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1164Quelle mouche a piqué The Independent ? (On verra plus loin.) On a rapporté ici certaines appréciations d’un double débat télévisé entre deux dirigeants politiques britanniques, Clegg des libéraux démocrates et Farage du parti UKIP, pour développer une appréciation commentée sur le rôle de “l’UE ‘fauteur de guerre’” (voir le 4 avril 2014). Dans le cours de notre analyse, nous mentionnions que Farage avait déclaré qu’il considérait Poutine comme le meilleur dirigeant politique du monde actuellement. («Contrairement à l’habitude dans le cas de cette sorte de politiciens que représente Farage, les attaques ont porté quasi exclusivement sur la question de l’Ukraine parce que Farage a pris une position anti-UE qui le rapproche “objectivement” de Poutine, parce qu’il a reconnu à Poutine, tout aussi “objectivement”, c’est-à-dire sans épouser son parti, des qualités hors-pair de stratège politique.») Il a été attaqué avec une violence inouïe pour ce jugement concernant Poutine, de la façon la plus grossière et la plus stupide (un article du Guardian du 31 mars 2014 est particulièrement infâme à cet égard, assez pour montrer le zèle écrasant de ces étranges libéraux pour manier la propagande, la diffamation, le mensonge et tutti quanti).
Le cas a été jugé assez intéressant par The Independent, qui ne s’est pas non plus privé ce critiquer Farage, pour lancer une initiative intéressante, – un sondage auprès de ses lecteurs, selon la proposition suivante : “Le leader mondial favori de Farage est Poutine. Quel est le vôtre ?” Les résultats son époustouflants, qui devraient promettre à Farage un grand avenir politique. Le commentaire accompagnant ce sondage auprès de ses lecteurs était présentée par The Independent sous cette forme qui nous parlait des “yeux de l’amour” :
«Nigel Farage has announced that his favourite world leader is Putin. Yes, the same Putin who is helping Assad in Syria, and riding roughshod over international law to annex the Crimea. The Ukip man was quick to add that he didn’t necessarily agree with all of the “Russian bear’s” actions, but does find his style as an “operator” profoundly admirable. Beauty, we suppose, is in the eye of the beholder...»
• Nous avons été alerté à propos de ce sondage par un texte de Vineyard Saker, le 5 avril 2014, présenté avec ce commentaire soulignant l’incrédulité qu’on peut éprouver à voir un tel sondage qui présente, on va le comprendre, un tel risque (dito, par rapport aux habitudes de The Independent qui, concernant Poutine, valent bien celles du Guardian) : «Okay, I admit it, when I first saw this one I thought that this might be an April's Fool. Not because I disagree with the results, oh no, but because I am amazed that so many people in the UK (of all places!!!) would feel likewise. But this is for real. See for yourself...»
Suivaient les résultats, que nous limiterons à cinq dirigeants principaux qui nous intéressent (il y en a trois autres, qui font chacun 1% des voix) : David Cameron, 2% de votes favorables pour la désignation de “leader mondial préféré” ; Barack Obama, 4% ; Angela Merkel, 8% ; François Hollande, 1% ; Vladimir Poutine, 82%... Cela se passait dont le 5 avril 2014 à 16H33, dans un sondage mis en place le 1er 31 mars 2014. (Vineyard Saker pimente tout cela de commentaires sur la méthodologie du sondage, qui n’a rien de scientifique certes, mais qui l’un dans l’autre apparaît acceptable. La méthodologie scientifique des instituts établis constitue un moyen suffisamment éprouvé pour habiller du vernis de l’“objectivité” des orientations préférés à d’autres, pour qu’on accepte la simplicité de la méthode Independent, – lequel ne peut être soupçonné de chercher des “trucs” pour faire la promotion de Poutine ... Vineyard Saker : «Now, I understand that this is not a “scientific poll”, and that maybe some other “Putin groupie” besides me is out there clicking “Putin, Putin, Putin, Putin”, but somehow I doubt it. But even if there is such a Putin fanboy, this begs the question why there is no Cameron or Obama fanboy out there doing the same for his favorite leader. Either Putin does inspire a lot of people, or he inspires a few people a lot – something which the other leaders clearly don't.»)
• Nous avons consulté ce sondage à deux reprises (hier 7 avril à 17H00 et ce 8 avril 2014, à 05H00), étant obligés de voter pour avoir accès au résultat, – mais nous ne vous dirons pas pour qui, respectant en cela, selon notre devoir sacré, l’indépendance de la presse, la liberté de choix et le secret de l’isoloir. Nous avons retrouvé le sondage à sa place, avec quelques évolutions qui renforcent encore la tendance, et la confusion qui va avec : David Cameron, 2% ; Barack Obama, 3% ; Angela Merkel, 6% ; François Hollande, 1% ; Vladimir Poutine, 85% hier à 17H00, et les mêmes résultats sauf Poutine passant à 86% ce jour... (On admirera au moins l’admirable tenue, la stabilité des résultats du président français : lui ne bouge pas d’un seul pour cent tandis que les autres changent, sauf le Premier ministre de la perfide Albion, toujours prêt à tacler la France.)
On doit fermement espérer que The Independent ne sera pas accusé de fausser ces votes démocratiques, comme on ne s’est pas gêné de faire à l’encontre de la Russie lors du référendum de Crimée. Les 85%-86% de Poutine, ce n’est pas loin d’un pourcentage stalinien... (The Independent devenu stalinien en faveur de Poutine, voilà du surréalisme pure langue de bois.) A partir de ce constat, on peut, on doit même suivre la voie de l’analyse hypothétique. Selon ce qu’on sait de ce quotidien, qui s’est tant ému du goût de Farage pour Poutine, le résultat qui trône dans ses colonnes depuis le 31 mars ne doit pas le remplir de joie. (On reconnaîtra à The Independent qu’il n’a pas liquidé son sondage dès que l’écrasante supériorité de Poutine est apparue.) Notre hypothèse est donc que, s’il a lancé ce sondage, The Independent, c’est qu’il n’imaginait pas une seconde qu’il arriverait à ce résultat si radical qu’il en devient à la fois surréaliste, effrayant et symbolique. Cela correspond parfaitement à la schizophrénie générale régnant dans les élites-Système, qui, à notre sens, croient bien plus souvent qu’on ne l’imagine aux diverses narrative qu’elles développent, que ce soit celle de Syrie, celle de l’Ukraine ou celle de Poutine dans son rôle de Diable de service. Bien entendu, aucun enseignement ne sera tiré par The Independent de ce sondage, quant à la position qu’il entretient vis-à-vis de Poutine. Le jugement de nos élites suit la doctrine du big Now (voir le 29 janvier 2014), qui consiste aussi bien à se représenter la situation comme un immense présent, – ni passé, ni avenir, – et à oublier instantanément un élément de ce big Now qui ne correspond pas à la narrative en cours.
Cela n’empêche pas de s’interroger sur cette formidable popularité de Poutine surtout par rapport à l’extraordinaire inexistence des autres. (Plus encore que les 82%-85%-86% de Poutine, – en constante progression, – ce sont les 1%-6% répartis entre les principaux dirigeants du bloc BAO, notamment avec l’extraordinaire et formidable échec à donner la moindre popularité à Obama-Saint, malgré le formidable battage de communication qui l’accompagne en permanence, et qui a atteint un nouveau paroxysme en Europe avec sa visite de la fin mars.) Il est vrai que la très grande popularité internationale de Poutine est un fait rampant mais puissant, surtout sur l’internet, mais aussi dans certains occurrences du système de la communication plus exposées
• Pour ce dernier cas, on doit mentionner l’émission de Thierry Ardisson Salut les Terriens !, sur Canal +, notamment le 8 mars 2014 (voir aussi le 12 mars 2014, rapport de l’émission du site de Soral Egalité et Réconciliation) et le samedi 22 mars 2014, où Ardisson se montre très favorable à Poutine, sans qu’il soit vraiment nécessaire d’un “vent favorable” à Poutine qui reste hypothétique dans ce milieu, mais qui correspond d’ailleurs à certaines tendances connues du présentateur. L’essentiel, dans ce cas, est qu’Ardisson exprime aussi nettement son opinion.
• Pour ce qui est de la popularité de Poutine sur l’internet, particulièrement chez les jeunes, une interview de Pierre-Henri d’Argenson, qui traite des questions internationales à Science Po, dans Le Figaro du 7 mars 2014, est intéressante à consulter. D’Argenson y exprime notamment les deux avis suivant : «En réalité, ce qui est frappant dans les réactions à la crise ukrainienne, ce n'est pas tellement le nombre de témoignages “pro-russes”, mais plutôt le refus implicite de beaucoup de gens de se plier à l'injonction médiatique désignant la Russie de Poutine comme le camp du Mal. Il s'agit d'une révolte intellectuelle, qui relève d'une lame de fond de rejet de l'ordre idéologique régnant... [...] Dans l'inconscient collectif, Vladimir Poutine évoque un peu Louis XIV: c'est un monarque absolu, autoritaire, mais capable de protéger le peuple russe contre les puissants. Les médias “mainstream” ne comprennent pas cela. Quand Vladimir Poutine fait emprisonner l'oligarque Mikhaïl Khodorkovski, il rappelle Louis XIV faisant arrêter Fouquet. C'est arbitraire, mais le peuple y trouve son compte: si le roi peut renverser les puissants, c'est qu'il peut défendre les intérêts du peuple…»
Tout cela nous conduit au constat que le “cas Poutine” est perçu en profondeur, même si cela n’est pas réalisé pleinement, et pour des causes essentielles qui n’ont pas grand’chose à voir avec les crises en cours et la politique de la Russie, – même si l’on peut juger favorablement cette politique. Ce n’est pas non plus une question de vertu de l’homme (hypothétique, et secondaire), vertu qui se résume d’ailleurs dans le cadre-Système aux psalmodies sur les “valeurs” imposées par la police du Système, dont il est inutile de faire l’énumération. D’une façon élaborée parfois, d’une façon beaucoup plus diffuse sinon inconsciente le plus souvent, il y a la perception puissante que Poutine a une position politique, et par conséquent des politiques, qui s’accordent à une vision principielle, se référant à des principes, et l’un des plus puissants étant le fondement métahistorique de certaines entités dont la Russie principalement pour son compte. Il y a la perception d’un patriotisme principiel chez Poutine, – ce qui ne recouvre pas, encore une fois, une action vertueuse au sens postmoderne dont on connaît la subversion et l’inversion complètes, – qui n’a pas besoin d’accents pompeux mais qui donne une sensation de puissante structuration principielle. De ce point de vue, Poutine donne la sensation que sa position et sa politique ont un sens extrêmement structuré, et qu’il suit cette voie avec une fermeté remarquable ; de ce point de vue encore, il n’est pas perçu comme une créature de la communication, et encore moins certes de la communication-Système, mais comme un dirigeant qui utilise cette communication au service de son comportement et de ses buts. Tout cela est, bien entendu, en complet contraste, jusqu’au pathétique, avec l’inexistence de caractère et la transparence jusqu’à l’inexistence de la pensée des dirigeants du bloc BAO. De ce fait, ces jugements et réactions sont également, et principalement pour notre compte, effectivement (voir d'Argenson) un acte de révolte contre le Système. Finalement, Poutine sert de medium et de référence pour l’expression de l’acte de révolte antiSystème, mais selon une approche nullement sentimentale ou exacerbée, plutôt selon un fond rationnel qui répond à des explications d’une réelle profondeur par rapport antagoniste à la vérité de la situation au sein du bloc BAO. Tout cela indique un résultat remarquable de puissance, quand on songe à l’avalanche anti-Poutine de la presse-Système, mais là aussi l’excès, la surpuissance certes, finit par nuire radicalement à celui qui le produit jusqu’au résultat inverse, – avec l’autodestruction complétant la surpuissance...
Un point relativement nouveau dont il est encore difficile de distinguer les effets dans ces milieux pro-Poutine par révolte antiSystème autant que par goût inexprimé ou inconscient pour l’action principielle, c’est celui que nous identifions de plus en plus souvent de l’introduction de la dimension spirituelle dans la position russe en général (voir encore le 7 avril 2014). La nouveauté de l’hypothèse fait qu’elle ne donne pas encore tous ses effets, et qu’on peut donc très difficilement en apprécier l’importance. Mais c’est certainement l’élément potentiellement le plus important et, comme on l’a vu précédemment, Poutine, et surtout la Russie dans ce cas, figurent plus que jamais comme des références et des mediums pour concrétiser une tendance diffuse, cette fois d’une révolte non plus seulement contre une situation politico-culturelle, sociétale et psychologique (au sein du bloc BAO), mais contre toute une civilisation, et le Système par conséquent, pour son absence de sens et son absence de hauteur de l’esprit. On comprend aisément qu’il s’agit là de l’élément qui nous paraît le plus important, et il faudra suivre avec attention son développement, – c’est-à-dire l’effet qu’il va produire dans le domaine ultime de la contestation du Système, non plus en tant que prison politico-culturelle et pseudo-idéologique, mais en tant qu’expression d’une civilisation devenue contre-civilisation par une absence de sens qui devient insupportable pour la psychologie. Ces constats renvoient notamment à divers textes avec des références à Toynbee et à La Grâce d’l’Histoire, dont les plus récents sont ceux du 15 octobre 2013 et du 4 novembre 2013.
En conclusion, il ressort de tout cela, toujours par le biais indirect de la popularité de Poutine, le constat, ou la confirmation plutôt, d’une délégitimation catastrophique et insupportable des directions du bloc BAO. Il s’agit effectivement d’une catastrophe politique, d’un séisme politique qui s’étend sur la durée faute de pouvoir s’exprimer par des actions de révolte politique décisives, qui ne cesse de s’approfondir, et dont l’insupportabilité ne cesse pas (on ne s’habitue pas à l’insupportable) mais conduit la perspective au-delà de l’action de révolte politique, vers une situation radicalement nouvelle d’insupportabilité d’une civilisation toute entière, d’une existence collective inacceptable et qui ne peut plus être acceptée. Nous parlons là d’un cheminement psychologique qui n’st pas nécessairement identifié comme tel, et dont les effets impossibles à prévoir seront ainsi, nécessairement, beaucoup plus forts et radicaux.
Mis en ligne le 8 avril 2014 à 06H36
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