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4812On observera une évolution habituelle chez nous, sur ce siute : alors qu’en général nous vouons l’UE aux gémonies de nos critiques acerbes, cette fois, comme dans d’autres occurrences précédentes qui sont autant de circonstances exceptionnelles, nous sommes derrière elle pour appuyer son sentiment profond actuel. (Notre politique étant : Delenda Est Systemum, la fin justifiant les soutiens, tous les soutiens, et tous les changements de positions tactiques...) L’un des symptômes, le plus audible, de ce “sentiment profond”, c’est l’intervention dans une interview donnée à Sophie Chevardnadze de RT.com, de Nathalie Tocci, conseillère spéciale de Mogherini, que nous avons présentée hier en détails...
Depuis, nous avons eu quelques échos de la situation, de l’humeur, de l’atmosphère au sein des institutions de l’UE ... D’où ces quelques points :
• Il est assuré bien entendu que Tocci n’est pas intervenue sans l’aval et le soutien de Mogherini, ce qui fait que, au moins, comme nous l’écrivions « [...S]i Tocci parle comme elle l’a fait, c’est qu’elle a évidemment l’aval de Mogherini, donc c’est Mogherini, Haute Représentante de l’UE, qui parle ici à voix à peine cryptée ». Mais cela va beaucoup plus loin, et d’une manière beaucoup plus significative que nous l’écrivions : ce n’est pas seulement un “cadeau d’adieu” de Mogherini selon une idée qui aurait fait penser que cela serait sans suite, c’est de façon complètement différente un premier pas dans une tactique de communication pour faire savoir à l’autre partie, aux USA et à Trump, ce qui déplaît profondément à l’UE. C’est-à-dire qu'il est bien probable que l’initiative est appuyée par la hiérarchie de l’UE et par les principaux pays-membres, et qu’elle se répétera au niveau de la communication avec d’autres personnalités des institutions européennes, de plus en plus hauts placées.
• Il semble en effet et par ailleurs que le climat d’exaspération à l’encontre des USA dans les institutions de l’UE, à tous les échelons opérationnels de la bureaucratie, soit d’une violence jamais vue auparavant, et de très loin. Personne ne se dissimule plus ni ne prend la moindre précaution de langage pour exprimer cette colère. Les griefs sont nombreux et portent sur l’essentiel de la politique extérieure de l’administration Trump, mais principalement sur le crise de l’Iran et du JCPOA ; un détail révélateur, parce que le diable et le bon Dieu sont dans les détails, est qu’on ne dit plus dans les conversations courantes de couloir et de réunion que “les USA se sont retirés du traité” mais bien plus abruptement que “les USA ont violé le traité”.
• Cette atmosphère vient bien entendu du comportement de la direction américaniste, jusqu’aux menaces de conflit, avec la désinvolture, les menaces, les grossièretés extraordinaires, etc., venues de l’administration Trump et particulièrement de la doublette Bolton-Pompeo. Si ces remarques valent pour tous les domaines, notamment le commerce et la sécurité en général, elles sont particulièrement et extrêmement sensibles et vigoureuses au sein de l’UE parce que le traité JCPOA est un peu considéré, du point de vue européen, comme “un enfant de l’UE” beaucoup plus que des pays-membres dont certains (Allemagne, France, UK) sont pourtant négociateurs et signataires directs. Les pays-membres acceptent volontiers cette posture de l’UE, estimant que le JCPOA est effectivement un bon exercice pour susciter une politique étrangère européenne commune et structurée. On comprend par conséquent encore mieux les réactions à l’intérieur de l’UE.
• La question n’est pas ici, soit 1) de faire le procès de l’UE en constatant que, jusqu’ici, ses réactions ont été sans aucun effet sur le comportement US, sur la situation de l’Iran, etc. (et pourquoi cela changerait-il ?) ; soit 2) de s’inquiéter que l’UE veuille/doive développer ou tenter de développer une politique extérieure commune, et non les États-membres dont certains sont de vieilles puissances à la diplomatie éprouvée. La question, de pure tactique, est de constater cette évolution au sein de l’UE et d’observer qu’il s’agit de circonstances extrêmes, sans doute les plus extrêmes depuis longtemps sinon sans précédent, où un affrontement très grave, éventuellement et potentiellement conduisant à une rupture, peut éclater entre l’Europe et les USA sur une question diplomatique et de sécurité fondamentale. Cela ne signifie pas qu’il éclatera, que l’Europe cette fois ne capitulera pas ; cela ne signifie que ce que nous écrivons, – circonstances “les plus extrêmes sinon sans précédent”, avec une perspective ouverte sur une possibilité de rupture, parmi d’autres qui sont d’arrangements habituels mais de plus en plus difficiles à mettre en place... La grande nouveauté, désormais, depuis deux ans, c’est celle d’un partenaire à la fois d’une brutalité inouïe, à la fois d’une indifférence et d’un désintérêt pour les réactions européennes confinant à l’autisme.
On verra si tout cela donne l’une ou l’autre empoignade en marge du G20 ou au cours des délibérations. Ce n’est pas impossible.
• Un point remarquable de communication est le relatif ou le complet silence qui a accueilli les déclarations de Tocci, si même, pour certains, elles ont été entendues ou lues. Cela vaut pour le système de la communication et la presseSystème dans les pays-membres, qui ne parlent que d’Europe et sont incapables d’enregistrer une intervention aussi extraordinaire... Mais peut-être est-ce parce qu’il s’agit de RT.com et qu’on sait ce qu’il convient de penser de la presse russe dans nos pays de libre expression. Aux USA, seule CNN a parlé dans ses comptes-rendus de l’intervention de Tocci. Ainsi-t-on une fois de plus une preuve du cloisonnement de fer, des ravages du politiquement correct qui enferme l’esprit dans une impitoyable autocensure et une liste terroriste des lectures autorisées, qui anéantit toute pensée critique, tout effort de curiosité libérée, dans un champ de la communication qui n’a jamais été si ouvert et si vaste...
Curieusement, ou plutôt logiquement si l'on tient compte des situations-Janus, cette situation peut faire paraître complètement effacés et vulnérables les plus forts... Il y a à peine 30 ans, une telle déclaration d’une conseillère spéciale de la ministre des affaires étrangères de l’UE, mettant directement et gravement en cause le conseiller du président des USA pour les affaires de sécurité juqu'à suggèrer son licenciement, et affirmant clairement que ce président ne contrôle plus sa politique étrangère, aurait aussitôt provoqué une réaction de l’ambassade des USA auprès de l’UE et l’exigence du licenciement immédiat de cette fonctionnaire. Rien de semblable, le crique continnue...
•... Car qui en vérité s’occupe de ces billevesées à “D.C.-la-folle” ? Le président est en campagne et continue à promettre la lune, son secrétaire à la défense par intérim qui venait d’être nommé ministre à temps plein mais dont la nomination (décidée en mai) n’a jamais été transmise au Sénat où il devrait être confirmé, apprend par un tweet qu’il est licencié de ce poste qu’il n’occupe pas encore légalement, parce que, dit-on, il n’aurait pas montré assez d’autorité, – mais comment aurait-il pu dans de telles conditions d’illégitimité ? Le secrétaire à l’armée de terre Mark Esper le “remplace” à la “fonction” de nouveau secrétaire à la Défense par intérim (« Je connais Mark, nous rassure Trump [...] et je n'ai aucun doute qu'il fera un travail fantastique ») ; Esper est alternativement présenté soit comme une “marionnette” (il a été deux ans Heritage Foundation) des neocon et autres évangélistes type-Sionistes-Chrétiens (type-Pompeo), soit comme un “homme de Trump” capable d’équilibrer la folie guerrière de la doublette Bolton-Pompeo, soit comme “un homme dans la foule” du lobbying du complexe-militaro-industriel (militaire ayant participé à la première guerre du Golfe au départ, passé par Raythron, puis lobbyiste à Washington)...
Le désordre washingtonien a été marqué ces derniers jours par la rencontre sans précédent, et sans que le secrétaire à la défense encore par intérim (encore Shanahan) ne soit mis au courant, de Pompeo et des chefs militaires de CENTCOM à la base de McDill, en Floride. Les chefs militaires n’ont aucun rapport d’autorité avec le secrétaire d’État, dans la chaîne de commandement qui les concerne. Les interprétations varient, jusqu’à celle qui dit que les chefs militaires ont exprimé leur désaccord avec une action contre l’Iran... Tout cela, qui a évidemment un effet sur la position et l’emploi des forces rend bien incertaine la possibilité d’une campagne militaire coordonnée contre l’Iran.
... Tout cela (suite), laisse peu de temps, on le comprend, pour penser à l’Europe et lire cet exercice en Fakenewsisme qu’est RT.com.
Mis en ligne le 20 juin 2019 à 10H10