Misha à bout de bras

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Le sort de la Géorgie et, surtout, de son dirigeant, l’increvable Mikhaïl Misha Saakachvili, devrait constituer un sujet d’étude depuis la guerre d’août 2008 contre la Russie. Il y a également l’observation de l’évolution discrète mais significative de la politique étrangère de Saakachvili depuis cet épisode. Quelques observations obtenues de sources proches de la Commission européenne donnent un certain éclairage à ces diverses questions.

@PAYANT Ces sources observent que Saakachvili et son gouvernement tiennent le pouvoir, depuis la défaite géorgienne de ce même mois d’août 2008, uniquement grâce à l’aide de la Commission européenne, qui tourne autour d’un budget de €200 millions. «Ce budget, qui constitue l’aide allouée par la Commission à la Géorgie, sert en réalité à maintenir le gouvernement de Saakachvili en état de survie au sein du système, disent ces sources. En effet, on n’a pas assez remarqué combien le cas de Saakachvili est exceptionnel. Tout dirigeant ayant déclenché un tel désastre et ayant subi une telle défaite que celle d'août 2008, aurait dû être instantanément balayé. Saakachvili ne l’a pas été à cause de l’aide de la Commission, qui lui permet de tenir avec son gouvernement…»

Il en résulte que la représentation de la Commission européenne en Géorgie occupe une quasi-position de “vice-roi” en Géorgie. Cette position n’a pas été recherchée ni ne représente en elle-même une volonté politique. Elle est le produit de différents facteurs dont les effets se sont combinés : l’aide européenne en place et en cours, la position désespérée de Saakachvili après sa défaite et sous la pression agressive constante de la Russie, la complète disparition des Américains en tant qu’acteurs d’influence structurants depuis l’arrivée d’Obama. Sans que les représentants de la Commission n’aient rien eu à faire, Saakachvili a évolué de façon à se placer sous leur aile. Les délégations européennes n’ayant aucune orientation politique particulière et l’aide ne s’entendant que du strict point de vue économique et humanitaire, – quelle qu’en soit par ailleurs son utilisation politique par Saakachvili, – la situation s’est mise d’elle-même en place pour l’évolution qu’on voit se réaliser.

Cette évolution, comme cela se confirme, se résume, pour les relations avec les USA, à quelques visites à grand écho médiatique (Biden puis Clinton en neuf mois), sans réelles conséquences politiques. (Un article du 12 juillet 2010 de la Jamestown Foundation, – institut, financé dans ce sens, qui soutient à fond toutes les initiatives anti-russes des “révolutions de couleur”, ou ce qu’il en reste, – donne une bonne mesure de la position US vis-à-vis de la Géorgie, notamment à partir de précisions sur l’embargo effectif de fournitures d’armes US et israéliennes vers la Géorgie.) Ces visites (Biden-Clinton) n’ont en rien modifié l’évolution de Saakachvili dans le sens d’un éloignement affirmé de sa ligne pro-américaniste d’avant 2008. Saakachvili prend simplement la mesure de ses intérêts et de ses possibilités et admet que l’aide européenne est le seul pilier sur lequel il puisse s’appuyer. Le blocage du côté US, et l’antagonisme persistant avec la Russie, en même temps que la neutralité politique des institutions européennes, l’engagent à rechercher des voies politiques inédites. (Voir, dans cet autre article de la Jamestown Foundation, du 20 juillet 2010, le rapprochement de Saakachvili de la Biélorussie, et les détails sur les liens qu’est en train d’établir la Géorgie avec des pays comme le Mexique, le Brésil et le Venezuela, liens qui poursuivent la diversification de sa “ligne” politique.)

Les appréciations pompeuses sur les motifs des étonnantes variations politiques de Saakachvili ne doivent pas dissimuler sa véritable situation : établir le maximum de contacts pour survivre au niveau international, comme il survit au niveau national grâce à l’aide européenne. Les deux grands axes de la politique, – pro-US ou pro-Union européenne, – sont politiquement bloqués parce que les USA et l’UE privilégient d’une façon ou l’autre leurs relations avec la Russie. Du coup, Saakachvili tourne dans tous les sens, y compris dans des pays considérés par les USA (et par l’UE éventuellement) comme peu fréquentables ou comme “suspects”.

Que faut-il penser de la position des institutions européennes ? Stricto sensu, on dirait qu’elle est désastreuse puisqu’elle implique une aide importante sans réclamer de compensation dans une politique favorable à l’Europe. Mais, justement, qu’est-ce que cela, “une politique favorable à l’Europe” ? Cela existe-t-il, à part quelques exigences sur les droits de l’homme et sur la démocratie, ainsi qu’une méfiance traditionnelle (malgré des modifications de politique de ses membres) vis-à-vis de la Russie ? C’est-à-dire qu’“une politique favorable à l’Europe” serait, dans ce cas, bien plus désastreuse que celle que mène Saakachvili selon une recherche effrénée de ses intérêts et de sa survie politique.


Mis en ligne le 24 juillet 2010 à 06H09

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