L’Ouest face à l’Iran, vus par El Baradei : l’infamie as usual

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L’ancien directeur de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique Mohamed El Baradei, actuellement candidat à la présidence en Egypte, a donné une interview au Spiegel, ce 19 avril 2011>D>. Jason Ditz, sur Antiwar.com, ce 21 avril 2011, met en évidence l’importance internationale de cette interview… «Former IAEA Chief and current Egyptian Presidential candidate Mohamed ElBaradei has given a high profile interview to Der Spiegel this week. Though the interview largely centers around domestic politics, it also delves into his IAEA experience, particularly with respect to the attempts to broker a deal on Iran.»

L’extrait de l’interview du Spiegel se rapportant à la question iranienne est le suivant :

SPIEGEL: «Your optimism is admirable. When you were still the director general of the International Atomic Energy Agency (IAEA) in Vienna, you even felt confident that you could solve the nuclear conflict between Iran and the international community. But that didn't work out.»

El Baradei: «We were in fact on the verge of a solution on several occasions. The Iranians were willing in 2003, but the administration of then US President George W. Bush was not. Then, in 2010, when President Barack Obama extended his hand, the Iranians couldn't take it, because of domestic political power struggles.»

SPIEGEL: «In your soon-to-be-published memoirs, you describe how you were deceived in your attempts to investigate.»

El Baradei: «I adhere strictly to the facts, and part of that is that the Americans and the Europeans withheld important documents and information from us. They weren't interested in a compromise with the government in Tehran, but regime change – by any means necessary.»

SPIEGEL: «And the poor Iranians were completely innocent?»

El Baradei: «No, they too engaged in trickery. But the West never tried to understand that the most important thing for Iran was getting recognition and being treated as an equal.»

On n’imagine toujours pas combien la critique générale et systématique du bloc américaniste-occidental (BAO) dans cette circonstance, comme dans tant d’autres, est vraie et fondée. El Baradei nous le confirme, tandis que, d’une façon après tout très révélatrice, l’intervieweur du Spiegel, mis au courant de l’infamie du bloc BAO, n’a rien de plus pressé que de s’enquérir ironiquement à propos des “pauvres Iraniens”, – impliquant cette évidence qu’“ils n’étaient pas des anges, eux non plus”. Nulle surprise chez lui, devant un acteur central des négociations nucléaires avec l’Iran, qui lui confirme que, pendant sept ans, le bloc BAO a joué une comédie dont le principal argument de départ était que l’Iran devait d’abord se prosterner devant le Dieu-Ouest, – et puis après, on verrait. Aucun mot de condamnation, ni d’exclamation scandalisée, pour cette comédie américaniste-occidentaliste jouée pendant la même période de sept années au son de l’affirmation de notre vertu absolue, et, au contraire, l’appréciation toujours implicitement ou explicitement méprisante pour les Iraniens. On vous dit que le Saint Père des donneurs de leçons, l’empereur de la vertu universelle, est en train de voler un bœuf, vous vous enquérez aussitôt de savoir si son interlocuteur, que le dit bœuf écrase de son mépris depuis des années, ne serait pas en train de comploter, “par hasard”, pour voler un œuf… C’est exactement ce que les journalistes de la presse-Pravda, ou presse-Système, nomment “l’objectivité”.

Cela écrit, pour marquer combien la politique du bloc BAO est une constante hypocrisie virtualiste, il reste à noter qu’El Baradei, accusé en général d’être “l’homme des Américains” dans les prochaines élections présidentielles égyptiennes, tient à prendre ses marques au niveau de la politique étrangère, dans un sens anti-occidentaliste comme il convient aujourd’hui à la politique générale de l’Egypte, et plutôt dans un sens qui fera plaisir à l’Iran sur ce point particulier. Dans le reste de l’interview, El Baradei prend une position modérée et opportuniste, à la fois favorable aux réformes comme il se doit, et également favorable aux militaires malgré les tensions récentes entre réformistes radicaux égyptiens et militaires. De ce point de vue, El Baredei, comme nombre d’autres politiciens égyptiens, manœuvrera effectivement avec la plus grande prudence, attentif à ne gêner personne pour ne se mettre personne à dos. Effectivement, le seul domaine où il prend des positions tranchées, comme les autres candidats, comme les militaires eux-mêmes, est celui de la politique extérieure, dans le sens qu’on a dit. Une remarque d’El Baradei à propos des Iraniens sonne vrai, et elle sonne vrai aussi bien pour les autres pays de la région, et pour l’Egypte par conséquent : « But the West never tried to understand that the most important thing the most important thing for Iran was getting recognition and being treated as an equal.» On peut aussi bien mettre “Égypte” à la place d’“Iran”, et on peut aussi bien noter la justesse des termes employés par El Baredei : «But the West never tried to understand that the most important thing…» La justesse de l’énoncé est effectivement en ceci que la vanité, l’hubris du Système est telle qu’elle lui interdit, à lui et à ses représentants, d’“essayer” seulement de comprendre, n'imaginant pas une seconde, finalement, qu'il y ait quelque chose “à comprendre”… A ce point, il nous paraît évident qu’il s’agit bien d’une pathologie de la raison américaniste-occidentaliste, un aveuglement autiste, une impuissance psychologique par enfermement de la psychologie.


Mis en ligne le 21 avril 2011 à 14H21