McChrystal, l’ami de l’Iran

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Deux commentateurs US, Spencer Ackerman, le 1er octobre 2009 sur The Washington Independent et Stephen M. Walt, le 6 octobre 2009 sur Foreign Policy.com, se relaient pour noter le même passage de l’intervention de général McChrystal (commandant des forces US et de l'OTAN en Afghanistan), à Londres, lors de son discours à l’IISS le 1er octobre 2009. Ce passage fait de McChrystal une sorte de colombe, de partisan de l’apaisement de l’Iran par la nécessité de s’entendre avec ce pays, pour le bien de la situation en Afghanistan.

Walt écrit: «…As Spencer Ackerman noted a few days ago, U.S. Afghan commander Stanley McChrystal offered this intriguing comment during his remarks at IISS headquarters in London last week:

»“Iran, of course, being, you know, in such proximity to Afghanistan and having significant influence inside Afghanistan, is a big player. They, in my view, they have a lot of very positive influence inside Afghanistan, some of it cultural, some of it financial, just things that any neighbor would have to try to build the stability. I think that if Iran takes a very mature look at a stable Afghanistan and support the government of Afghanistan, then we'll be – we'll be in good shape. If they were to choose not to do that, and they were to choose to support insurgents, I think that would be a significant miscalculation.”

«I don't think this comment was an idle remark by McChrystal. What he's telling us is that Iran could be a positive influence in Afghanistan, and that it could also be a real hindrance to our efforts. And that means that an attack on Iran would make our situation in Afghanistan even worse than it is already, because Iran would have both the capacity and the incentive to retaliate.

»There's no love lost between Iran and the Taliban, in part because the Taliban murdered ten Iranian diplomats in Mazari Sharif back in 1998. But Iran does retain some influence there – as McChystal points out --and they would undoubtedly be looking for some way to pay us back if we were foolish enough to strike them. McChrystal is probably aware that advocates of a hardline approach to Tehran have a lot of clout in the Obama administration, and that plenty of other voices – such as GOP Senator Lindsay Graham – continue to wave the big stick even as negotiations get underway.»

@PAYANT Nous avons déjà mentionné ce fait dans notre Note d’analyse du 29 septembre 2009: «De l’autre côté, géographiquement, on sait qu’il y a, pour les militaires US, un lien contradictoire explosif entre la guerre en Afghanistan et un affrontement avec l’Iran. Si l’Iran décide de prendre une attitude antagoniste, la situation empirera pour les forces US (et de l’OTAN) en Afghanistan.» De ce point de vue, McChrystal est en complet accord avec son supérieur et complice, David Petraeus, le chef de Central Command, qui plaidait en janvier 2009 pour une bonne entente avec l’Iran et une coopération avec ce pays dans les opérations en Afghanistan.

La diversité des situations militaires engendrée par la fameuse “politique de l’idéologie et de l’instinct” de l’administration Bush depuis le 11 septembre 2001 engendre une complète cacophonie stratégique dans les politiques militaires à suivre selon les différents “fronts” et les nécessités opérationnelles, surtout lorsque ses “fronts” sont contigus et interactifs, comme dans “l’arc de crise” qui va de la Corne de l’Afrique au sous-continent indien. Cette situation engendre un désordre complet au sein de la direction militaire US, avec des positions et des “alliances” complètement changeantes; dans ce cas, la “cabale” Petraeus-McChrystal est objectivement alliée de l’U.S. Navy, qui s’oppose complètement à l’attaque de l’Iran; pourtant, la Navy déteste Petraeus en “temps normal” (voir les affrontements entre l’amiral Fallon et Petraeus) et s’oppose à l’U.S. Army, représentée par les deux généraux, pour les rapports avec Obama et, également, vis-à-vis de la situation en Irak, où les amiraux sont plutôt partisans d’un retrait rapide. Par ailleurs, tous ces militaires partisans d’un arrangement avec l’Iran s’opposent aux maximalistes idéologiques US (républicains, neocons), lesquels soutiennent les militaires US au nom de cette même politique maximaliste. Même imbroglio dans les rapports avec Israël... (L'IISS, comme temple de l'arrogance aveugle de l'“expertise” anglo-saxonne, est également partisane d'une attaque contre l'Iran, dans le chef de nombre de ses chercheurs. On appréciera les applaudissements nourris qui ont accueilli le discours de ce général de l'U.S. Army – car l'IISS applaudit toujours les généraux de l'U.S. Army – venu leur dire qu'il faut absolument s'entendre avec l'Iran.)

Nous en sommes à un tel degré d’engagements multiples de la politique belliciste et impériale des USA, et à tel degré d’effondrement des moyens et de la volonté politique de soutenir cette politique, que les contradictions surgissent de toutes les façons, sur tous les “fronts”, les intérêts régionaux et immédiats des partisans et exécutants de cette politique à divers titres s’opposant les uns aux autres. La contradiction est aujourd’hui à son point de tension maximale entre les objectifs et les moyens, proches de divers points de rupture. Plus aucune ligne cohérente de politique et de stratégie ne peut être suivie, puisque chaque politique et chaque stratégie, dès qu’elle commence à être définies, font surgir aussitôt des contradictions en chaîne qui les rendent aussitôt impossibles à appliquer, sinon absurdes en elles-mêmes.

La fameuse “overextension” des empires en déclin, définie notamment dans son livre fameux de 1987 par Paul Kennedy, qui s’appliquait surtout à l’URSS mais également commençait à s’appliquer aux USA, ne contient pas seulement l’opposition théorique des ambitions et des moyens – ambitions trop grandes et moyens trop réduits, avec conséquence d’un affaiblissement et un déclin rapide de la puissance. Cette opposition est également dynamique, comme on le voit dans ce cas, où l’hostilité contre l’Iran parfois manifestée contredit directement les intérêts du commandement et des troupes US en Afghanistan. Le résultat, en plus de la décadence, est le développement du désordre au sein du pouvoir, qui contribue décisivement à une paralysie de la volonté et l’impuissance de la politique.


Mis en ligne le 8 octobre 2009 à 12H54

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