Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
535
16 juillet 2003 — Les conditions sont en train de se mettre en place pour mener éventuellement à une nouvelle crise sérieuse au sein de l’OTAN. Ce serait à nouveau à propos de l’Irak, bien sûr. Plusieurs situations, si elles continuent à évoluer comme elles l’ont fait jusqu’ici, pourraient former les conditions de cette crise.
• La situation en Irak, où les Américains sont de plus en plus pressés, avec des troupes déjà très fatiguées et au moral extrêmement bas. Les pertes constituent un facteur politique chaque jour en aggravation pour l’administration Bush, surtout avec l’évolution très défavorable de l’opinion publique et alors qu’on approche de la période de la campagne électorale. Ce point est d’autant plus important qu’une polémique commence à se faire jour, qui pourrait prendre une dimension émotionnelle importante : les pertes seraient-elles plus importantes que ce qu’on veut bien annoncer, avec des camouflages réalisés sur place pour transformer des tués au combat en tués par accident ? [Voir notamment le cas du sergent Coffin, réserviste de l’État du Maine, mort officiellement dans un accident.
« Members of Maine's congressional delegation said they, too, could neither confirm nor deny the account. But the Coffin case, they agreed, has been disturbing for a variety of reasons.
» “The case raises a very troubling question, which is, are combat deaths being disguised as accidents . . . so it would appear less harm is being caused by the Iraqi resistance than is the case?” asked Rep. Tom Allen, D-Maine. »]
• La position de Bush, dont la possibilité d’un échec en 2004 est désormais ouvertement envisagée, le rend de plus en plus nerveux vis-à-vis de la situation en Irak, et de moins en moins incliné à prendre des gants avec les pays alliés. Bush se bat sur deux fronts : la situation en Irak elle-même et ses répercussions, et le front des scandales (mensonges divers) où il est mis directement en cause.
• Il y a de plus en plus de suggestions de faire appel à l’OTAN, pour “relever” les troupes US. Certains sont plus précis, comme le sénateur Biden, qui a “exigé”, sans trop s’embarrasser de logique ni mettre de gants, une participation substantielle des forces allemandes et françaises pour “partager le fardeau”. (Les forces non-US et non-UK d’ores et déjà sur place ou promises n’ont qu’une importance opérationnelle très mineure, qui trace d’ailleurs les limites des nouveaux alliés privilégiés des US en Europe. Le refus récent des Indiens de venir en Irak est un autre coup dur pour les US.)
• Les Français et les Allemands ont clairement annoncé ces derniers jours qu’ils n’entendaient pas déployer des troupes si le statut en Irak ne changeait pas, c’est-à-dire si l’ONU ne prenait pas la direction du pays à la place des USA, et si l’ONU ne demandait pas officiellement l’envoi de contingents sur place. Les Allemands, notamment, l’ont affirmé de façon très ferme, et aussi bien l’opposition chrétienne-démocrate que Schröder. C’est un cas de blocage évident, les USA n’envisageant en aucun cas d’abandonner le contrôle de l’Irak. Pour eux, ce ne peut-être que l’OTAN contrôlée par eux, et certainement pas ONU + OTAN, dans cet ordre.
Dans ce cadre déjà tendu, il n’est pas impossible, la situation intérieure US évoluant vers une plus grande tension, que les Américains veuillent faire une pression maximale en demandant à l’OTAN une décision de prise en charge de la sécurité en Irak, sous commandement américain, avec déploiement de troupes alliées. Il y aurait alors vote à l’OTAN, où l’on retrouverait la fracture de février dernier. Ce serait à nouveau la crise. Elle pourrait être encore plus grave et mettre en évidence certaines autres fractures, en plus de celles qu’on connaît, notamment entre Américains et Turcs.