…Mais la souris swingue-t-elle un peu trop à son aise ?

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Dès qu’on a envisagé l’hypothèse d’une Allemagne qui envisagerait d’en prendre à son aise, pour se rapprocher de la Russie et proposer une médiation en Libye (“Le chat est fatigué, les souris swinguent”, ce même 6 avril 2011), des bruits viennent nous signaler que certains jugent que la souris swingue un peu trop à son aise. Ecoutons ces bruits.

Le 6 avril 2011, Ulrich Rippert, sur le site WSWS.org, fait une analyse éventuellement prospective du sort du ministre allemand des affaires étrangères Guido Westerwelle, principal responsable de l’abstention de l’Allemagne à l’ONU et de la politique allemande vis-à-vis de la Libye, ce même Westerwelle dont BHL a ordonné que Merkel le liquide séance tenante.

Ulrich Rippert rappelle qui est Guido Westerwelle, chef du FDP libéral jusqu’au 3 avril, adepte inconditionnel du marché libre, représentant de la classe patronale allemande, initiateur de l’actuelle politique tant décriée par BHL et quelques autres. Le parti FDP de Westermelle a essuyé une veste monumentale aux partielles du Bade-Wurtemberg, le 2 avril, ce qui a conduit Westerwelle à démissionner de la direction du parti et de son poste de vice-chancelier, au côté de Merkel. BHL l’a-t-il emporté ? Westerwelle reste pourtant ministre des affaires étrangères, – mais est-ce pour longtemps ? Rippert s’explique là-dessus…

«Westerwelle’s attempt to retain his post as foreign minister by resigning as head of the FDP could quickly backfire. Demands for him to quit his post as foreign minister are growing louder―primarily due to the German abstention on the Libya-resolution in the UN Security Council, a policy for which Westerwelle bears responsibility. Criticism of the German abstention has increase in recent days and has filled editorial comments in the media. Alongside the SPD and Greens, numerous representatives from the government camp have lined up to attack Westerwelle.

»On Monday afternoon, former Interior Minister Gerhart Baum (FDP) called upon Westerwelle to resign as foreign minister. “A credible new start for the FDP is only possible without Westerwelle”, he told Spiegel Online. It is “difficult to explain to people that someone is resigning from party leadership because the party no longer wants him, but he continues to represent the country abroad”. Westerwelle had not been convincing in his role as foreign minister and, in particular, his abstention on the UN Security Council had been a serious mistake, Baum told Spiegel Online.

»Initially Westerwelle received some support for his stance. In addition to Chancellor Angela Merkel and Defence Minister Thomas de Maizière (both CDU) and former Foreign Minister Frank-Walter Steinmeier (SPD), the conservative Frankfurter Allgemeine Zeitung also publicly supported his decision to abstain. The military intervention in Libya was regarded by leading German business and foreign policy circles as a unilateral French initiative and an attack on Germany’s extensive interests in the region.»

Là-dessus, Rippert enchaîne sur la mention détaillée d’une longue étude montrant la concurrence des intérêts français et allemands dans les régions du Maghreb et du Moyen-Orient. Paradoxalement, c’est la dépendance du gaz et du pétrole russe qui pousserait l’Allemagne à tenter de s’implanter dans ces pays du Maghreb et du Moyen Orient pour trouver des sources alternatives. Elle s’y serait heurté à des concurrences variées, dont celle de… la Russie, – mais aussi, et surtout, celle de la France. Cela aurait conduit l’Allemagne à s’opposer à la France à propos de l’affaire libyenne, et se retrouvant à cette occasion au côté de… la Russie. Ouf ! Désordre, désordre… Et Rippert de poursuivre, en se heurtant à une nouvelle circonvolution contradictoire :

»…This is why Westerwelle abstained in the Security Council vote on the war resolution, together with Russia and China.

»According to an online report by China Radio International (CRI), Westerwelle went even further. During a visit to China, Westerwelle appeared before the press last Friday together with his Chinese counterpart and spoke out against a military solution to the Libya crisis. According to CRI “the Chinese Foreign Minister Yang Jiechi and his German counterpart, Guido Westerwelle, spoke out on Friday for a political solution to the question of Libya. At their joint press conference in Beijing, Yang Jiechi declared that China was concerned about the civilian victims resulting from a military escalation. Westerwelle was also convinced that the Libya issue can only be resolved politically and not militarily”.

»In Berlin, however, political circles quickly concluded that Westerwelle’s attempt to defy France, Great Britain and the United States in the Security Council was a major mistake. The danger of being isolated from its main Western allies and forced into an involuntary alliance with Russia weighed more powerfully for most foreign policy experts than Germany’s tactical differences with France.

»The initial criticism of Westerwelle was directed at Germany’s failure to participate in a “humanitarian” war. This criticism came from the ranks of the Greens and sections of the SPD and the CDU, with former Foreign Minister Joschka Fischer (Greens) accusing Westerwelle of “ducking” at the decisive moment.

»The issue of loyalty to the Western alliance soon assumed centre stage. Writing in Spiegel Online last week, Ralf Neukirch denounced the government’s abstention in the UN Security Council which, he declared, rendered null and void a bipartisan consensus in foreign policy. “Until now, Germany had always lined up alongside America and France. It was not always easy. Sometimes, as was the case prior to the Iraq war, it was impossible. Then the Federal Republic had to choose between one of its two main partners. In no case, however, was the dominant credo that it could simultaneously oppose both. The government has now departed from this basic tenet of German policy”.

»Similar comments appeared in numerous other publications. Most took the view that consent on Germany’s part in the Security Council would not automatically have meant its participation in the war. “Germany should have raised its quite understandable concerns while still siding with the West”, Neukirch wrote.

»Whether Foreign Minister Westerwelle remains or not is in fact very much a secondary question…»

Là-dessus, Rippert enchaîne effectivement sur le fait que le sort de Westerwelle importe assez peu, que l’Allemagne reste confrontée à ce que certains nommeraient “ses démons”, en l’occurrence pour la période présente la nécessité de l’accès aux matières premières qui la conduit à se rapprocher de pays tels que la Russie et la Chine, et à prendre certaines distances avec ses alliés traditionnels. La conclusion qu’on tire de l’analyse, très marxiste et très économiste, et excellente quoi qu’il en soit de ce handicap, est une impression décourageante d’incertitude chaotique… Ainsi Westerwelle a agi comme il l’a fait parce qu’il est un adepte acharné du marché libre qui est tout de même une marque du capitalisme du bloc américaniste-occidentaliste, et qu’il répond ainsi aux impulsions du patronat allemand dont il est fort proche ; ce faisant, se rapprochant de pays idéologiquement désignés comme des ennemis par ce même capitalisme du bloc BAO, et aussitôt dénoncé dans son pays par les relais habituels du même capitalisme du bloc BAO, dont le “vert” Joska Fisher est le meilleur et le plus pathétique représentant ; pourtant appliquant une politique, Westerwelle, qui est destinée nécessairement à lui survivre parce qu’elle représente une constante allemande, revivifiée par les circonstances, qui durerait aussi longtemps que durera l'Allemagne.

Tout cela est logique et fonction de grandes constantes, certes, mais cela n’empêche que le désarroi et le désordre sont plus que jamais présents lorsqu’on se plonge dans l’écheveau kafkaïen rapidement décrit plus haut. Finalement, comme nombre de pays du bloc BAO, l’Allemagne est conduite à étaler ses contradictions dans une époque où les forces métahistoriques ont installé effectivement le germe du désordre en poussant toutes les situations à l’extrême de leurs logiques, montrant ainsi toutes les contradictions qui s’y attachent, engendrant par conséquent, évidemment, confusion et désordre. Westerwelle est peut-être en sursis, selon les vœux de BHL, mais ses adversaires ne sont pas plus à l’aise que lui, et le colonel Kadhafi, le “fou de Libye“, continue à tenir bon, ainsi posant à tous un problème bien délicat ; ainsi justifiant qu’ici et là surgissent des initiatives de médiation pour la paix en Libye, – avec l’Allemagne tentée de s’inscrire dans l’une ou l’autre, contre ses alliances traditionnelles et à la colère furieuse des milieux atlantistes du pays, mais selon les lignes d’une proximité avec la Russie qui est extrêmement précieuse parce que ce pays tient l’alimentation en énergie de l’Allemagne…

Certes, la souris swingue un peu trop à son aise, mais peut-elle échapper à la tentation de le faire ? La confusion et le désordre rendent bien difficile de s’en tenir aux traditions de servilité et d’alignement établies tout au long de la deuxième partie du XXème siècle.


Mis en ligne le 6 avril 2011 à 15H41