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83227 mai 2003 — Désormais, c’est annoncé de source officieuse mais avec une insistance et des détails convaincants : GW ne veut plus ni ne peut plus voir Schröder, ni en peinture, ni en pied d’ailleurs. Il l’évitera, à Évian comme ailleurs. Joska Fisher, c’est un cas un peu différent mais à peine, car le président GW n’ignore plus (il en a été informé sans doute par l’OSP de Rumsfeld) que le ministre allemand des affaires étrangères est originaire d’un milieu catégorié “evil”, puisqu’il fut gauchiste et casseur de propriétés privées et de biens capitalistiques dans sa jeunesse, dans les infernales années 1960 et suivantes. (Selon une dépêche Reuters, Condolezza Rice « was also quoted as saying that Bush was aware of Foreign Minister Joschka Fischer's past as a street-fighter turned politician and doesn't believe he is suited to be a statesman ».)
Les confidences de l’habile Rice à une publication allemande, reprises par Reuters, font la lumière sur un univers surprenant, celui de l’élaboration de la politique internationale du président GW, par lui-même. On se trouve dans un cas que des humoristes situeraient quelque part entre Néron sans lyre mais avec incendie sophistiqué, le Notre-Président de Jules-Edouard Moustic dans l’émission “CNN International” de la défunte Nulle Part ailleurs, et Ubu-Président. (Les humoristes font souvent de bons analystes politiques.)
GW a donc décidé que Schröder est impardonnable et il s’emploie à faire comme s’il n’existait pas. Il reçoit de l’allemand, mais pas du chancelier. Il espère mettre le peuple allemand et l’Allemagne de son côté, en mettant leur chancelier définitivement à l’index.
« Focus magazine reported President Bush’s national security [Rice] adviser told a German visitor recently that relations between Bush and Schroeder were ruined because of the German leader's outspoken opposition to the U.S.-led war in Iraq.
» “We're now doing everything we can to improve relations to Germany at all levels,” the unnamed German visitor quoted Rice as saying. “But we're going to work around the chancellor. It's better to leave him out.”
(...)
» The conservative Munich-based magazine did not further identify the German visitor. But two German political leaders were recently in the White House on visits. Economy Minister Wolfgang Clement, traveling with a group of German business leaders, and Hesse state premier Roland Koch both met Bush administration officials.
» Koch, a conservative and potential challenger to Schroeder's center-left Social Democrats in the 2006 election, was also given an unplanned meeting with Bush while at the White House. »
Il s’agit de surprenantes nouvelles. On hésite, pour les qualifier, entre l’enfantillage, le fait du prince inculte et grossier, la naïveté complète et ainsi de suite, — le registre est étendu. En réalité, il semble bien qu’il y ait une bonne part de réalité. Des pans entiers de la politique extérieure américaine sont, aujourd’hui, représentés par des attitudes et des sentiments de cette sorte. Les dégâts sont considérables. Il ne fait aucun doute que l’attitude du chancelier Schröder et de certaines parties du gouvernement allemand, désormais réellement hostiles à l’administration GW, a été aggravée dans une part non négligeable par les comportements et les déclarations d’humeur et d’arrogance de l’administration GW.
Nous recommandons à cet égard de lire le texte de Robert Hunter publié hier dans l’International Herald Tribune. Ancien ambassadeur US à l’OTAN, Hunter était modérément opposé à la guerre en Irak. Il reste actif dans les milieux politiques washingtoniens. Son texte est une exhortation (sans grand espoir, d’après ce que Hunter pense vraiment) à une réconciliation chaleureuse de GW avec Chirac et Schröder à l’occasion du sommet du G8 à Évian. Le plus intéressant est que son conseil s’appuie essentiellement sur des exhortations à la simple civilité, à la simple politesse, avec des arguments pour que GW “se conduise bien” (« Bush is naturally a courteous person, adept at displays of chief-executive charm »). Cela mesure la situation présente où les questions internationales dépendent également des rapports de personnes à un point aussi évident.
Pour autant, on ne doit pas penser qu’effectivement une aimable prestation de GW résoudrait tout. Ces analyses plutôt psychologiques, voire de simple maintien, ont leur place mais elles n’expliquent pas tout, tout comme elles ne constituent évidemment pas la solution à tout. Ces querelles de personnes servent aussi à révéler des affrontements plus fondamentaux. En réalité, ces comportements sont le miroir des mésententes politiques, le personnel politique US n’ayant plus le goût d’en dissimuler à cet égard, et se laissant aller à se conduire avec brutalité dans son comportement, une brutalité à l’image de leur puissance. Il n’est pas sûr, par contre, que ce soit bien habile : si ce n’était cette brutalité, les Américains réduiraient en souplesse nombre des oppositions qui leur sont signifiées. C’est d’ailleurs, en réalité, la véritable signification du conseil de Hunter.