN dans le contexte évasif du sommet de Bucarest, de Alexander Khramchikhin, chef des analyses à l’Institut des Analyses Politiques et Militaires de Moscou, est très intéressante d’abord par son introduction. En quelques phrases, elle résume bien l’actuelle position, l’actuelle irréalité stratégique et militaire complète de l’OTAN, qui poursuit une évolution conforme à ses seules normes et à ses seuls impératifs. Cette analyse est reproduite dans une dépêche reprise par UPI le 2 avril. Le début suffit à notre bonheur.

«NATO is expected to open its doors to Croatia, Macedonia and Albania at its summit this week in Bucharest, Romania. The invitation to the three Balkan states will come as another manifestation of trends that set in with the end of the Cold War. The eastward extension of the bloc has entirely lost its military purpose, instead becoming an end in itself.

»NATO lives to grow. Military might matters no longer. Eastern European countries that joined NATO in 1999 and 2004 are powerless to protect even themselves. They are security consumers. Old and new NATO members are steadily reducing their armed forces, so it has ever smaller means to defend an ever larger area. Things will become still worse with the extremely weak Albanian and Macedonian armies.

»It is logical to assume that NATO continues to extend its borders for political ends alone – to spread the European zone of liberty and democracy. NATO lost its original purpose in 1991. As any bureaucratic structure that loses its raison d'etre will do, the bloc shifted its priorities to self-preservation.

»From this point on, eastward expansion became the priority for the Brussels bureaucrats running the alliance – not for any security considerations, but because it provides them with a big job, for a long time. European security is no longer a priority, especially as nothing threatens it now. The new NATO members do not gain anything but the psychological satisfaction of belonging to the club of civilized nations and a soothing sense of security, even though they are safe as they are.»

Le destin de l’OTAN est ainsi parfaitement résumé:

• La justification de l’OTAN ne réside plus qu’en sa propre existence. Par conséquent, sa tendance à s’agrandir est une fatalité de cette structure bureaucratique sans raison d’être. Plus l’OTAN est grosse (plutôt que “grande”, d’ailleurs), plus elle paraît exister et plus son existence paraît justifiée.

• L’importance du militaire dans l’alliance ne cesse de décroître dans la mesure où ses membres ont leurs capacités militaires en régulière décroissance. Les nouveaux membres, incapables d’assurer eux-mêmes leur sécurité, viennent agrandir le territoire dont la sécurité est confiée à l’alliance alors que les capacités de cette alliance se réduisent. Leur entrée, au lieu de constituer un apport de sécurité pour eux-mêmes et pour les autres, réduit la sécurité générale qui n’a plus de “collective” que de nom.

• Par ailleurs, note encore l’auteur, cette expansion a pu se faire jusqu’ici sans problème fondamental de sécurité parce qu’il n’existe en Europe aucune menace sérieuse pour la sécurité. Le monstre bureaucratique a donc pu poursuivre son expansion sans trop d’à-coups.

• Mais les cas de l’Ukraine et de la Géorgie, par leurs positions singulières, introduisent un paramètre différent. L’auteur insiste notamment sur le cas de l’Ukraine, pays artificiel puisqu’hérité du découpage réalisé durant l’ère soviétique, et littéralement coupé en deux entre deux populations fondamentalement différentes, avec la partie orientale d’origine russe, de religion orthodoxe, etc. On se trouve dans ce cas au point où l’expansion de l’OTAN créerait un problème grave de sécurité dans un environnement général où il n’existait rien de sérieux de cette sorte. C’est dans ce cas que la faiblesse, voire l’inexistence de l’OTAN du point de vue de la sécurité devraient apparaître d’une façon plus préoccupante.

La description correspond bien à la perception qu’on peut avoir de la situation de la civilisation occidentale, où le pouvoir politique n’assume plus aucune de ses fonctions traditionnelles. Elle illustre bien l’impuissance de ce pouvoir à embrasser les situations générales, à considérer les conséquences à long terme, à intégrer tous les facteurs contradictoires pour en déduire les lignes de force probables. Le pouvoir politique suit la dynamique “du poids” (plus que de la force) engendrée par les facteurs bureaucratiques, se contentant du rôle de relations publiques de cette dynamique en fabriquant et en lui fournissant des justifications stratégiques et morales complètement faussaires.

Nous serions inclinés à ajouter à cet ensemble la dimension “mafieuse”, que nous signalions hier. Elle est en train de s’imposer de plus en plus, par le mélange des pouvoirs mafieux des nouveaux membres, et de l’activisme des lobbies US, notamment de l’industrie de l’armement avec leur faux-nez idéologique.


Mis en ligne le 3 avril 2008 à 13H05