Mélenchon contre l’hystérie antirusse

Brèves de crise

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Mélenchon contre l’hystérie antirusse

On sait que depuis quelques jours, le paysage politique français est en train de se modifier sur la question cruciale de la crise ukrainienne et des relations avec la Russie. (Voir le 9 février 2015 et le 10 février 2015.) Sur son blog (le blog de Jean-Luc Mélenchon), le 9 février 2015, le député européen Jean-Luc Mélenchon, du Front de Gauche, affirme son engagement désormais accentué dans “le débat sur l’Ukraine et la Russie” dans le sens de la lutte contre “la diabolisation de la Russie” («Pour ma part, je vais m’impliquer davantage dans le débat sur l’Ukraine et la Russie. Et surtout dans le combat contre la diabolisation de la Russie.») Cette prise de position est signalée par Sputnik.News, le 10 février 2015.

Sans son texte intitulée «Guerre totale !?», Mélenchon cite le général de Gaulle. C’est un symbole qui convient bien au réalignement en cours en France, qui touche toutes les tendances politiques françaises. Si l’on interprète les dernières interventions de Hollande comme un tournant tendant à se dégager de la narrative du bloc BAO, si l’on cite notamment les interventions de Sarkozy, de Fillon et de Marine Le Pen, on retrouve effectivement une sorte d’unité d’une structuration conceptuelle française renvoyant évidemment aux conceptions gaulliennes. Même si le rapprochement de telles personnalités ne plaît pas à l’un ou à l’autre, s’il détonne dans le débat intérieur français qui a la forme d’une “guerre civile” permanente sur des querelles secondaires au milieu d’un monde qui s’effondre, il n’en existe pas moins au-delà et au-dessus de leurs engagements et de leurs affrontements dans ce cadre restreint. Il signale une sorte d’union nationale qui dépasse leur politique intérieure quotidienne, quoi qu’ils en disent et veuillent, qui rejoint un courant puissant qui ne se dissout jamais complètement et qui resurgit comme une marque évidente de la nature de la singularité française. Puisque la France est capable du meilleur et du pire, il est bon de signaler cette manifestation soudaine du meilleur, à propos de la crise fondamentale de notre temps, au milieu du courant du pire qui ne cesse d’emporter sa politique depuis de nombreuses années... Voici la partie de l’intervention de Mélenchon sur son blog, le 9 février, consacrée à la crise des relations avec la Russie : elle vaut citation complète.

«Je désapprouve totalement ces grands mots qui évoquent cette « guerre totale » en Ukraine : comme s’il était possible d’oublier qu’il s’agit de faire la guerre à la Russie, absurdité dévastatrice totale. À présent, le danger est extrême. Sans doute est-ce pourquoi les responsables français et allemands sont-ils allés à Moscou. Tant mieux. Il était temps. Les provocateurs ukrainiens n’ont pas chômé. Ce sont les mêmes qui font échouer tous les accords depuis le début de la crise. Si je m’avance autant, c’est parce que personne ne peut prouver quel est l’intérêt de Poutine à une telle escalade! D’ailleurs, après des mois de bavardages, de promesses non tenues côté américain et européen, nous voici revenus au point de départ. C’est le plan franco-allemand. Il prévoit une plus large autonomie des régions rebelles. Il se fonde sur la ligne de front actuelle. Excellent! C’est le plan proposé par les Russes dès le début du conflit : une Ukraine fédérale! Il va de soi que le projet d’une zone démilitarisée de 50 à 70 kilomètres de large le long de cette ligne est excellent pour empêcher les exactions des milices d’extrême droite ukrainiennes avec ou sans uniformes de l’armée du président Porochenko. La qualité de ces avancées est évidente.

»Mais elles ne peuvent faire oublier le harcèlement médiatique qui s’est prolongé comme un bruit de fond de pure propagande tout au long des semaines et encore à cette heure. On a retrouvé pendant des semaines les montages du style de ceux utilisés pour justifier les guerres d’Irak ou réclamer celle de Syrie. Les récitants des médias ont débordé d’irresponsabilité en prêchant la haine anti-Russe, en étouffant les crimes de guerre du gouvernement d’extrême droite Ukrainien, son président oligarque et en diabolisant d’une manière irresponsable la Russie et Vladimir Poutine. Rien de nouveau sous le soleil, dira-t-on. C’est vrai. Mais il est important que chacun de vous, mes chers lecteurs, en prenne pleinement conscience pour apprendre à penser librement. Tout dépend de cette liberté de penser informée, quand les évènements s’enflamment. On ne répète jamais assez cette mise en garde contre la machine à bourrer les crânes et sa propension à faire oublier ensuite ses turpitudes par des diversions. Je ne parle pas dans l’émotion de la machine incroyable à insulter et diaboliser qui s’est déchaînée contre moi au lendemain de la victoire de Tsipras. ‘Le Monde’ a de nouveau battu quelques records inadmissibles en la matière. Non seulement à mon sujet, ce que je trouve toujours aussi consternant, mais contre la Grèce et, pire que tout, contre la Russie avec un appétit pour la guerre stupéfiant.

»Pour ma part, je vais m’impliquer davantage dans le débat sur l’Ukraine et la Russie. Et surtout dans le combat contre la diabolisation de la Russie. L’insulte qu’a été le fait de ne pas inviter Poutine aux cérémonies de la Libération des camps ne peut se reproduire. C’est là un des instruments de la reconstruction d’une mémoire artificielle sous contrôle de la propagande qui voudrait faire des États-Unis les libérateurs exclusifs du continent. La vérité est tout autre. Sans l’Armée Rouge et le sacrifice de vingt millions de Russes, rien n’aurait eu lieu et il est même possible que les USA se soient accommodés de bien des choses, comme l’a montré leur soutien jusqu’à la dernière minute au régime de Vichy. La peur des rouges a accéléré le débarquement de Normandie. Il est frappant de voir comment, dans les enquêtes d’opinion, on constate qu’après-guerre une très large majorité, témoins directs des évènements pensaient que les Russes étaient les libérateurs essentiels. On voit alors comment cette proportion s’est inversée après l’absorption massive de drogues médiatiques. Pour ceux que cette mise au point rendrait nerveux, je voudrais rappeler que le général de Gaulle ne célébrait pas le 6 juin. Ses raisons ont été clairement énoncées. Voici ce qu’il en disait : “Le débarquement du 6 juin, ç’a été l’affaire des Anglo-Saxons, d’où la France a été exclue. Ils étaient bien décidés à s’installer en France comme en territoire ennemi ! Comme ils venaient de le faire en Italie et comme ils s’apprêtaient à le faire en Allemagne ! Et vous voudriez que j’aille commémorer leur débarquement, alors qu’il était le prélude à une seconde occupation du pays ? Non, non, ne comptez pas sur moi.”»


Mis en ligne le 11 février 2015 à 07H04