Mandelson revisité, ou comment la grande politique est une question d’humeur

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La nomination (fin 2004) de Peter Mandelson, Britannique et proche de Blair, à la succession du Français Lamy, au poste européen essentiel des relations commerciales impliquant un important volet transatlantique, faisait penser à une nouvelle orientation pro-américaine fondamentale de la Commission européenne. La surprise vint rapidement : c’est exactement l’inverse qui se manifesta, notamment avec des affrontements sévères entre Mandelson et le Représentant US pour le Commerce d’alors, Robert Zoellick. Depuis, Mandelson a tenu sa ligne ferme en général très distante de la position américaine.

Que s’était-il passé? Nous avions donné notre interprétation, dans le texte déjà référencé. Un témoignage précis nous est parvenu. La source qui nous informe fut professionnellement très proche de Mandelson, à cause du poste qu’elle occupait, pendant la première année du mandat de Commissaire du Britannique. Cette source put ainsi apprécier quel «homme épouvantable et insupportable» se révèle être (ou se confirme) Mandelson dans ses activités professionnelles. (Cette question du caractère de Mandelson joue un rôle non négligeable dans l’interprétation que nous développons ici.)

Mais l’intérêt de ce témoignage est l’explication donnée au comportement de Mandelson. «Il arrivait à la Commission comme Britannique, instantanément étiqueté pro-américain, dans le poste le plus sensible des relations entre l’Europe et les Etats-Unis. Il lui fallait absolument asseoir sa légitimité, comme Commissaire européen, et, pour cela, montrer qu’un Britannique n’était pas nécessairement l’homme des Américains et qu’il pouvait même être diablement européen. Cela était d’autant plus nécessaire qu’il succédait à un Français, Pascal Lamy.»

Conséquence : Mandelson rechercha aussitôt l’affrontement avec les Américains, comme aucun Français (y compris Lamy, sans aucun doute) n’aurait fait. Cette attitude, notamment à cause du caractère de Mandelson, prit très vite un tour personnel, d’où «une inimitié explosive avec Zoellick, qui fit que, dans les dernières semaines passées par l’Américain au Commerce, au printemps 2005, les deux hommes ne se parlaient plus et refusaient même de se prendre au téléphone».

Mandelson n’a jamais “récupéré” de cet épisode dans ses relations avec les Américains. Les changements américains au Commerce (départ de Zoellick, etc.) n’ont pas changé la situation. En un sens, Mandelson s’était fait lui-même prisonnier à la fois de son sens tactique bien britannique et de son caractère insupportable. L’échec du Doha Round doit une part non négligeable à cette étrange équation humaine qui est une bonne illustration du jeu politique postmoderne où entrent en bonne part des facteurs virtualistes (les relations avec les USA) et des facteurs psychologiques. Sur le fond des problèmes traités, on sera plus réservé.


Mis en ligne le 20 septembre 2006 à 09H19