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429129 novembre 2023 (19H00) – Si l’on emploie, – ou si j’emploie, pour ne pas éluder mes responsabilités, – un titre si plein d’allusions aux constructions “simulacriennes” selon l’idéologie “simulacriste”, avec fabrications de mots nouveaux qui ne méritent même pas le qualificatif de ‘néologismes’, c’est parce que l’auteur ici consulté m’y invite et qu’il a la clef de la formule. La suggestion du titre du texte d’Alastair Crooke, l’auteur en question, déjà évident dans divers entretiens (voir celui du juge Politano sur sa chaîne ‘Judging Freedom’) apparaît dans celui du ‘Strategic-Culture.su’ (« The Magician’s Hat, and the Great Simulacrum of Palliative Balm », repris comme « Le chapeau du magicien et le grand simulacre du baume palliatif » dans la traduction française de ‘Réseau International’).
Nous sommes entre ‘Alice in Wonderland’ et Obélix devenu objet magique depuis sa chute dans la marmite où bouillait la potion, loin dans son enfance. Je veux dire, et je crois qu’Alastair veut dire que nous sommes pour un certain temps dans un simulacre, une tromperie de fortune, une narrative buissonnière et de traverse...
Non pas que la vie des otages et l’absence des bombardements pour le temps de la pause ne m’importent pas ; croyez bien que mon attention morale est toujours attentive, comme toutes les attentions ; non, je parle plutôt de la couleur, de la forme, de l’appréciation de la chose, avec le constat que l’épisode renvoie aussitôt, comme cédant à l’irrésistible attraction des masses cosmiques, vers la magie du simulacre. Nous sommes dans le temps des “rêveurs”, dont Zelenski vient d’être fait N°1 de l’année par la feuille électronique ‘Politico’ si influente à Washington.
Écoutez, lisez, méditez et demandez-vous si vous n’êtes pas devant la description d’un tour de magie, d’une mise en scène, d’un “truc” effectivement de magicien, ceux qu’on voyait proliférer à la fin du XIXème siècle, avec leur hauts de forme et leurs somptueuse tenues de scène...
« Le magicien entre en scène, sa cape noire tourbillonne autour de lui. Au centre de la scène, il brandit son chapeau : Il est vide. Il lui donne un léger coup de poing pour démontrer sa solidité. Le magicien prend alors certains objets et les place dans son chapeau. On y trouve la saisie par AnsarAllah d’un navire appartenant à Israël (la situation est “surveillée”), les frappes irakiennes sur les bases américaines (à peine remarquées par les grands médias), les 1 000 missiles tirés par le Hezbollah sur le nord d’Israël et la guerre qui fait rage en Cisjordanie. Le magicien se tourne vers le public – le chapeau est vide. Le public sait que ces objets ont une réalité physique, mais qu’ils sont en quelque sorte obscurcis par la magie.
» C’est ainsi que les médias occidentaux mainstream maintiennent la dissuasion en minimisant l’état de guerre par ce que Malcom Kyeyune décrit comme “un simulacre de paix” – d’un conflit qui s’apaise doucement et du traitement tranquille (paraphrasant Kyeyune) d’une “question post-moderne” : Que signifie exactement le terme “non-combattant” ?
» Un aspect de l’image de l’apaisement du conflit est l’échange d’otages qui a été convenu. Il est à la fois réel et il sous-tend le simulacre selon lequel, une fois le Hamas anéanti et les otages libérés, le problème des 2,3 millions de Palestiniens pourra entrer dans le chapeau du magicien et disparaître de sa vue. Pour certains, l’espoir est sincère et bien intentionné – qu’une fois que les combats auront cessé, ils ne reprendront pas, et que la fin des bombardements à Gaza pourrait ouvrir une fenêtre vers une “solution” politique – si elle peut être prolongée sine die... »
Jusqu’ici ça colle, et vous avez remarqué qu’on parle aussitôt beaucoup moins de cette vilaine affaire, certains retournent à leurs jeux favoris du côté de l’Ukraine, – autre haut lieu du passe-passe où l’on attend l’imminente chute du personnage immonde que vous savez (celui de Moscou, of course) ; d’autres prolongent le ‘Black Friday’ bien au-delà du terme ; d’autres enfin mettent à jour les modalités de leur séjour sur les pistes enneigées de notre opulence.
Crooke est sans pitié. Il ne nous laisse pas rêver très longtemps, ni savourer une seconde de trop le coup du chapeau plein-chapeau vide. Il nous ramène, avec sa mine sceptique du vieux briscard des aventures moyennes-orientales, aux réalités de nos artistes incomparables... Nous en étions donc à “ouvrir une fenêtre vers une ‘solution’ politique”, – et que croyez-vous qu’il arriva ?
« Le terme “solution” n’est ici qu’un mot poli pour désigner la tentative de corruption de l’Égypte et de la Jordanie par l’Union européenne. La présidente de l’UE, Ursula von der Leyen, se serait rendue en Égypte et en Israël pour leur présenter des offres financières (10 milliards de dollars pour l’Égypte et 5 milliards de dollars pour la Jordanie), en échange de la dispersion des habitants de la bande de Gaza dans d’autres pays, afin de faciliter l’évacuation de la population palestinienne de la bande de Gaza, conformément à l’objectif israélien de nettoyage ethnique de Gaza.
» Cependant, le tweet de l’ancienne ministre Ayalet Shaked – “Après avoir transformé Khan Yunis en terrain de football, nous devons dire aux pays que chacun d’entre eux prenne un quota : Nous avons besoin que les 2 millions d’habitants partent. C’est la solution pour Gaza” – n’est qu’un exemple parmi d’autres de personnalités politiques et sécuritaires israéliennes de haut rang vantant ce qu’Israël considère de plus en plus comme la “solution” pour Gaza.
» Mais en étant aussi explicite, Shaked a probablement torpillé l’initiative de von der Leyen, car aucun État arabe ne veut être complice d’une nouvelle Nakba.
» Une Hudna ou un “temps mort” est inévitablement très précaire. Lors des combats de 2014, lorsque les forces IDF ont lancé des opérations militaires à Gaza après le début d’un cessez-le-feu, cela a conduit à un échange de tirs et à l’effondrement du cessez-le-feu. Les combats se sont poursuivis pendant un mois entier.
» Les deux principales leçons que j’ai tirées de mes tentatives d’instaurer des trêves au nom de l’UE pendant la seconde Intifada sont qu’une “trêve est une trêve” et que les deux parties l’utilisent pour se repositionner en vue de la prochaine série de combats. Deuxièmement, le “calme” dans une localité confinée n’entraîne pas une désescalade dans une autre localité géographiquement séparée ; au contraire, une explosion de violence flagrante est viralement contagieuse et se propage géographiquement instantanément.
» L’échange d’otages actuel est centré sur Gaza. Cependant, Israël a trois fronts de conflit ouvert (Gaza, sa frontière nord avec le Liban et la Cisjordanie). Un incident survenant sur l’un de ces trois fronts pourrait suffire à ébranler la confiance dans les accords de Gaza et à relancer l’assaut israélien contre Gaza.
» À la veille de la trêve, par exemple, les forces israéliennes ont lourdement bombardé la Syrie et le Liban. Sept combattants du Hezbollah ont été tués.
» Ce qu’il faut retenir, en clair, c’est que les précédents historiques de hudnas menant à des ouvertures politiques ne sont pas très nombreux. La libération d’un otage ne résout rien en soi. Le problème de la crise actuelle est bien plus profond. Lorsque, “il était une fois”, la Grande-Bretagne a promis une patrie aux juifs, les puissances occidentales ont également promis (en 1947) un État aux Palestiniens, mais n’ont jamais donné suite à cette promesse. Cette lacune est en train de culminer en un crash de type ferroviaire qui ne pardonne pas. »
On arrête là... Alastair, lui, poursuit son texte pour vous confirmer que, bien entendu, rien n’est fini, que « la guerre ne fait que commencer ». Nous aurions été dans une autre époque, dans le temps d’avant où les conducteurs étaient plus sûrs et si expérimentés, les mécanos de première bourre et les machines fort bien entretenues, – et je vous aurais dit que je ne partagerais pas son scepticisme. Mais le temps d’avant c’est du passé, il est littéralement “dé-passé”, – et en plus à quelle vitesse !
Ce qui est très particulier dans cette nième reprise d’une “guerre” qui n’en finit pas, ni de finir, ni d’être appelé “guerre”, c’est que justement elle apparaît soudain comme une guerre et que l’on en a grande hâte d’en finir. En vérité, les habituels pompiers dans cette sorte d’incident jusqu’alors, – le nom de Kissinger vient évidemment à l’esprit, pompier d’honneur sans aucun doute, – étaient des gens qui avaient le cœur à l’ouvrage. Ils étaient capables de se concentrer et de concéder, de discuter avec patience en écoutant les autres, ils avaient une base solide, à Washington, des moyens de pression tordus mais efficaces, dans les capitales arabes et même à Tel-Aviv, et des coups de main compréhensifs et efficaces, à Moscou par exemple. Aujourd’hui, plus rien de tout ça ! C’est simple en un mot : les pompiers appelés en renfort, on va les chercher dans des hospices psychiatriques et, le plus souvent, c’est pour découvrir qu’il y a le feu chez eux. Si vous croyez que je pense à Biden et à ses États-désUnis, je ne peux pas vous en empêcher.
D’où ça ne marche pas, et chacun tire son plan de son côté, et les châteaux de cartes qu’on édifie comme par magie s’effondrent au premier coup de vent du désert. La magie n’est plus magique du tout, c’est du montage, du trucage, du bidouillage, et notre besoin de rêve dont Zelenski est devenu le n°1-2024 comme on reçoit un bonnet d’âne n’est plus ce qu’il était ; il n’est plus en rien la recherche d’un inconnu quelconque qui nous fascinerait par ses perspectives cosmiques, d’une esquisse lointaine de ce qui aurait pu être grand, mais un simple truc pour prendre la tangente sans tirer la chasse, une façon de se tirer d’un mauvais pas, prendre les jambes à son cou, parvenir à mettre la tête dans le sable, ne plus rien voir, ne plus rien entendre, enfermé dans un cortège de quatre-quatre de couleur noire et aux fenêtre teintées de noir, protégés par un réseau de souterrains de gardes du corps en costumes noirs, avec des lunettes noires... Ne plus rien voir, ne plus rien entendre !
Crier, en un mot, comme le fait le Premier ministre irlandais à ses incommodes citoyens qui protestent bruyamment :
« L’Europe est un paradis et ce pays est une des meilleures villégiatures de ce paradis. »
Ces fucking Irlandais n’habitent pas Gaza et n’en subissent pas les effets, et pourtant ils ont l’air au moins aussi excédés et encore plus mal intentionnés que les habitants de Gaza. Pourquoi ne pas échanger : les Gazaouis en Irlande et les Irlandais à Gaza ? Ça, même Kissinger n’y aurait pas songé ! Mon enthousiasme est soudain débordant, comme feu d’artifice joyeux, à cette idée qui vient de jaillir comme d’un puit de pétrole !
Oui oui, même Kissinger ! Et notre époque pourrait être ainsi célébrée pour sa modernité, son originalité, son sens de la mesure, son goût merveilleux de l’équité et de l’égalité, du transidentitarisme-transnationalisme aussi bien que du transgenrisme, et notre satisfaction de nous-mêmes serait tout à fait considérable. Nous pourrions alors servir d’exemple aux habitants ‘OVNIviens’ d’autres planètes qui nous observent anxieusement depuis des centaines de millions d’années-Obscures, dans l’attente qu’enfin nos Lumières parviennent jusqu’à eux.
Nous serions si beaux et nous aurions l’air si intelligents-moraux, – ou plutôt moraux-intelligents pour suivre le bon ordre. Le cosmos en serait ébloui et l’individu-Dieu n’aurait plus qu’à rentrer dans sa tanière de faussaire. Il aurait trouvé son maître, man !