L’USAF dans une situation désespérée, — ou comment l’abondance budgétaire crée la pénurie

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La caractéristique essentielle du colossal budget du Pentagone (en principe $648 milliards pour 2008 avec les guerres extérieures sont incluses, — mais «more than $680 billion», observe l’article cité sans autre explication) est qu’il ne semble qu’ajouter aux problèmes budgétaires des forces: plus l’argent coule à flot, plus les problèmes semblent insurmontables. Le cas de l’Air Force, exposé dans un texte de Defense News du 19 août est particulièrement illustratif de cette situation. Les énormes sommes injectées dans le circuit du Pentagone aboutissent donc à cette remarque qui débute l’article : «With a shortfall of some $100 billion over the coming six years, the U.S. Air Force may have to resort to charity from the Pentagon and Congress to keep major programs on track in 2009, including keeping C-17 transports in production, officials said.»

Ce qui apparaît remarquable et complètement insolite dans le monde de la bureaucratie qui ne vit que par la programmation et la planification, c’est l’absence de programmation sérieuse de l’USAF. Il semble que l’USAF ne sache plus combien d’avions elle veut et combien elle prévoit d’en commander, ou bien qu’elle ait adopté comme politique de refuser de faire des prévisions comme marque de son mécontentement de se trouver “trop courte” de $100 milliards pour les 6 prochaines années. Deux cas de programme sont examinés dans l’article : celui du chasseur F-22 et celui de l'avion de transport stratégique C-17.

• L’incertitude concernant le F-22 est exprimée de cette façon, où l’on voit exposés des désaccords entre le pouvoir politique et les militaires, voire des décisions parallèles et contradictoires comme s’il y avait deux pouvoirs concurrents : «Lockheed Martin will complete the last of 183 F-22 fighters two years later (in 2011) at its plant in Marietta, Ga. But if production is to continue uninterrupted and grow to the 381 planes the service eventually wants, funding will have to be found in 2009 to keep the line running. (…) The Air Force has repeatedly said it wants 381 F-22s. (…) Originally planned as a 750-plane program to replace the F-15 fighter, cuts over the past 15 years have reduced it to 183 jets. The Bush administration sought to terminate the program, but the service kept F-22 alive and even managed to broker a deal that stretched production out until Joint Strike Fighter manufacture started.»

• Concernant le transport C-17, la confusion est encore plus grande. Il importe moins ici de connaître le nombre de C-17 déjà construits et de ceux qui sont ou pas en commande. Après avoir décrit les multiples avatars du programme de production du C-17 et surtout des intentions de programmation, ces quelques paragraphes qui terminent l’article illustrent bien l’étrange climat existant autour de ce programme.

» “We’re beginning to see that transformation programs are ebbing away in the 2009 budget submissions of the military services,” said Loren Thompson of the Lexington Institute, Arlington, Va. “The Air Force is cutting both the Joint Tactical Radio System and its next-generation cruise missile radar. It doesn’t have money for C-17s, it doesn’t have the money for the Alternative Infrared Sensor System. We are seeing the fraying of the investment agenda as a result of budget pressures.”

»But Thompson also blamed the Air Force for not doing a good enough job making its case for new equipment, especially more C-17s. “Some people wrongly believe that if the Air Force doesn’t budget for additional C-17s, Congress will still provide them,” he said. “The reality is that C-17 backers in Congress are running out of patience with the service’s failure to signal a requirement.”

»The service hasn’t issued a requirement yet, the senior official said, because it continues to study whether to retire its oldest C-5s to replace them with C-17s.

»The delay, however, is potentially devastating for the service’s agenda on Capitol Hill, Thompson said.

»“The Hill doesn’t object to the Air Force saying, ‘I want the planes, but can’t afford them,’ the problem is the Air Force won’t even say it needs them,” he said. “Even though the head of Air Mobility Command has been asked to develop a rationale for 30 more C-17s, the service has only requested two planes on its unfunded priorities list, providing little justification to the Hill to spend the money needed to keep the production line.”»

C’est bien le terme de “désordre” qui caractérise la situation de l’Air Force, qui n’est certes pas un cas isolé (l’U.S Army est également dans une situation budgétaire désespérée). Il semble que, de plus en plus, les forces armées, à l’intérieur d’un système qui reçoit des sommes colossales, soient confrontées à des problèmes de programmation insurmontables comme si l’afflux d’argent poussaient les besoins et les coûts dans une spirale d’augmentation géométrique que personne ne semble capable d’expliquer, voire de comprendre. Il s’agit d’une situation de désordre qui fait croire que la situation budgétaire du Pentagone est d’ores et déjà hors de contrôle.

Le phénomène observé est ainsi remarquable, le premier dans ce sens qui soit d’une telle importance. Les augmentations continuelles du budget du Pentagone ne cessent de créer plus de désordre et ne cessent de diminuer le contrôle qu’on a sur la gestion et les programmes. Le paradoxe est donc poussé à son extrême : les augmentations énormes du budget du Pentagone créent une pénurie à mesure…


Mis en ligne le 21 août à 05H44