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597Certains, beaucoup plus nombreux qu’on pourrait croire, notamment à l’UE et à l’OTAN, n’avaient pas vu passer les diverses agitations (voir le 25 juin 2010) entre la France, l’Allemagne, la Russie, éventuellement la Pologne, autour de l’“initiative de Weimar” et entre les rets encore improbables de la proposition Medvedev. Washington soi-même s’en était-il aperçu ?
D’où la surprise inquiète et générale quand on découvre, le 2 octobre 2010 dans le New York Times, un article annonçant une nouvelle étape de la manigance (rencontre Merkel-Medvedev-Sarko les 18-19 octobre à Deauville). Horreur, observe un officiel US... BHO, ou, à défaut, Hillary, n’est pas de la partie.
«President Nicolas Sarkozy of France plans to propose a new security and economic relationship between Europe and Russia when he meets with President Dmitri A. Medvedev of Russia and Chancellor Angela Merkel of Germany this month in Deauville, senior French officials said Friday.
»The idea is to have a single zone of security and economic cooperation, the officials said, that will pull Russia closer to Europe but apart from the North Atlantic Treaty Organization. The alliance itself is holding a key meeting in November intended to approve a new strategic doctrine, and American officials are unhappy with the idea of France and Germany talking to Russia — without the United States present — about security in advance of the talks.
»“Since when, I wonder, is European security no longer an issue of American concern, but something for Europe and Russia to resolve?” asked a senior American official, who spoke on condition of anonymity. “After being at the center of European security for 70 years, it’s strange to hear that it is no longer a matter of U.S. concern.”»
D’autre part, il importe de rapprocher ces considérations d’une sortie avantageuse du secrétaire général de l’OTAN Rasmussen, vers la Russie comme on peut et comme, à notre sens, on doit le comprendre. Le commentaire et les observations du secrétaire général ont tout d’une insistance de circonstance pour que les Russes considèrent une participation au réseau anti-missiles OTAN (lequel réseau n’est pas encore décidé au sein de l'OTAN), et qu’ils considèrent cela comme une sorte d’alliance de sécurité (qui rend caduc le projet Medvedev, par conséquent). C’était au cours d’un discours, hier soir à Bruxelles, et la chose est rapportée par EUObserver le 9 octobre 2010.
«Instead of criticising a new security treaty between Europe and America, Russia should consider coming under the umbrella of a Nato missile defence shield, the alliance's secretary general, Anders Fogh Rasmussen said Friday (8 October). Nato leaders will decide in November whether they will share the costs of a US-deployed shield in Europe. […] “That is a lot of defence for a very good price,” Nato secretary general Anders Fogh Rasmussen said during a speech at the German Marshall Fund in Brussels on Friday. […]
»Mr Rasmussen said that if there is agreement at a Nato summit in Lisbon from 19-20 November to have a Nato missile defence shield, Russia would be invited to co-operate.
»Co-operating with Russia would “make sense militarily”, it would provide more security to more people and “also politically, it would make the point that it is not against Russia,” he said.
»“Russia has made the proposal of a new security treaty ranging from Vancouver to Vladivostok, but [joining a Nato missile shield] would be an actual security architecture that makes sense to the citizen. It does not give people security to sign a new treaty, but a missile shield would,” Mr Rasmussen argued. He was referring to a proposal put forward by Russian President Dmitry Medvedev in 2008 to replace Nato with a new pan-European security architecture ranging from Vancouver (Canada) to Vladivostok (Russia).»
Il est difficile de ne pas voir un rapport entre une telle proposition de participation à un réseau anti-missiles qui est mis en équivalence, à son avantage, avec la proposition Medvedev, et l’annonce de la réunion Allemagne-France-Russie signalée plus haut, qui constituerait une prolongation sous une autre forme d’une proposition Medvedev passée à un stade actif, avec partenaires européens. Si Rasmussen n’avait pas cela à l’esprit, il aurait dû car c’est exactement ce à quoi ressemble son appel pressant aux Russes : choisissez plutôt la voie otanienne pour la coopération sur la sécurité en Europe, établie sur une structure anti-missiles à laquelle votre participation ôtera tout l’aspect hostile que vous en craignez depuis si longtemps.
Mais, en marge de cette intervention de Rasmussen, EUObserver note quelques commentaires d’un officiel US qui semble indiquer que l’unanimité est loin d’être acquise au sein de l’OTAN, sur ce système anti-missiles dont on peut dire qu’il est US, et qui, bien entendu, sera emmené, développé, contrôlé et ainsi de suite par les USA. (La part demandé aux pays membres est de €200 millions, ce pourquoi ce chiffre est cité ici.)
«However, not all member states seem to be willing to pay for the bill and subscribe to a Nato missile shield.
» “First, we'd like Nato to take a decision on missile defence. We are not there yet,” a senior US official told EUobserver and other Brussels-based media on Friday. “The new thinking [of President Obama] makes it possible for Russia to co-operate, and we had talks with Russian officials at all levels on ways in which they can be a partner,” he confirmed.
»The cost of the system still seems to be the main stumbling bloc, despite the US insisting that it will be the American taxpayer taking over the biggest burden, as the system itself will be paid by Washington. “The €200 million are for the software required to plug in all the national systems and capabilities. The cost of defending Europe is much bigger, and the US is paying for that by providing the system,” the source said.»
Par conséquent, nous confirmons qu'il nous semble bien qu’il faille faire un rapport entre les deux dynamiques, – celle du trio Allemagne-France-Russie, qui aurait la Pologne pas très loin, et celle du réseau anti-missiles très US de l’OTAN, – et un rapport pour le moins concurrentiel. Pour Rasmussen, la partie est importante, parce qu’il a basé une partie importante de la dynamique de sa direction de l’OTAN sur un rapprochement avec la Russie, tout cela étant compromis si l’autre dynamique se développe.
Du côté US, on reste un peu circonspect si l’on se fie aux indications données par l’officiel que cite EUObserver. Il semble que, de ce côté, effectivement, nous aurons l’approche bureaucratique, basée sur l’habituelle attitude unilatéraliste de la puissance US, qui fait considérer que c’est un honneur pour les Européens (et pour les Russes, sans doute aussi) d’être inclus dans un système US, et qu’il est de toutes les façons normal que la sécurité européenne soit confiée à des systèmes entièrement gérés et dirigés par les USA. C’est dire si Rasmussen aurait, de ce côté, autant d’embuches et de contradictions, que d’aide pour embrigader les Russes dans le système. En plus de cela flotte, pour tous les membres, la pensée caractéristique des difficultés budgétaires catastrophiques, qui rend tout alignement nécessitant un apport de fond extrêmement difficile à concrétiser.
Nous n’en sommes qu’au stade des manœuvres de départ dans un grand débat sur la sécurité de l’Europe, un de plus, avec peut-être la chance qu'il devienne intéressant. L’intérêt, en effet, de la confrontation des deux événements que nous voyons ici, c’est l’établissement de facto d’une concurrence entre un projet complètement européen avec les Russes, et un projet otanien (avec la prépondérance US par conséquent) que l’on ouvre aux Russes. D’autre part, la concurrence se fait sur des bases et des programmes différents, le projet entre l’Allemagne, la France et la Russie devant éventuellement évoluer vers un accord politique de sécurité, le projet otanien impliquant la quincaillerie US dont on peut se demander l’utilité, l’usage, le prix, l’effet réellement structurant dans la sécurité européenne, etc.
Suivons donc cette affaire parce qu’elle contient une importante charge potentielle de mise à découvert des grandes contradictions de la sécurité européenne. L’intervention de l’officiel US citée par le New York Times nous dit tout à cet égard. («Since when, I wonder, is European security no longer an issue of American concern, but something for Europe and Russia to resolve? After being at the center of European security for 70 years, it’s strange to hear that it is no longer a matter of U.S. concern.») On pourrait, on devrait évidemment lui répondre qu’effectivement, après 70 ans de cette situation, il est temps de s’atteler à dénoncer et à réparer l’imposture grossière qui est de donner à un pays distant de 6.000 kilomètres et qui n’a rien d’européen en aucune façon, le sien en l’occurrence, dont la politique erratique et déstructurante actuelle ne représente en rien les intérêts de l’Europe, une voix prépondérante dans la question de la sécurité européenne. Effectivement, si cette sorte de débat était lancé, la chose deviendrait intéressante.
Mis en ligne le 9 octobre 2010 à 14H36