L’OTAN entre dans sa seconde crise existentielle, — effectivement, c’est tentant pour la France d’y entrer

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D’une façon générale et en laissant de côté les langages des communiqués, il est admis que l’OTAN est menacée dans ses fondements par l’Afghanistan. Cette guerre impose d’horribles tensions entre les membres de l’Organisation et met en cause leur solidarité. La position à part des USA accentue la gravité de cette situation, en laissant les Européens face à face les uns les autres.

Jeudi, une deuxième crise s’est déclarée officiellement au sein de l’OTAN. Elle touche un deuxième aspect de l’Alliance, celui de ses structures rénovées dont la mise en place devrait (auraid dû?) garantir une relance du fonctionnement de l’Alliance hors des tâches ponctuelles comme l’Afghanistan. Il s’agit de la crise de la Rapid Reaction Force, ou Respond Force, qui devait fournir une structure nouvelle d’intervention générale, souple et rapide. Cette structure concrétisait effectivement un renouveau éventuel de l’Alliance. La création de la RRF avait été décidée en 2002 et la France devait y jouer un rôle essentiel, concrétisant le rapprochement de facto de l’Alliance opéré durant les présidences Chirac. (Ce qui fait bon marché de l’appréciation d’anti-américanisme et d’hostilité à l’OTAN de la période Chirac.)

The International Herald Tribune nous rapporte aujourd’hui les conditions de cet événement qu'on doit juger, on s'en doute, extrêment malheureux.

«NATO is backing away from establishing a combat force that would be capable of moving rapidly into conflict areas because it lacks the money, the troops and the equipment, officials said Thursday.

»NATO's decision to rethink the Response Force is a blow for the 26-member alliance, which was seeking a way to alter a cumbersome and reactive organization of the Cold War era to field flexible units capable of being deployed within days to carry out a range of operations, including counter-terrorism.

»While NATO has changed significantly in recent years - seen in its involvement in combat in Afghanistan, for example - the way missions are financed and military equipment is procured has lagged.

»Moreover, analysts said, the future of the Response Force could send a signal to the European Union, which is establishing its own “battle groups” — units of about 1,500 troops that could be sent to a conflict zone within 10 days.

»“We are having trouble generating forces for all the missions that NATO, the EU, the UN and others need for missions around the world,” said James Appathurai, the alliance's spokesman. The scope and size of the NATO response force would be reassessed, he said.

»First proposed by Donald Rumsfeld in 2002, when he was the U.S. defense secretary, the NATO Response Force was to consist of 25,000 soldiers serving on six-month rotations. Groups of countries would commit land, air, naval or special forces for this duration.

»But some member states began to complain that the burden was too heavy and too costly because their own forces were assigned to the NATO missions in Afghanistan and Kosovo; the U.S-led coalition in Iraq; and the UN peacekeeping mission in Lebanon.

»Tomas Valasek, a defense expert at the Center for European Reform, a research institute in London, said: “NATO has a problem that affects the EU as well. There are simply not enough troops. NATO is asking member states to sign up to the Response Force at a time when more troops are needed for Afghanistan. NATO has hit a ceiling. The Response Force is a luxury member states cannot afford.”»

Cette crise de la Respond Force appelle plusieurs remarques.

• Elle met en évidence, en “complétant” la crise de la guerre de l’Afghanistan, la crise générale fondamentale qui menace aujourd’hui l’existence de l’OTAN. Les causes de cette crise, telles qu’elles sont présentées, montrent simplement que l’OTAN n’est plus un incitatif suffisant auprès de ses membres à faire des efforts en matière militaire. L’Afghanistan est plus une crise des membres européens de l’Alliance, qui se sont lancés dans cette aventure pour garder de bonnes relations avec les USA, qui exigeaient cet engagement. L’Afghanistan met en lumière la crise de la solidarité transatlantique puisque l’exigence originelle des USA, si elle a été entendue, ne parvient qu’à susciter une crise entre partenaires européens sur le terrain. La crise de la Respond Force montre, elle, que l’OTAN a perdu son pouvoir mobilisateur en tant que telle, qu’elle n’est plus capable d’imposer un effort à ses membres. (L’UE est-elle, elle, capable de l’imposer à ses membres? La mise systématique en parallèle de l’OTAN et de l’UE pour cette crise — puisqu’il y a crise à l’OTAN, il y a crise à l’UE puisque la “structure militaire” de l’UE, au travers de ses “battle groups”, devrait être également touchée — cette mise en parallèle n’est que partiellement juste. L’UE a beaucoup moins à perdre que l’OTAN puisqu’elle n’a jamais atteint le niveau d’organisation de l’OTAN et qu’elle reste encore à l’état de projet dans ses structures envisagées. On verra si l’effort de la France lors de sa présidence de juillet 2008 fera évoluer la situation.)

• La France, justement. Elle joue un rôle-clef dans la Force Response. Cela montre d’abord la profondeur de son engagement et le peu de changement qu’apporterait à cet égard une soi-disant “réintégration” de l’OTAN. La situation de crise de la Respond Force montre également que l’engagement actuel de la France est lui-même en état de crise et l’on voit mal comment la décision éventuelle de “réintégration” changerait quelque chose puisqu’il s’agit d’une question de moyens et que les projets de l’équipe Sarkozy à cet égard laissent peu d’espoir.

• D’où la question générale de savoir comment une décision de “réintégration” pourrait présenter quelque avantage concret que ce soit pour la France. L’OTAN est en crise et une entrée dans une organisation en crise rend difficile d’en entendre quelque avantage que ce soit. On voit mal, par ailleurs, comment une telle entrée n’aménerait pas des pressions nouvelles sur la France, d’ailleurs logiques dans ce cas, pour d’éventuels efforts supplémentaires qui seraient nécessairement en concurrence avec la poussée que la France veut imposer à la défense européenne. L’espérance française qu’il y ait complémentarité et non concurrence entre l’UE et l’OTAN apparaît à cette lumière particulièrement vaine. Le projet de réintégration de la France dans l’OTAN semble ne se justifier (outre les problèmes d’emploi pour certains généraux français) que par la volont de plaire aux USA. Il n’est pas sûr que ce soit, dans le climat actuel, une option heureuse.


Mis en ligne le 21 septembre 2007 à 16H05