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1191La chose n’éveille en général que peu d’intérêt à Washington; on lui préfère l’Afghanistan ou les anti-missiles autour de la Russie. Pourtant, la tuerie de ce week-end à Ciudad Juarez, cette ville mexicaine célèbre dans les annales de la “guerre de la drogue”, a tout de même provoqué quelques réactions, effectivement à Washington, puisqu’on trouve parmi les victimes des employés du consulat des USA dans cette ville.
On trouve partout des échos de l’événement, notamment dans le Times de Londres, du 15 mars 2010.
«The drug wars in Mexico took an ominous turn over the weekend when a US consulate employee and her husband were killed as they left a children's birthday party in Ciudad Juarez, Mexico's most violent city. Only minutes earlier gunmen also killed the Mexican husband of another member of the consular staff and wounded his two children. […] President Barack Obama has expressed outrage over the killings, and Mexican President Felipe Calderon promised a swift investigation.
»The three died during one of the bloodiest weekends so far in Mexico, with nearly 50 people murdered in gang violence. Another 13 people were killed in a gangland shoot-out in the Pacific resort city of Acapulco on Sunday…»
• Ajoutons pour la chronique cette nouvelle venue du site d’un journal de San Antonio, au Texas, le 12 mars 2010, concernant l’incursion d’un hélicoptère de l’armée mexicaine dans l’espace aérien US (ou bien “dans l’espace aérien texan”?)
«The Zapata County sheriff Thursday was questioning why a Mexican military helicopter was hovering over homes on the Texas side of the Rio Grande. It was one of the more jarring incidents of the fourth week of border tensions sparked by drug killings, and rumors of such killings, in the Mexican state of Tamaulipas.
»Sheriff Sigifredo Gonzalez said he'd reviewed photos of the chopper flown by armed personnel Tuesday over a residential area known as Falcon Heights-Falcon Village near the binational Falcon Lake, just south of the Starr-Zapata county line. He said the helicopter appeared to have the insignia of the Mexican navy.
»“It's always been said that the Mexican military does in fact ... that there have been incursions,” Gonzalez said. “But this is not New Mexico or Arizona. Here we've got a river; there's a boundary line. And then of course having Falcon Lake, Falcon Dam, it's a lot wider. It's not just a trickle of a river, it's an actual dam. You know where the boundary's at.”…»
Et le sheriff Sigifredo Gonzalez de conclure assez sobrement: «My understanding is the U.S. military were informed. “I don't know what action was taken, if any.»
… Ce qui nous ramène un instant au premier texte cité, du Times, section commentaires des lecteurs. Deux d’entre eux (sans exclusive d’autres qui peuvent être mis en ligne) viennent de lecteurs US et méritent citation.
• Damon Meek: «I live about 3 miles from the border and work close to the border I hear gun fire every day from across the border. we have had many kidnapings and home invasions here in south Texas. We need the army here on the border. I have seen a lot of Mexican air fly overs. the national news is not covering all of what goes on here on the border in Texas…»
• William Kent: «If I were the President I’d bring the troops home from protecting the DMZ in South Korea (they have no function there except as a tripwire i.e. that their slaughter by any invading North Koreans will guarantee a major US response) and deploy them along the border with Mexico. In fact I’d bring home the forces from Okinawa and Germany (and elsewhere too) that serve no purpose whatsoever and deploy them along the US/Mexico border. The way things are going, one of these days the US/Mexico Border may well disappear in a hail of gunfire. Successive US Presidents (including the present one) have paid lip service to the problem and then simply ignored it; so, like a festering wound it has gotten worse and worse over the last few decades and now may be reaching ‘critical mass’…»
@PAYANT Nous n’avons pas sollicité les événements tant ils sont nombreux à venir illustrer le problème de “la forfaiture permanente”, dont nous parlons ce 15 mars 2010. Nous dissertons à partir de l’affaire de l’“insulte” de Netanyahou, nous aurions pu partir de ces affaires sur la frontière mexicaine qui mêlent l’assassinat de personnes liées au gouvernement US et les incursions de l’armée mexicaine dans ce qui est encore, jusqu’à nouvel ordre, l’espace aérien national des USA. Enfin, le commentaire de Damon Meek ou de William Kent, ci-devant lecteurs du Times, auraient aussi bien pu figurer également dans notre texte, comme argument pour la même analyse.
Y a-t-il plus bel exemple de cette “forfaiture permanente” que la comparaison entre les aventures et les engagements extérieurs des USA, dont on se demande l’intérêt réel pour le peuple de ce pays, et la situation près de et sur la frontière de ce même pays avec le Mexique? Y a-t-il plus bel exemple de la fable des termites et des loups, avec toute la puissance faillie des USA tournée contre des loups qui n’existent pas en même temps qu’insultée par des agneaux bardés d’armement que cette puissance est censée protéger, tandis que les termites gorgées de drogue et de dollars sont au travail sur la frontière Sud?
Les questions que suscite cette situation sur la frontière sont les bonnes questions: qui se réveillera le premier face à ce danger du Sud, de Washington ou des Etats de l’Union concernés? Que finiront par faire les Etats de l’Union concernés si Washington ne se réveille pas, tout occupé à guerroyer en Afghanistan et à négocier avec les “insultes” de Netanyahou? Et d’ailleurs… Washington ne s’est-il pas déjà réveillé, avec pour principal résultat une lutte à mort entre différents services, ministères, agences, etc., pour savoir qui prendra en main la situation? Cela, avec le résultat qu’on voit aujourd’hui? (Les remarques du sheriff Sigifredo Gonzalez, – «My understanding is the U.S. military were informed. I don't know what action was taken, if any.» – ne nous en disent-elles pas beaucoup sur le degré de coordination, d’information, sur la capacité d’action, sur la décision d’agir, etc., des forces de sécurité US dans la zone?)
Cette situation sur la frontière Sud est intéressante parce qu’elle est, pour le côté US, la représentation opérationnelle et géographique de ce que nous nommions le “point de fusion” (voir notre F&C du 23 février 2010), c’est- à-dire la rencontre fusionnelle entre la politique intérieure et la politique extérieure US, même sujet vu sous un autre angle que notre appréciation de la “forfaiture permanente”. Elle représente un foyer extrêmement vivace de délégitimation du gouvernement des USA. Le plus ironique est que cette situation est souvent appréciée par les chroniqueurs et les commentateurs comme le signe de la délégitimation du gouvernement mexicain. Ce jugement n’a guère lieu d’être dans la mesure où l’illégitimité du gouvernement mexicain est un fait acquis, notamment depuis 2006 et les conditions de l’élection du président Calderon. Tout se passe donc comme si les commentateurs observaient avec stupeur le développement de ce désordre mexicain, sans noter que ce désordre a son exact correspondant aux USA, même si sous une autre forme. Il s’agit moins des tueries qui passeraient ou non la frontière, mais simplement du fait que le “centre” washingtonien s’avère totalement impuissant à protéger les Etats de l’Union concernés, alors qu’il s’acharne, à des milliers de kilomètres de là, à tuer des civils afghans (si possible ses propres alliés) et à soutenir un gouvernement lancé dans une politique belliciste et oppressive, et dirigé par un paranoïaque insulteur. Il est difficile d’imaginer une situation de plus grande tension affectant directement la structure des USA où, bien entendu, la légitimité du gouvernement central US ne cesse de s’éroder.
Mis en ligne le 15 mars 2010 à 13H37