L’unité proliférative et dévorante

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L’unité proliférative et dévorante

Le mercredi 19 septembre, Richard W Fisher, Président de la onzième Banque régionale de la Federal Reserve dont le siège est à Dallas, a distribué à la presse le texte de son allocution faite devant ses pairs du Comité politique monétaire de la Fed (FOMC) à New York.

« Personne ne sait ce qui entrave l’économie et personne ne sait ce qui marchera pour remettre l’économie dans la bonne voie ».

Fisher a fait savoir qu’il est opposé au nouveau plan d’assouplissement monétaire décidé le 13 septembre par le Comité de politique monétaire qui consistera au rachat par la Fed de 40 milliards mensuels des titres adossés à des créances immobilières.

Fisher n’est pas un contestataire affilié à une branche provinciale d’Occupy Wall Street.

Avant d’occuper son poste au Texas en 2005, il était le numéro deux de la firme Kissinger McLarty Associates, firme spécialisée dans le conseil en stratégie de multinationales dont l’identité est gardée secrète. JP Morgan et Lehman Brothers auraient fait partie de ses clients privilégiés.

Ben S Bernanke promet de poursuivre indéfiniment ce programme de déversement de liquidités jusqu’à obtenir un redressement de l’immobilier et une amélioration du chômage.

D’après de savants mathématiciens de la Deutsche Bank, 800 milliards ainsi édités fraîchement par la Fed feraient baisser le taux de non emploi de 0,32 points. Actuellement, le bureau des statistiques annonce 8% de chômage, ce qui représente douze millions cent mille Étasuniens en recherche d’un travail salarié. L’application de la règle des proportions ou de trois fournit pour le prix de la création d’un emploi : 1 630 000 $.

Parmi les trois tâches qui lui sont assignées par sa charte, la Fed réussit davantage dans la valorisation de la capitalisation boursière et dans le maintien d’une inflation de faible niveau, plutôt que dans la réalisation du plein emploi.

Les impressions de dollars faites à l’occasion de la première opération Quantitative Easing 1400 milliards de dollars entre fin 2008 et le milieu de l’année 2010 et de la seconde qui s’est poursuivie de fin 2010 à juin 2011 pour 1800 milliards ont eu un effet nul sur l’emploi et de PIB. Ces manipulations monétaires commencent à agacer les pays exportateurs comme le Brésil car elles concourent à déprécier le dollar et faciliter les exportations des US(a).

Le FMI et la Banque Mondiale organisent leur réunion annuelle à Tokyo du 12 au 14 octobre.

10 000 participants du monde entier viendront entendre les analyses et recommandations de ces deux instruments de la domination étasunienne conçus au sortir des conflits impérialistes de 1939-1945. Les prévisions sont pessimistes concernant la croissance mondiale et singulièrement de la zone euro qui sera en récession nette (-0,4% cette année et peut-être 0,2 en 2013). Les experts de ces institutions financières ne recommandent plus les ajustements structurels préconisés aux pays du tiers-monde il y a peu quand ils se trouvaient en difficulté de rembourser une dette qui s’accroissait exponentiellement dans les années quatre vingt par la hausse brutale des taux d’intérêts appliqués par les banques privées occidentales détentrices des pétrodollars. Ils parlent désormais d’un mystérieux facteur multiplicateur budgétaire. Quand un gouvernement réduit son déficit d’un point de PIB, l’effet sur le PIB sera une baisse d’un point et demi. Pendant ce temps les pays européens enchaînés par une cascade de traités continuent de rigidifier leurs budgets par des règles dites d’or de réduction de déficits mécaniquement en hausse car calculés sur un PIB en baisse.

La foi accordée aux raisonnements, constats et anticipations d’un organisme financier de cette importance qui s’est laissé surprendre par la crise avérée de 2007 liée à la structure du capitalisme, surproduction chronique et anticipation sur une plus-value future basée sur une très longue chaîne de crédits, ne peut qu’être très réduite.

Le FMI s’était doté en 2010 d’une assise financière multipliée par deux par rapport à ses ressources financières de 2008 par augmentation des quotes-parts des pays membres pour faire face à la crise des dettes souveraines qui ne sont que le résultat du transfert des dettes des banques privées qui ont perdu au casino des produits financiers et ont été renflouées par les contribuables.

Peu de pays au monde ne sont pas endettés auprès du « marché ».

La Libye et la Syrie en faisaient partie.

Un sort bien particulier leur a été réservé.

Dès avril 2012, l’Algérie repérée pour ses excédents financiers, plus de 200 milliards de dollars de réserve de change à la fin de l’année 2012, a été courtisée par le FMI pour renforcer ses capacités. Ce prêt ou dépôt rémunéré sera acté à cette réunion du FMI à Tokyo.

Première ironie de l’histoire, dans les années quatre vingt dix quand le prix du pétrole s’est affaissé sous l’offre excessive des pays du Golfe et de la dynastie des Séoud obligeant Saddam Hussein à récupérer la province irakienne de Koweit pour solder le prix de sa guerre avec l’Iran, l’Algérie a subi les conditionnalités du FMI. Traduction immédiate, 500 000 chômeurs sont allés majorer le nombre des mécontents, dits islamistes par simplification et strabisme divergent de l’Occident, dans un pays habitué à vivre largement de sa rente.

Deuxième ironie toujours tragique de l’histoire, plus de quatre cents candidats à l’émigration ‘illégale’ vers l’Europe ont été arrêtés par les gardes côtes algériens en 2012.

Insensiblement, car très progressivement, une caractéristique se transforme en son contraire.

L’accumulation de l’argent, d’épargne qui sécurise l’avenir, devient un handicap dans le champ de l’organisation sociale. Concentré aux mains d’un petit nombre, il acquiert une autonomie, devient principe de vie car tout a été converti à sa simple mesure et prétend se multiplier à l’infini.

De ressource, il s’est transformé en manque, en dette.

Il finira par ruiner toute vie.

Badia Benjelloun