McCain le révolutionnaire-libéral qui va sauver l’Amérique

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Il est particulièrement difficile, dans ces temps de relativité de l’information et de puissance de la communication, de fixer précisément une appréciation politique portant sur une perspective importante, à partir d’un personnage nécessairement controversé à cause de sa position et de ses ambitions. Il n’existe plus aucun point de référence permettant d’avantager tel ou tel jugement tant est grande la relativité de l’information et puissante le flot de communication qui charrie cette information.

Un cas démonstratif est celui de John McCain, qui est de plus en plus assuré d’être le candidat républicain aux élections présidentielles. On a lu, dans notre Bloc-Notes le 29 janvier, ce que pouvait être une appréciation plutôt critique, mais fortement appuyée sur des prises de position et des faits bien réels, d’un personnage connu pour certaines vues extrémistes et pour un caractère particulièrement violent. Voici le même, vu d’une façon idyllique par Gerard Baker, aujourd’hui dans le Times de Londres. On sait que nous tenons Baker pour un commentateur particulièrement intéressant, dans la mesure où il représente un engagement pro-américaniste sans nuances, qu’il répercute des sources certainement très significatives et influentes dans l’establishment US, particulièrement chez les républicains et dans les milireux proches du Big Budiness. Par conséquent, ses avis et ses analyses expriment un courant politique important.

Après avoir expédié avec quelque mépris le “cirque” démocrate où le dernier “homme blanc” («the sole remaining white guy»), John Edwards, vient d’abandonner la compétition, Baker a cet aveu significatif pour introduire l’idée qu’avec McCain, le parti républicain va être “tout nouveau, tout beau”: «Forget everything you thought you knew about the Republicans. Forget the party of God, guns and gays. The brief, and let's be honest (especially those of us who once rather approved of him) catastrophic era of the Bush Republican Party is certainly over.» Il est intéressant de lire sous la plume de Baker que l’époque Bush fut catastrophique, lui qui, pendant huit ans, ne cessa de tresser des couronnes à l’administration Bush, sa politique, ses racines conservatrices («the party of God») et l’Amérique plus forte et plus belle que jamais. Voilà que tout cela n’était que fariboles. Avec McCain, tout va enfin changer. (Soupir de soulagement.)

Baker annonce qu’un “coup d’Etat” en douceur vient d’avoir lieu cette semaine, principalement marqué par les prises de position en faveur de McCain du gouverneur de Floride Charlie Crist, de Giuliani et du gouverneur de Californie Schwarzenegger. Pour Baker, ces ralliements annoncent une révolution en une rencontre exceptionnelle, comme si trois saints venaient de retrouver leur prophète. (Peut-être y a-t-il aussi l’explication de leur ralliement dans le simple constat que McCain va gagner la désignation du parti républicain, et qu’il vaut mieux être du côté du gagnant? Mais pourquoi expliquer simple quand on peut expliquer compliqué?) «What these three have in common is that they all know that for Republicans to survive in the harsh political climate of the post-Bush years, they need to reach to the Centre.»

Voici donc “the McCain Revolution”, comme Baker désigne la chose, et la sauvegarde du parti républicain grâce à une complète, quasiment nietzschéenne transmutation des valeurs. McCain apparaît comme l’homme qui va renouveler complètement le vieux parti (le Great Old Party), lui donner une touche libérale, révolutionnaire, juvénile, ce qui n’est pas mal pour un candidat qui, en cas de victoire, entrera à la Maison-Blanche âgé de 72 ans. Voici les vertus de McCain, telles que les voit Baker:

«It is true, as I have argued before, that Mr McCain is not the louche liberal that his Republican enemies would have you believe. He has a strong conservative record on issues such as abortion and, of course, on national security.

»But there can't be any doubt that, if given the chance to be president, Mr McCain will govern in a fundamentally different way from either Mr Bush or the Republicans who have dominated Congress for the past decade or more. He does not believe in the modern theology that taxes must always be cut, whatever the circumstances or the consequences. He doesn't think America can survive by closing its doors to immigrants. Though there is no stronger supporter of the War on Terror, he believes that America's reputation has been badly damaged by the mistakes of the past few years – from Abu Ghraib to Guantanamo.»

Mais répétons-le pour terminer. Malgré notre ton goguenard ici et là, il n’est pas impossible que cette analyse ne soit pas complètement fausse. Certes, le ton est engagé, la parti-pris affirmé, ce qui ne peut étonner avec un Baker. Rien n’est pourtant assuré pour autant. McCain reste un mystère (mais aussi bien Hillary Clinton et Obama) tant il est impossible aujourd’hui de distinguer le programme, les ambitions et les convictions d’un candidat, dans le flot de communication et la manipulation permanente, dans tous les sens, de l’information.

Au reste, peut-être McCain lui-même ne sait pas ce qu'il sera et fera s'il est élu président...


Mis en ligne le 1er février 2008 à 14H17