Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
1027Nous avouons notre stupéfaction devant le document projeté le 27 avril 2005 à 21H35, sur la chaîne thématique Planète : « Irak : la guerre sous drogue ». Nous reviendrons sur ce document après l’avoir enregistré (nouvelles diffusions: 29 avril à 09H05, 30 avril à 15H05, 5 mai à 09H15). Il s’agit d’un documentaire allemand, de la NDR, datant de 2003.
Nous avons à reconnaître, en plus de notre stupéfaction, notre confusion: comment, par quelle faute d’inattention, n’avons-nous pas recueilli, à l’époque, d’échos de ce document? Ou bien, est-ce qu’il n’y en eut pas d’échos, — ce qui serait infiniment plus inquiétant?
Le document montre comment, depuis la première guerre du Golfe, l’USAF drogue systématiquement ses pilotes de combat, notamment ses pilotes de chasse et d’appui tactique (A-10A, F-16, etc.) pour leurs missions de combat, en ordonnant la prise systématique et à volonté de pilules d’un produit d’origine amphétamique dont l’effet est décrit comme légèrement en-dessous de celui de l’héroïne. Les précisions sont extrêmement nombreuses, tant sur le produit, sur ses effets, sur ses conséquences, sur le document officiel que l’USAF fait signer à ses pilotes pour se décharger de la responsabilité de la prise du produit. Cette pratique est indirectement mais fortement tenue comme la cause de multiples incidents de “friendly fires” (contre des Britanniques, des Canadiens, etc., ayant causé plusieurs dizaines de morts) et, bien entendu, de tirs et de bombardements ayant causé la morts de centaines, voire de milliers de civils en Afghanistan et en Irak notamment.
L’ensemble est impressionnant. Il est impressionnant d’entendre des pilotes de l’USAF, forcés à la démission ou mis sur une voie de garage, témoigner, ouvertement ou anonymement, sur ces pratiques et leurs conséquences. Il est impressionnant d’entendre le général Merril McPeak, chef d’état-major de l’USAF de septembre 1991 à fin 1994, témoigner qu’il avait supprimé cette pratique officielle qu’il jugeait attentatoire à l’éthique militaire et humaine, et il est impressionnant d’apprendre que la pratique fut rétablie en 1996, deux ans après le départ de McPeak. (On ne s’étonnera pas que McPeak ait été un des rares anciens généraux à soutenir la candidature de Kerry contre GW Bush.)
(Seul écart de la ligne générale du documentaire qui semble ne concerner que l’USAF, une interview d’un ancien des Special Forces, anonymement présenté comme “Mike”. Il explique que les forces spéciales US usent et abusent des produits concernés, sur ordre de la hiérarchie. Cela n’étonnera personne. “Mike” rapporte avoir commis des actes d’une extraordinaire brutalité, et bien entendu des liquidations physiques, sous l’empire de ces produits.)
Effectivement, cette pratique constitue une sorte d’extrémité dans la subversion des valeurs éthiques, tant militaires qu’humaines. L’appliquer aux pilotes de combat, qui contrôlent directement des machines évoluant à 800-1.000 km/h et prennent des décisions d’intervention à cette vitesse, et en toute autonomie à cause de ces circonstances, représente un acte d’une subversion si complète qu’on ne peut l’expliquer que par une pathologie fonctionnelle. Nous nous situons dans le domaine de la schizophrénie générale qu’engendre la bureaucratisation du monde, et la virtualisation des circonstances que cela implique. Le système de l’américanisme, qui est le seul à systématiser et à “légaliser” à la fois ces pratiques, comme on le voit, montre en pleine lumière la pathologie qui l’anime. Ce n’est pas un problème d’opinion, ou d’anti-américanisme, c’est un problème de civilisation.
Mis en ligne le 28 avril 2005 à 18H00