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87210 décembre 2006 — Nous aurions pu aussi bien écrire : “l’anglosphère vers la défaite”, tant “l’Ouest”, lorsqu’il s’agit de l’Irak et de l’Afghanistan, et de la soi-disant guerre contre la terreur, cette monstruosité qui va avec, est une affaire anglo-américaine. Mais il s’agit désormais moins d’une alliance, voire d’un liaison exaltée et coupable (special relationships) que d’un faux-couple pervers et auto-destructeur, au nom d’une ambition anglo-saxonne qui s’avère suicidaire sur le terme très court. Au-delà, l’exemple choisi nous révèle le sort tragique de cette civilisation occidentale annexée par l’ambition vaniteuse, par l’“hubris” anglo-saxon.
Nous prenons ici comme support à cette réflexion deux articles du même Independent de Londres, excellent en général pour nous décrire les avatars de cette alliance si perverse.
• «CIA is undermining British war effort, say military chiefs — Confidential report speaks of ‘serious tensions’ in the coalition over strategy in Iraq and Afghanistan», paru le 10 décembre.
Quelques extraits :
«British intelligence officers and military commanders have accused the US of undermining British policies in Iraq and Afghanistan, after the sacking of a key British ally in the Afghan province of Helmand.
»British sources have blamed pressure from the CIA for President Hamid Karzai's decision to dismiss Mohammed Daud as governor of Helmand, the southern province where Britain deployed some 4,000 troops this year. Governor Daud was appointed in mid-year to replace a man the British accused of involvement in opium trafficking, but on Thursday Mr Karzai summoned him to Kabul and sacked him, along with his deputy.
»“The Americans knew Daud was a main British ally,” one official told The Independent on Sunday, “yet they deliberately undermined him and told Karzai to sack him.” The official said the Defence Secretary, Des Browne, was “tearing his hair out”.
»Meanwhile, a confidential assessment of the situation in Iraq, seen by the IoS, has reported ''serious tensions'' in the American-British coalition. American commanders in the country are believed to oppose the British strategy for handing over Maysan and Basra provinces to Iraqi control as part of an exit strategy.
»The disclosures come only days after differences between the US and Britain were on display during Tony Blair's visit to Washington, and the Iraq Study Group issued a report containing withering criticism of President George Bush's policies. With British commanders warning that they may not be able to succeed in Afghanistan unless forces in Iraq are drawn down, cracks in the transatlantic alliance are likely to widen.»
• «Killed in action: Marine Jonathan Wigley, born Melton Mowbray, 1985. Died Garmsir, 2006 — His death on Tuesday seemed to be just another tragic casualty in Afghanistan. But his killing, possibly by US fire, raises a series of questions that should haunt the men who sent him to war.». L’article de Kim Sengupta et de Raymond Whitaker est publié le même 10 décembre dans The Independent.
Au travers d’un document officiel et de la mort d’un Royal Marine britannique, tué par le feu d’un A-10 américain, sont exposés tous les travers fatals des soi-disant “guerres”, en train de devenir défaites mortelles, que ces deux pays ont initiées et conduisent aujourd’hui de mal en pis. Au bout du chemin, d’épouvantables déstabilisations menacent leurs ambitions.
«The British troops were pinned down in a stretch of farmland, among mud-walled compounds and a network of irrigation canals, with their line of retreat cut off by relentless fire from machine-guns and mortars. As the insurgents tried to encircle them, the beleaguered men of 45 Commando called in air support. Taliban positions were pounded by US F-18s and A-10s, and British Apache helicopter gunships.
»It was at this moment, amid the flames, smoke and ear-splitting noise, that Jonathan Wigley was mortally wounded - almost certainly by friendly fire. “I saw it. It was the A-10. I was five feet away,” said a marine afterwards, his face etched with dirt and tiredness. “I saw it swooping toward us. I will never forget that noise. It was horrible.”
(…)
»His men had expected resistance, said Major Andy Plewes, the company commander. “What we didn't know was how strong it was. We were prepared for it, which is why we were able to hold them off and move safely back ... but we don't have enough forces in the area to hold ground completely. That has to be done by Afghan security forces.”
»Major Plewes was identifying one of the worst problems facing Nato forces in Afghanistan. Their British commander, Lt-Gen David Richards, had hoped to adopt less aggressive tactics than the US forces they replaced, but like the Americans, they are constantly having to make up in firepower what they lack in numbers on the ground.
»If Lt-Gen Richards had been given the strategic reserve of around 1,000 soldiers he has constantly sought, troops needing support would not have to rely so frequently on air strikes. These inevitably have unintended effects: while Marine Wigley was in a very dangerous situation, the risks of having to call in a fearsome ground-attack aircraft such as the A-10 to blast insurgents in the next trench are obvious.
(…)
»…the British would need a much bigger force without having to use the kind of firepower that would leave the locals finding only ruins on their return. Nor is that supposed to be the mission: commanders stress they went into Helmand to provide support for reconstruction and development, not to seek war with the Taliban. Troops are carrying out what development work they can in Helmand, but they lack the numbers to have a major impact.»
Il s’agit d’une revue générale de tous les défauts, les travers, les incompréhensions, les défiances, de toutes les fautes, les erreurs, les vanités, qui parcourent ces deux “guerres”, ces deux soi-disant guerres d’Afghanistan et d’Irak. Tout ce qu’on y rencontre laisse pantois, par rapport aux prévisions et aux certitudes qui accompagnaient toutes ces entreprises lorsqu’elles furent lancées.
A aucun moment, il n’y a l’impression d’une guerre, d’où nos précautions de langage à cet égard. Derrière la nausée de leur langage conformiste (démocratie, droits de l’homme, modernité) on ne trouve rien qui assure le sérieux d’une guerre et la justifie malgré tout, avec un but, une stratégie, des ressources mesurées au besoin, un esprit d’entreprise et une solidarité entre les combattants alliés. Il s’agit d’un désordre général recouvert hâtivement des simulacres de la communication, — et, précisons-le, bien que cela nous apparaisse d’évidence, désordre du côté de l’Ouest, de l’“anglosphère” en campagne, et nullement du côté des talibans ou des insurgés divers et variés d’Irak. L’impression est bien celle de la dissolution d’un empire aux abois, notre (leur) empire de la civilisation occidentale.
Il y a une immense tromperie virtualiste dans cette fable de la guerre contre la terreur renforcée de l’autre fable de l’empire américaniste en train de s’établir sur le monde. L’Occident domine le monde depuis deux siècles, de colonisation en décolonisation et en néo-colonialisme divers. Nous assistons aux derniers spasmes de la chose.
Il faut ajouter sans se lasser, pour continuellement prendre date, que tout cela est typiquement anglo-saxon, y compris le virtualisme dont on veut habiller l’ensemble pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes. On y retrouve, exacerbés, tous les défauts de cette ambition un temps qualifiée d’“anglosphère”, avec, couronnant le lot, leur extraordinaire vanité.
Il devient de plus en plus probable que des événements graves, s’apparentant à de réelles défaites militaires, nous attendent sur l’un ou l’autre théâtre. Il semble de plus en plus improbable que des “trucs” comme l’excellentissime rapport de l’Iraq Study Group y puissent quelque chose parce qu’ils s’adressent à une structure qui se dissout, à un ordre (dans l’establishment anglo-saxon) qui n’existe plus, à une mesure du jugement qui n’est plus qu’un lointain souvenir. Les événements graves en Afghanistan et en Irak ne sont pas les résultats des opérations militaires, ou pas seulement, ils sont l’effet d’abord de la “discorde chez l’ami” , du désordre extraordinaire, de la corruption psychologique, de la vanité impérative et de l’inculture affichée qui caractérisent les élites de notre civilisation. Nous ne méritons plus ni notre puissance, ni notre pouvoir. Nous ne méritons plus la place que nous tenons dans l’Histoire. Nous sommes (ils sont) des usurpateurs.
Il ne reste à la civilisation occidentale qu’une seule chose : un énorme poids technologique et matérialiste empêchant toute régénération, par une autre civilisation ou par elle-même, empêchant toute mise en cause d’un système perverti à l’extrême. C’est la concrétisation très rapide de la tragédie entrevue par Arnold Toynbee («Pourquoi la civilisation ne peut-elle continuer à avancer, tout en trébuchant, d'échec en échec, sur le chemin pénible et dégradant, mais qui n'est tout de même pas complètement celui du suicide, et qu'elle n'a cessé de suivre pendant les quelques premiers milliers d'années de son existence? La réponse se trouve dans les récentes inventions techniques de la bourgeoisie moderne occidentale.»). Notre puissance matérialiste et la perte de tout sens spirituel bloquent tout effort de re-spiritualisation en nous faisant de plus en plus prisonniers du système machiniste que nous avons fabriqué.
La démonstration est en train d’en être faite, dans les montagnes afghanes et les étendues sablonneuses d’Irak.
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