L’ultimatum du Pentagone

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L’ultimatum du Pentagone

5 mars 2015 – “C’est du lourd, du très lourd” observerions-nous si nous étions une source de bon aloi, connectée aux institutions européennes et contactée in extremis sur la question que nous traitons ici. Inutile de chercher plus loin, le commentaire se suffit dans sa brièveté. La remarque concerne, comme dans le cours d’une conversation, les déclarations du général Dempsey, président du Comité des chefs d’état-major US (JCS, ou Joint Chiefs of Staff), équivalent d’un Chef d’Etat-Major général, que l’on a connue hier dans le courant de l’après-midi (décalage horaire) au moment où Dempsey la faisait dans la matinée à Washington devant “sa” commission sénatoriale. Il est très significatif et remarquable que la déclaration de Dempsey ait eu bien plus d’écho que celle du nouveau secrétaire à la Défense, Ashton Carter, lors de ses auditions de confirmation au Congrès, début février : Carter parlait en son nom propre, alors qu’il n’était pas en fonction, Dempsey parle au nom des forces armées, dans un Pentagone dont le pouvoir civil est temporairement vacant à cause de la période d’installation de Carter. Mais ce décalage, ou cette inversion temporaire des rôle n’a guère d’importance sur le fond parce que les deux hommes disent la même chose : Minsk2 ou pas Minsk2, il faut envoyer des armes en Ukraine, des “armes létales” (des-qui-tuent). Là, c’est le Pentagone qui parle, et essentiellement le Pentagone des militaires avec tout son poids, dans une occurrence remarquable où, pour la première fois peut-être depuis 9/11 il (le Pentagone des militaires) prend une position tout aussi extrême que les centres de pouvoir extrémistes (le département d’État, la CIA, l’influence neocon de plus en plus intégrée dans la politique générale sans qu’il soit nécessaire de la distinguer en tant que telle).

Comme Carter un mois plus tôt, Dempsey parlait devant les sénateurs de la Commission des Forces Armées du Sénat, présidée par John McCain, sur un sujet n’ayant qu’un rapport indirect avec l’Ukraine (audition sur l’évaluation du projet de budget pour le Pentagone pour l’année fiscale 2016, débutant en octobre 2015). C’est évidemment sur la question précise et presque hors-sujet d’un sénateur concernant l’aspect politique et opérationnel de cette crise ukrainienne que Dempsey a fait cette déclaration. La chorégraphie de l’intervention était donc bien arrangée car l’on peut être assuré qu’il s’agissait bien d’une chorégraphie où tous les acteurs connaissaient leur rôle ; et l’on peut imaginer la jubilation de McCain lorsqu’il entendit Dempsey expliquer : «Je pense que nous devrions absolument considérer une aide [en armement pour l’Ukraine] et cela devrait se faire dans le contexte de l’OTAN... parce que l’objectif de Poutine est de fracturer l’OTAN...» Cette phrase essentielle peut être retrouvée dans l’article de Defense One du 4 mars 2015, avec également des précisions concernant la déclaration de Ashton Carter. (Nous soulignons de gras la façon dont l’auteur de l’article présente la précision de Dempsey concernant la nécessité de passer par l’OTAN, car cet aspect de la déclaration de Dempsey est tout simplement capital, sans aucun doute bien plus que l’appui que donne le président du JCS à la livraison d’armes à l’Ukraine.)

«The top U.S. military officer said for the first time that he supported the possibility of arming Ukraine in that nation’s battle against Russian separatists. Chairman of the Joint Chiefs of Staff Gen. Martin Dempsey said on Tuesday that the U.S. should consider supporting Ukraine with lethal assistance. “I think we should absolutely consider providing lethal aid,” Dempsey told the Senate Armed Services Committee during a budget hearing.

»Defense Secretary Ashton Carter had said two weeks ago during his confirmation hearing that he was inclined to support arming the nation. The White House is still mulling over lethal assistance for Ukraine which has struggled to maintain stability after it was invaded by Russian separatists nearly a year ago. “I very much incline in that direction” Carter told the same panel Feb. 4, “because I think we need to support the Ukrainians in defending themselves.”

»Carter’s remarks were notable since the White House had not decided to arm Ukraine, and policymakers are still mulling what kinds of arms Ukraine would need and what effect that assistance would have on Russia. Now add Dempsey’s voice to a growing number of defense officials who believe it is time for the U.S. to take a bigger step to help Ukraine. Dempsey caveated his support Tuesday by saying any lethal assistance should flow “in a NATO context.” It wasn’t immediately clear what Dempsey meant, but it’s likely he sees the most effective way to arm Ukraine is by providing assistance along with NATO allies and not just by the U.S.»

Rapportant de son côté la nouvelle, RT ajoute, ce 4 mars 2015, des précisions sur l’intervention, le 3 mars à Berlin, du général Ben Hodges, commandant l’US Army en Europe ; c’est le chef militaire principalement concerné d’un point de vue opérationnel si quelque chose de grave se passait en Ukraine, impliquant les forces armées US, et nécessairement l’OTAN lorsqu’on considère sa déclaration à la lumière de celle de Dempsey dont nous avons dit l’importance à notre sens de ce “détail” qui n’en est pas un, qui est même l’essentiel. Hodges parlait du même problème : les livraisons d’armes à l’Ukraine.

Bien entendu, c’est, de la part de Hodges, un appel direct et imagé à une initiative de livraison d’armement en Ukraine, et l’on constate alors que la chorégraphie mentionnée plus haut pour le seul Sénat lorsque Dempsey y déposait, a également une dimension transatlantique ... Les arguments sont stéréotypés (“donner du muscle à la diplomatie”), les images sont des clichés éculés (“lorsque les babouchkas russes verront arriver les cercueils de leurs fils, Poutine chutera dans les sondages”) ; tout cela, d’une pauvreté qui n’est même plus consternante lorsqu’on commence à bien connaître la chorégraphie américaniste du bellicisme et de l’interventionnisme.

«US Army Europe Commander Ben Hodges said in Berlin on Tuesday that Ukraine is demanding from Washington “intelligence, counter fire capability and something that can stop a Russian tank.” Lt. Gen. Ben Hodges said that supplying Ukraine with lethal aid is going to increase stakes for Russia, accused of helping the rebels in eastern Ukraine militarily, something Moscow consistently denies. “When [Russian] mothers start seeing sons come home dead, when that price goes up, then that domestic support begins to shrink," Hodges said, as cited by AP. “If you don't have something that gives muscle to the diplomacy, to the economic aspect, then it's not going to be as effective,” he said.»

On ajoutera à cette chorégraphie de l’establishment militaro-politique de sécurité nationale de Washington, quelques nouvelles qui, sur deux ou trois jours de temps, contribuent à accentuer la couleur dramatique du tableau auquel Dempsey a donné toute sa cohérence. On voit que, parmi ces nouvelles, on place même un texte venu de Pékin et actant un durcissement “opérationnel” des Chinois vis-à-vis des USA et de leur politique générale à partir d’un problème particulier.

• D’abord, il s’agit d’un “détail”, – un de plus à prendre une importance spécifique, et symbolique dans ce cas, qui en fait plus qu’un détail dans sa signification, – et il est d’ordre opérationnel. Il s’agit du commencement de l’arrivée annoncée en Ukraine de 600 hommes (6 compagnies) de la 173ème brigade aéroportée de l’US Army, qui sera achevée à la fin de la semaine (voir Russia Insider, le 4 mars 2015). Ces 600 hommes, prévus pour rester 6 mois, devront assurer l’entraînement des unités ukrainiennes de la Garde Nationale (les unités les plus extrémistes [de droite extrême] engagées dans les combats récents). Le symbole est considérable, quelle que soit la mission : une unité constituée et régulière de l’US Army, identifiée, etc., déployée en Ukraine d’une façon ostensible.

• Les Russes ont annoncé il y a trois jours que l’envoi d’instructeurs de l’OTAN en Ukraine entraînerait de leur part “toutes les mesures nécessaires, y compris technico-militaires”. La nouvelle donnée par ZeroHedge.com le 2 mars 2015 et reprise par Russia Insider le même 2 mars 2015, comprend également l’annonce d’un renforcement important, sinon massif, des forces navales russes cette années (50 nouveaux navires de guerre, dont un porte-avions et deux sous-marins à propulsion nucléaire). La précision concernant les instructeurs militaires, donnée par l’ambassadeur russe auprès de l’OTAN, concerne 75 instructeurs britanniques (et éventuellement d’autres pays) que le Royaume-Uni envisage d’envoyer en Ukraine, et serait sur le point d’en officialiser la décision. La cohérence de cette évolution tient dans la proximité extrême, sinon intime et amoureusement ancillaire, liant la politique britannique au charroi de la politique américaniste. La déclaration de Dempsey impliquant l’OTAN dans les livraisons d’armes doit logiquement s’étendre à l’envoi d’instructeurs, – par exemple, ceux qui instruiraient les Ukrainiens à leur maniement, – et l’on pourrait apprendre sous peu que le détachement de la 173ème brigade aéroportée est en Ukraine sous drapeau OTAN ; les frétillants Britanniques devraient suivre avec l’empressement qu’on leur connaît.

«As Russia announces the expansion of its Navy by 50 vessels this year, including two new nuclear-powered submarines and an aircraft carrier, it appears NATO's sabre-rattling has drawn a response/threat/warning. Following British plans to send military 'advisers' into Ukraine (which NATO has stated are not confirmed), TASS reports, Russia's NATO envoy, Alexander Grushko, warns Russia will take all measures against possible NATO threat in Ukraine, adding that Russia’s response may include military measures.

»As TASS reports, “NATO has taken no decisions on sending British or any other instructors to Ukraine, Russia’s Ambassador to the North Atlantic Alliance Alexander Grushko said on Monday. ‘NATO has taken no decisions on sending instructors,’ he told the Rossiya 24 television channel. ‘NATO is implementing the decisions that were taken at the political level at the Wales summit in September 2014.’ Moscow will take all measures, including military-technical, to neutralize possible threat from NATO presence in Ukraine, he added’.”»

• Enfin, nous concluons ces pièces du dossier par un apport plus lointain, mais qui vaut mention pour situer l’humeur du contexte général. Il s’agit d’un article de commentaire acerbe sur les prétentions de la politique de bonnes relations des USA avec la Chine de ZeroHedge.com, à partir d’un communiqué de XinHua attaquant avec violence la réponse et les représailles des USA suivant l’annonce de mesures de protection de la Chine contre diverses grandes sociétés US de l’internet dont les liens avec la NSA et le FBI sont avérés, pour faire de toutes leurs activités une source de renseignement direct des grandes agences d’écoutes et de renseignement des USA, tout cela selon l’argument des lois anti-terroristes. On cite ici les passages qui donnent le ton des jugement généraux d’une source officielle chinoise sur la politique US, qui n’a jamais été qualifiée dans des termes plus durs depuis l’époque du communisme maoïste, – ce qui en dit long quand on connaît la réserve chinoise. (Cela, après la prise de position chinoise sur l’Ukraine par rapport à la Russie, et la critique conséquente de la responsabilité occidentale, US en particulier, dans cette crise. Ambiance...)

«U.S. President Barack Obama's criticism of the upcoming counterterrorism law of China is utterly groundless and another piece of evidence of arrogance and hypocrisy of the U.S. foreign policy. [...] FBI Director James Comey publicly warned companies like Apple and Google in 2014 against using encryption that the law enforcement authorities cannot break. While defending the legitimacy and necessity of similar behaviors in his own country, Obama's criticism of Chinese counterterrorism law obviously shows selfishness and hypocrisy of the U.S. foreign policy. [...] In fact, the same paranoid and narrow-mindedness, as demonstrated by the over-action of Obama and his cabinet members to the provisions in the Chinese anti-terrorism law, has also denied Chinese technology companies' access to the U.S. market. [...] Moreover, to win the global fight against terrorism, Obama and his government should treat China on equal terms and stop making foreign policies based on realpolitik and the short term pursuit of its own unilateral interests. Less than three weeks after Obama held the “counterterrorism summit” in Washington and referred terrorism as one the greatest threats in this generation, the president has begun to slam the counter-terrorism efforts of another country, which makes people naturally question the real intentions of such accusations.»

Ultimatum certes, mais à qui ?

Nous reprenons ce dossier en revenant à l’acteur principal. Le général Dempsey fait partie de la lignée des présidents du JCS plutôt réservés, choisis pour leur sens du compromis (entre les intérêts des forces) et leur sens de la diplomatie, et par conséquent pour leur mesure dans les orientations politico-militaires de l’institution militaire US. Dempsey a encore montré cet aspect courant de son comportement en étant une des forces principales, sans doute avec le secrétaire à la défense Hagel, à s’opposer à une intervention directe des USA en Syrie lors de la crise d’août-septembre 2013 (voir le 11 septembre 2013). Nous doutons grandement que Dempsey soit soudain devenu un va-t’en-guerre et nous croyons plutôt qu’il se trouve devant une situation qu’il n’a pas nécessairement souhaitée (tant s’en faut, à notre sens) mais qui est devenue, du fait de la politique maximaliste type département d’État-McCain-neocon suivie par défaut, par absence totale de stratégie des USA (voir encore le 4 mars 2015), un fait stratégique majeur sinon fondamental pour le Pentagone.

C’est là qu’on revient à la citation complète de Dempsey, en soulignant de gras ce que nous jugeant être les mots les plus importants («Je pense que nous devrions absolument considérer une aide [en armement pour l’Ukraine] et cela devrait se faire dans le contexte de l’OTAN... parce que l’objectif de Poutine est de fracturer l’OTAN...»). La remarque de l’article de Defense One marque une absence de réflexion ou une compétence limitée à l’apparence, avec ce qu’il faut de l’inculture standard des journalistes-Système US, avec le commentaire que nous avons souligné aboutissant à une hypothèse technique que nous jugeons complètement timorée et médiocre sinon franchement naïve dans le contexte explosif actuel : “Dempsey a substantivé son soutien mardi en disant que l’envoi d’armes létales devrait se faire ‘dans le cadre de l’OTAN’. Ce qu’a voulu dire Dempsey n’est pas apparu clairement mais il est probable qu’il juge que la voie la plus efficace pour armer l’Ukraine est de travailler avec les alliés et non pas sur une seule base US”. («...Dempsey caveated his support Tuesday by saying any lethal assistance should flow “in a NATO context.” It wasn’t immediately clear what Dempsey meant, but it’s likely he sees the most effective way to arm Ukraine is by providing assistance along with NATO allies and not just by the U.S.»)

Bien au contraire, il s’agit d’un “détail” apparemment technique, qui est absolument à la fois stratégique et politique. Et ce “détail” finit, dans notre interprétation, par constituer l’essentiel de la déclaration de Dempsey, voire jusqu’à en renverser le rapport de cause à effet : il faut impliquer l’OTAN dans la livraison d’armes à l’Ukraine signifie qu’il faut impliquer les alliés dans le fait de la livraison d’armes, et cela signifiant que l’essentiel n’est plus la livraison d’armes, mais l’implication forcée des alliés de l’OTAN dans la politique US par le biais de la livraison d’armes. L’aspect de la livraison d’armes passe du rang de but principal (cause) à celui de moyen pour embrigader les alliés (effet). Pourquoi ce renversement de la logique et des buts et moyens ? Parce que Dempsey et le Pentagone, et le Pentagone parlant par la voix de Dempsey, réalisent que les derniers prolongements politiques (Minsk2 et la politique des franco-allemands détachée de la logique maximaliste américaniste jusqu’à devenir antagoniste) conduisent très rapidement à une fracture catastrophique au sein de l’OTAN. Cela, c’est le fait stratégique majeur sinon fondamental ; jamais, peut-être, le Pentagone ne s’est trouvé placé aussi brutalement, aussi rapidement, devant la menace stratégique fondamentale d’une rupture au sein de l’OTN et par conséquent d’une dislocation de l’Alliance. Dans la déclaration de Dempsey, le véritable problème abordé n’est pas celui de l’Ukraine mais celui de l’OTAN.

Il est bien entendu que cela est du essentiellement, sinon exclusivement à la politique (la non-politique du laisser-faire les maximalistes irresponsables) des USA. Toute la responsabilité de cette menace contre l’OTAN est le fait des USA, de Washington, de la crise du pouvoir américaniste. Mais ressasser cela ne résout rien de la nouvelle situation qui s’est brutalement installée au sein du bloc BAO, et pour le Pentagone/Dempsey seul compte le danger immédiat, – qui, paradoxalement, n’est plus tant la Russie que le Pentagone ne tient guère à affronter, – mais la cohésion sinon l’existence de l’OTAN, pour la défense desquelles le Pentagone est prêt s’il le faut à affronter la Russie.

Nombre de commentaires qu’on peut recueillir dans les milieux européens, mezzo voce, comme on vous glisse un secret militaire sous la table, porte aujourd’hui sur l’antagonisme politique entre une partie importante de l’Europe (autour de l’initiative franco-allemande) et la politique maximaliste des USA. Un jugement courant quoique toujours aussi chuchoté porte sur “le déchaînement, la fureur de Washington contre l’initiative franco-allemande”, sur “la volonté par tous les moyens de faire capoter Minsk2 et de reprendre l’initiative, sinon l’exclusivité de la politique US dans l’action [du bloc BAO] en Ukraine, en faisant rentrer tous les Européens dans le rang”. Ces remarques dénotent d’ailleurs une évolution très rapide de la perception des USA même au sein des institutions européenne, dans certains services, certains milieux, dans le chef de l’une ou l’autre confidence ; lorsqu’on passe insensiblement mais très rapidement du constat d’une simple divergence entre les USA et l’Europe au constat soudain réalisé et absolument tragique que la politique US est en train de devenir extrêmement dangereuse, voire plus dangereuse que la politique russe ...

C’est un changement ontologique de la pensée qui serait en train de s’opérer, qui marquerait un tournant fondamental au sein du bloc BAO en nous ramenant à cette situation que nous évoquons souvent où, par chance (!), une querelle gravissime au sein du bloc BAO pourrait soudain prendre la prééminence sur l’aggravation de la situation en Ukraine, donc des rapports avec la Russie, en évitant la logique vite devenue incontrôlable qui risquerait de conduire inexorablement à l’affrontement suprême. Nous évoquions cela dès le 3 mars 2014, en en reprenant un extrait dans un autre texte très récent (le 9 février 2015), ajustant la logique (qui a pour conséquence ultime l’effondrement du Système) à l’initiative Minsk2 des franco-allemands :

«Si l’hypothèse est bonne, si elle évolue dans ce sens, alors il y a effectivement de plus en plus de possibilités que le processus d’effondrement du Système accélère et passe décisivement devant la menace suprême de l’affrontement nucléaire entre les USA et la Russie. (Rappel déjà fait de notre hypothèse de type ‘pari pascalien’, présentée le 3 mars 2014 : “La crise ukrainienne, et la réalisation que les pressions du Système (du bloc BAO, son factotum) peuvent conduire à l’extrême catastrophique des affaires du monde, peuvent aussi bien, grâce au “formidable choc psychologique” dont nous parlons et à l’immense crainte qu’il recèle, déclencher une autre dynamique d’une puissance inouïe. Notre hypothèse à cet égard [...] est que cette dynamique est celle de l’effondrement du Système...”)

»En effet, et c’est peut-être la nouvelle perception essentielle de ce week-end, il faut effectivement comprendre tout le sens de ce que la stupide presse-Système parisienne répète dans l’extase, parce que cela lui permet de “démoniser” encore un peu plus Poutine par logique antagoniste, qui est cette citation de Hollande : “Je pense que c'est l'une des dernières chances. Si nous ne parvenons pas à trouver – non pas un compromis –, mais un accord durable de paix, eh bien, nous connaissons parfaitement le scénario : il a un nom, il s'appelle la guerre...” Il faut savoir ce que cette déclaration veut réellement dire, vu les enjeux, les positions des uns et des autres, l’incontrôlabilité des USA, – c’est-à-dire qu’elle veut elle-même dire, quels que soient les commentaires-narrative, – la guerre nucléaire.

»Une course de vitesse terrifiante est engagée, entre cette issue complètement folle et l’accélération irrésistible de l’effondrement du Système. La panique devrait parvenir à activer le second terme de l’alternative (alternative du diable ou alternative de destruction du diable, c’est selon), – quand les esprits infiniment lents et extrêmement creux de nos contemporains zélateurs du Système commenceront à comprendre, précisément, de quoi l’on parle, – de la guerre nucléaire...»

Dempsey est placé devant une perspective qu’il n’a pas voulue et n’a pas su empêcher peut-être à cause de son manque d’audace au sein du pouvoir US, et qui est devenue, du point de vue du Pentagone, absolument catastrophique tant l’OTAN est la pièce centrale de son dispositif stratégique mondial. Les Européens sont également placé devant la perspective terrifiante pour eux d’avoir à choisir bientôt selon l’effet de leur suivisme aveugle et misérable qui les a menés à cette alternative terrifiante : d’une part, capituler devant les pressions US et s’engager sur la voie d’un conflit avec la Russie avec le risque sans cesse grandissant de l’issue catastrophique qu’on sait, parce que les pressions US ne peuvent avoir tout l’effet dynamique nécessaire qu’en maximalisant constamment l’extrémisme confrontationnelle avec la Russie ; d’autre part, refuser de suivre les USA comme l'esquisse en est déjà faite avec Minsk2 et s’engager sur la voie de l’inconnu d’une autre possibilité catastrophique, qui est la rupture du bloc BAO et, à termes très rapide, la perspective de l’effondrement du Système. Si ce n’est l’“alternative du diable”, – mais qui t’a fait diable, cher sapiens-Système/BAO ? (Et, à ce point, il nous semble inutile d’épiloguer selon les poncifs habituels, tel le “ils se coucheront, comme ils ont toujours fait”, ou le “miracle, l’Europe se retrouvera unie”, etc. Rien ne peut être dit de ce qui va se passer car aucune référence passée n’envisage une situation d’alternative aussi tendue, aussi rapidement évolutive selon des facteurs en apparence dérisoire comme en ménage le système de la communication, aussi verrouillée dans l’impasse de l’entraînement d’une dynamique politique qui est hors de tout contrôle humain en fonction des obligations contradictoires qui font la loi.)

Ainsi, ce que nous nommons “l’ultimatum du Pentagone” s’adresse bien moins à la Russie qu’à l’OTAN, c’est-à-dire dire aux alliés européens, avec des perspectives de surenchère (très vite, les USA en viendront à exiger le processus d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN pour justifier leurs pressions sur les alliés européens, et l’on sait ce que cela signifie en termes d’affrontements internes à l’OTAN). Bien certainement contre son plein gré mais nullement “à l’insu de son plein gré” car il devait comprendre dès le début où mènerait l’engagement aveugle et dément des USA dans l’affaire ukrainienne, Dempsey, qui accuse Poutine de vouloir “fracturer l’OTAN”, a mis en marche une machinerie dont l’un des effets pourrait être une dislocation de l’OTAN du aux désaccords de ses membres.

... Tiens, au fait, nous ne l’avons pas nommé : que dit et pense Sa Majesté Obama de tout cela ? Il devrait songer à remettre à une autre fois sa partie de golf du week-end, et peut-être envisager de devenir, à défaut d’un “American Gorbatchev”, – le train est passé et il n’a jamais eu les tripes de songer à l’emprunter, – un “American Poutine”, histoire d’imposer sa politique s’il lui venait l’esprit d’en avoir une. On se permettra, bien entendu, d’en douter parce que nous sommes des rabat-joie et que l’Amérique est la “nation exceptionnelle” qu’on sait, qui ne revient jamais sur sa politique exceptionnelle, surtout lorsqu’elle est la plus folle et la plus catastrophique qu’on puisse imaginer à défaut de la concevoir puisqu’elle se fait toute seule, selon les injonctions du Système et de sa politique-Système... Mais quoi, il fallait bien dire un mot de l’“homme le plus puissant du monde”, vous savez...