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926Parmi les très nombreuses réactions sur le sommet de Bucarest, nous signalons une série de quatre sur le site de The National Interest du 4 avril. Successivement, Nikolas K. Gvosdev, Ted Galen Carpenter, Anatol Lieven et Charles A. Kupchan. Nikolas K. Gvosdev est plutôt optimiste (malgré des réserves) sur les résultats du sommet, concluant ceci: «[A]ll in all, a good summit meeting—and an important step in revitalizing transatlantic ties». Cet optimisme retenu est tout de même un bel effort pour continuer à prendre au sérieux la politique occidentale. Il nous semble malheureusement peu convaincant et destiné à se perdre dans les futures frasques otaniennes.
Kupchan est plus convaincant. Il a bien vu l’une des principales marques du sommet, provoquée par l’entêtante obstination de Bush d’imposer comme dossier fondamental l’élargissement à la Géorgie et à l’Ukraine. Même si son sentiment n’est pas nécessairement le nôtre, – un certain sentiment de regret qu’une telle situation s’installe, – Kupchan voit juste lorsqu’il voir s’ouvrir une nouvelle époque où les désaccords entre les USA et l’Europe s’installent ouvertement au coeur de l’OTAN:
«A new day has certainly been opened for the alliance when its leading states part company on vital questions of which countries merit membership. To be sure, the Macedonian question is troublesome for the alliance, but not fundamental; the country will join the alliance as soon as the dispute over its name is resolved. But the disagreement over Ukraine and Georgia runs deeper. It is reflective of the alliance’s growing pains, the diverging priorities of the United States and its European allies, and the rising power of Russia.»
Carpenter et Lieven sont sans aucun doute nos favoris. Surtout et essentiellement parce qu’ils ont tous deux saisi un phénomène essentiel, pour des raisons pas toujours semblables, selon des centres d’intérêt différents, – mais leur conclusion similaire n’en a que plus de prix. Ce phénomène, c'est l’extraordinaire ineptie, la profonde vacuité de la politique otanienne suscitée par les USA. Les termes employés dans les deux titres vont parfaitement dans ce sens, pour qualifier cette politique: “babysitting” pour Carpenter («The Babysitter’s Club») et “infantilisme” pour Anatol Lieven («Three Faces of Infantilism: NATO’s Bucharest Summit»). C’est effectivement un point que nous jugeons très intéressant que des experts de ce niveau en viennent à utiliser les termes de dérison qui importent pour qualifier la politique occidentale. Il n’est plus temps de dire qu’elle est mauvaise, faussaire et trompeuse, injuste et orientée, ce qu’on sait depuis longtemps; il est temps de dire qu’elle est dérisoire, marquée par une vacuité extraordinaire, politique nulle et privée de toute perspective, accouchée par des esprits dépouillés de toute raison, de bon sens et de sensibilité (pour des raisons diverses, esprits qui ont plus à voir avec la corruption psychologique qu’avec la faiblesse et l'inintelligence).
• Ted Galen Carpenter nous parle de «The Babysitter’s Club». Carpenter désigne par cette expression le fait d’ajouter à l’OTAN des pays comme la Croatie et l’Albanie, ce qui accroît les risques de déstabilisation pour l’Alliance et constitue un “apport” de sécurité absolument négatif.
«The endorsement of NATO membership for Croatia and Albania confirms that the alliance has now entered the realm of farce. The military capabilities of those two countries are minuscule. According to the most recent edition of The Military Balance, published by the International Institute for Strategic Studies, Croatia's military budget is a mere $875 million, and its military force consists of 17,660 active-duty personnel. Albania's budget is $208 million, and its force is 11,020. They will augment Estonia's $356 million and 4,100 troops, Latvia's $471 million and 5,969 troops, Lithuania's $470 million and 13,800 troops, and Slovenia's $750 million and 5,973 troops. By not offering membership to Macedonia, though, NATO will have to do without Skopje's $161 million and 10,890 troops.
»Collectively, such members spend less on their militaries in a year than the United States spends in Iraq in ten days. How adding such military pygmies to NATO is supposed to enhance the security of the United States is truly a mystery.»
La conclusion de Carpenter est celle d’un homme au souffle coupé devant l’insulte à l’intelligence que constitue pour lui la politique otanienne et tout ce qu’elle nous dit de la position intellectuelle de l’Occident.
«It is baffling why NATO (and especially the United States as the leader of the alliance) would want to take on such members. That is a policy that verges on masochism.
»NATO is fast becoming a parody of itself. It is increasingly a combination political honor society and geopolitical babysitting club. The admission of such trivial military powers as the Baltic republics, Slovakia, Slovenia, Croatia and Albania confirms that the alliance has outlived any usefulness it once had. Someone should take the merciful step and put NATO out of its misery.»
• Anatol Lieven, que nous aimons beaucoup, trouve les termes et les exclamations qu’il faut dans l’indignation que tout honnête homme doit pouvoir trouver lorsqu’il juge de notre politique, à nous, grande civilisation occidentale. Il est peut-être désormais moins urgent de dénoncer les ravages de l’idéologie que les ravages de la sottise universelle que l’Occident s’offre à elle-même. A ce jeu, Lieven est excellent, qu’il parle de la farce Géorgie-Ukraine, des prétentions militaires de pays embourbés en Irak d’une façon inimaginable, des rodomontades de puissances qui coulent dans une crise économique de dimensions cosmiques, et jusqu’à la farce sanglante de l’Afghanistan. («And what a success the summit was! What a tribute to NATO’s commitment to the common effort in Afghanistan, and spirit of collective self-sacrifice! France came up with 700 new soldiers, which makes approximately one for every 400 square miles of Afghan territory or for every 40,000 Afghans. The richest group of countries on earth came up with 18 new helicopters for Afghanistan; a fraction of the numbers it takes to ferry millionaires to their European ski resorts on any given day.»)
La conclusion de Lieven est chargée d’ironie méprisante, de dérision, de haussements d’épaule furieux, pour cet aéropage des élites occidentales et associées embourbées dans l’entêtement de l’inconséquence et de l’irresponsabilité.
«Leaving aside domestic political calculations in the United States, what this whole process reflects is the profound infantilism of many of the Western attitudes concerned. In the United States, the infantile illusion of omnipotence, whereby it doesn’t matter how many commitments the United States has made elsewhere—in the last resort, the United States can always do what it likes; in much of Western Europe, the infantile syndrome of dependence on the United States, nurtured by a profound desire not to have to think and act in an adult fashion concerning the needs and costs of European defense; and in Eastern Europe, an infantile obsession with historical grudges against Russia.
»If this process continues, then we will find ourselves in a situation where NATO has made an Article 5 commitment to fight if necessary for a Georgian Abkhazia and a Ukrainian Sevastopol. Mr de Hoop Scheffer has been urging NATO expansion to these countries, and has even—unconscionably—sought to preempt democratic debate within the organization of which he is supposed to be the servant by declaring that the discussion is over and that Ukraine and Georgia will definitely be admitted soon whatever happens. Scheffer is Dutch. Is he suggesting that the Dutch army—to give it that name—would fight to defend Ukraine or Georgia? Having given the absolutely obvious answer to that question, does anything more really need to be said?»
Mis en ligne le 8 avril 2008 à 04H10
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