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1288Dans quel état est l’Union ? Le discours annuel du président (SOTU, pour State Of The Union) a attiré les considérations intéressées des commentateurs professionnels, ceux qui commentent business as usual. Il (le discours, par conséquent BHO) a même rencontré une grande popularité dans le public – 91% l’approuvent, contre 83% pour celui de 2010, – tant il sentait la raison, la mesure et le brio contrôlé.
Maintenant, venons-en à la vérité de l’événement et laissons parler Robert Scheer, de Truthdig.com, qui n’a pas sa plume dans sa poche. (Le 26 janvier 2010).
«What is the state of the union? You certainly couldn’t tell from that platitudinous hogwash that the president dished out Tuesday evening. I had expected Barack Obama to be his eloquent self, appealing to our better nature, but instead he was mealy-mouthed in avoiding the tough choices that a leader should delineate in a time of trouble. He embraced clean air and a faster Internet while ignoring the depth of our economic pain and the Wall Street scoundrels who were responsible—understandably so, since they so prominently populate the highest reaches of his administration. He had the effrontery to condemn “a parade of lobbyists” for rigging government after he appointed the top Washington representative of JPMorgan Chase to be his new chief of staff.
»The speech was a distraction from what seriously ails us: an unabated mortgage crisis, stubbornly high unemployment and a debt that spiraled out of control while the government wasted trillions making the bankers whole. Instead the president conveyed the insular optimism of his fat-cat associates: “We are poised for progress. Two years after the worst recession most of us have ever known, the stock market has come roaring back. Corporate profits are up. The economy is growing again.” How convenient to ignore the fact that this bubble of prosperity, which has failed the tens of millions losing their homes and jobs, was floated by enormous government indebtedness now forcing deep cuts in social services including state financial aid for those better-educated students the president claims to be so concerned about.»
Voilà pour le président et son SOTU. Passons maintenant aux “choses sérieuses”, comme on dit. Ce qui a réellement défrayé la chronique, à l’occasion de ce SOTU qui ne passionna évidemment personne (ce n’est pas fait pour ça), c’est l’intervention de la républicaine Michelle Bachmann, dont on parle depuis 2009 comme d’une remuante prétendante à quelque chose d’important, – dans le parti républicain ou un pied en dehors, avec Tea Party. Alors que le parti républicain faisait comme chaque année, selon la procédure du ronron général, son “contre-SOTU” officiel, par la voix d’une personnalité officiellement agréée (le député Paul Ryan, du Wisconsin), la députée Bachmann a fait son propre “contre-SOTU” au nom de Tea Party, sans autorisation ni imprimatur du Parti. Beau coup médiatique, elle a réussi à intéresser CNN à la chose, et elle a fait passer son message directement sur la grande chaîne d’information. Du coup, Bachmann est devenue la véritable vedette de ce SOTU 2011, nous extirpant pour l’occasion du “ronron général” qui avait accompagné l’allocution de BHO.
D’une façon générale, l’intervention de Bachmann a été accueillie de deux façons : d’une part avec intérêt, pour ce qu’elle révèle des tensions et des divisions à l’intérieur du parti républicains, d’autre part par la moquerie et la dérision quant à la facture et au contenu de cette intervention. On trouve cette dualité joliment illustré par deux articles du Guardian, accompagnés de la même photo, dont on ne sait si l’un a remplacé l’autre ou si les deux ont été écrits indépendamment, sans intention de se nuire réciproquement…
Le premier à paraître fut celui de James Meikle (le 26 janvier 2011), avec titre et sous-titre nous disant l’essentiel du texte, qui est l’évaluation brute de l’événement : «Michele Bachmann's state of the union response reveals state of US right, – Tea Party leader made surprise intervention after official Republican reaction to Barack Obama's address…» Le second fut celui de Ed Pilkington, ce même 26 janvier 2011 et, là aussi, et nous-mêmes sans trop nous attarder aux détails, titre et sous-titre suffisent pour révéler l’esprit du propos : «Michele Bachmann's Tea Party overdrive mocked for Obama response – State of the union: self-styled Tea Party leader in Congress breaks with convention and is ridiculed for gaffes.» On ignore ce que le Guardian pense exactement de l’affaire mais nous sommes édifiés sur un point : “gaffes” ou pas, Bachmann a attiré l’attention, elle a volé la vedette aux “vedettes” officielles et elle a réveillé quelques craintes dans l’establishment qui pensait passer cette étape du SOTU dans le “ronron général”.
Le Daily Telegraph de Londres a réagi au quart de tour, appréciant la chose comme un acte politique important, qui donne à Bachmann une position de leadership médiatique à la place d’une Sarah Palin qui serait sur le déclin. (Tout cela se passant dans le monde virtuel qui est le nôtre, certes, il n’est nul besoin d’agir véritablement dans le domaine de la vraie politique pour être intronisé ou pour être détrôné. Palin n’a rien fait de notable depuis qu’elle est apparue sur la grande scène nationale et elle disparaîtrait sans avoir rien fait de notable…) Ainsi, le 26 janvier 2011, le Daily Telegraph annonce-t-il que Bachmann est la nouvelle star de Tea Party, à la place de Palin… «Michele Bachmann, a Sarah Palin acolyte weighing a 2012 presidential bid, has emerged as the new star of the Tea Party, after providing the alternative Republican response to Barack Obama's State of the Union address…»
Le texte de Politico.com, de Jake Sherman et Meredith Shiner, du 26 janvier 2011 là encore, est nettement plus substantiel. Il analyse effectivement l’intervention de Bachmann comme un défi lancé à la direction ossifiée et ronronnante du parti républicain et comme la mise en évidence d’une division fondamentale à l’intérieur de ce parti… Pas de surprise, cette division, mais elle nous réservera des surprises.
«Minnesota Rep. Michele Bachmann has had an epic week.
»Supreme Court Justice Antonin Scalia was her guest at a closed-door session on the Constitution, and her tea party rebuttal to the State of the Union exploded on the cable networks, allowing her to grab the spotlight as a standard-bearer for the conservative movement. Cable chatterers and newspapers talked just as much about Bachmann as they did about the official Republican responder, Wisconsin Rep. Paul Ryan.
»And therein lies the challenge for Republicans.
»For all of Speaker John Boehner’s efforts to stage-manage the opening days of the Republican House, handpick his inner circle and keep his party on message, Bachmann keeps jumping into the fray. The tea party loves her, the media promotes her, and she is a huge draw on the fundraising circuit.
»Boehner and his allies have kept her out of the leadership and she remains a marginal legislative player. But Bachmann continues to be an oversize presence — she’s a headline grabber, and there’s nothing Republicans can do about it…»
Cet article de Politico.com est intéressant parce qu’il rend un compte précis et révélateur des manœuvres et pensées diverses de la direction du parti républicain, contre Bachmann à cette occasion du “contre-SOTU” précisément, et contre les pressions de type Tea Party d’une façon générale. Cette direction républicaine est typique de l’establishment washingtonien, de l’aile droite du “parti unique”, et elle a le visage ronronnant et parfois pleurnichant du Speaker de la Chambre, le toujours bronzé John Boehner qui est certainement un des champions incontestés du levage de fonds chez les lobbyistes. Bachmann, elle, est une pétroleuse ambitieuse qui voit sa chance dans la situation présente, en jouant son propre jeu, d’une façon indépendante et spectaculaire ; son “contre-SOTU” n’a guère d’intérêt, tout comme nombre de choses qui viennent de Tea Party (ou d’ailleurs, qu’importe) ; ce qui a de l’intérêt, chez elle comme ailleurs, c’est sa nuisance fondamentale du point de vue de l’establishment, sa capacité presque déstructurante d’installer le désordre par ses actes intempestifs, ses initiatives, ses déclarations. Comme l’écrivent Sherman-Shiner, Bachmann est une “marginal legislative player” à cause de l’action de la direction républicaine dans ce sens, pour lui couper les ailes et lui barrer l’accès à tous les postes de responsabilité dangereux pour l’équilibre du parti sur les travées de la Chambre, mais elle “continues to be an oversize presence”… Et, bien sûr, les médias suivent, ne serait-ce que parce que son visage et sa silhouette sont plus attractifs que ceux du larmoyant Boehner, et Bachmann joue “perso”, hors des normes du parti, tout en affirmant qu’elle fait cela pour le parti.
«To illustrate just how independently Bachmann operates, she did not provide the speech in advance to GOP leadership, two aides said. Rather, they got it when it was sent to reporters — they also had no idea CNN would carry it live. And illustrative of how much air she consumes, Bachmann’s name appeared in The New York Times on Wednesday as many times as Boehner’s…»
…Par conséquent, excellent “contre-SOTU”, face au ronronnant et soporifique événement du “vrai” SOTU. Bachmann nous a promis du désordre, et c’est bien du désordre dont nous avons besoin car seul le désordre à l’intérieur du Système accélère le désarroi et la Chute du Système. Tea Party existe, non pas pour faire des choses sérieuses en politique, comme les aiment les éditorialistes et les cadres du Système, mais pour y introduire le poison du désordre, – c’est-à-dire, au point où l’on en est, pour l’entretenir décisivement.
Mis en ligne le 27 janvier 2011 à 07H25
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