Mission accomplie: bordel à l’Est

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Le sommet entre l’UE et la Russie se passait ce week-end à Khabarovsk, très loin à l’Est dans ce pays très grand, – on parle de la Russie, – ce qui éveilla bien des soupçons chez les Européens (veut-on nous impressionner?). Il se passa à peu près comme prévu: des résultats de peu d’intérêt, une mauvaise humeur considérable, une tension renforcée entre l’UE et la Russie et quelques promenades champêtres, col-sans-cravate comme il sied à la pensée postmoderne. L’UE est, à cet égard, absolument semblable à l’OTAN telle que nous avons essayé de décrire cette organisation dans son fonctionnement actuel, avec en plus pour l’UE un rôle plus important pour les institutions et pour certains Etats-membres aisément identifiables, – regardez plutôt à l’Est. Le résultat de son action est le désordre le plus complet, en même temps qu’une paralysie générale au niveau de la politique.

La dernière gâterie en date de l’UE, machinée le 7 mai à Prague, à l’initiative de la Tchéquie, est la décision concernant l’établissement du programme du partenariat oriental, avec les anciens pays de l’URSS. La chose est considérée, d’une façon générale, par les Russes qui ne se font plus guère d’illusion sur l’UE et sont conduits à regarder tous ses actes avec suspicion, comme une initiative déstabilisante, destinée à contrer la politique “de proximité” de la Russie vis-à-vis des pays de l’ancienne URSS; elle est cataloguée donc comme une initiative peu amicale, sinon “agressive” dans le style habituel de l’UE (“agressive” soft, façon-droits de l’homme et démocratie).

Les Russes, qui ne mâchent plus guère leurs mots désormais, ont dit, par la voix de Medvedev, tout le mal qu’ils pensent de cette initiative et, surtout, de l’action anti-russe de certains pays à l’intérieur de l’UE, qui relaient selon eux et effectivement le désordre à coloration anti-russe signalé plus haut, et qui l’activent en général dans des initiatives comme ce partenariat oriental. Ces pays agissent toujours de la même façon, avec les pressions et le soutien des divers réseaux hérités du désordre de l’époque Bush, – un maître en fait de création et de diffusion du désordre. (Il semblerait parfois que l’UE en soit encore à l’époque de Bush. On répétera cela.)

Le EUObserver du 24 mai 2009 nous dit quelques mots sur la réunion en question, – notamment avec ce passage accusateur de Medvedev sur les agitateurs au sein de l’UE, faisant écho aux paroles de Rogozine dénonçant des centres activistes au sein de l’OTAN.

«Russian President Dmitry Medvedev warned that the EU's new Eastern Partnership project to improve relations with six former-Soviet states risks enflaming political tensions. “I'll put it succinctly. We tried to convince ourselves [that the EU project is harmless] but in the end we couldn't,” he said, newswires report. “What worries us is that in some countries attempts are being made to exploit this structure as a partnership against Russia.”

»The Russian president said he had no intention of ratifying the Energy Charter Treaty, an EU-backed multilateral agreement on energy investment and transit rules which Moscow signed in 1994.

»He indicated that Ukraine's inability to pay for Russian gas could end up in a repetition of the transit problems that saw millions of EU consumers cut off in January. But he refused to give reassurances that Russia is taking steps to prevent another outage. “What for? There are no problems on our side. Everything is in order here,” said Mr Medvedev, considered to be the more open and liberal face of the Kremlin.»

En marge ou presque du sommet, et pour ajouter une touche exotique au désordre, il y a eu une sortie du président tchèque Vaclav Klaus (la Tchéquie assure actuellement la présidence de l’UE). Klaus est connu pour ses positions dont il s’assure avec persévérance qu’elles sont toutes perçues comme provocatrices; nous nous exécutons... Klaus est un ultra-libéral qui estime que la crise financière a éclaté parce qu’il y avait trop de régulations et d’interventionnisme public, il considère que la crise climatique est une blague doublée d’un complot. Il estime que la Commission européenne est une sorte d’imposture comploteuse dont l’ambition cachée est d’imposer une dictature supranationale sur les nations européennes. Klaus préfère les liens transatlantiques à l’Europe intégrée mais il est aussi russophile. Dans ce désordre bien à l’image de l’événement décrit ici, de l’Europe et du reste, se glisse une vérité ou l’autre, qui chagrine l’un ou l’autre partenaire de l’Est.

«The Russophile President Vaclav Klaus stayed on message at the summit, repeating the EU lines that Russia is a “strategic Partner” and that the Eastern Partnership “is not aimed against anybody.”

»But comments he made in Czech daily Lidove Noviny before the Khabarovsk meeting have caused anger inside the EU. “I don't see Russia as a threat but as a big, strong and ambitious country to which we must certainly pay more attention than to the likes of Estonia and Lithuania,” the paper quoted him as saying.

»The Estonian foreign ministry on Friday summoned the Czech ambassador in Tallinn to explain the remarks, AFP reports.“I believe I know President Klaus' words do not reflect the positions of the Czech people or the Czech government but I am surprised that such a regrettable phrase, which divides European countries into important and unimportant ones, were expressed by a Czech,” Estonian President Toomas Hendrik Ilves said.»

L’UE se trouve de plus en plus dans une étrange position, souvent comme dans une position de complet décalage par rapport aux réalités. En général ce n’est pas original mais dans son cas c’est voyant. Une source observait pour nous que la Commission paraît vivre, analyser, pontifier et trancher aujourd’hui comme si rien ne s’était passé depuis un an, ni la crise géorgienne, ni la crise financière, ni la présidence française, ni l’élection du président des Etats-Unis Barack Obama. Lors des débats internes pour l’établissement de la position de l’UE dans cette affaire (le sommet), il y eut notamment une intervention de haut niveau, d’un personnage du cabinet d’un des commissaires chargés des relations extérieures, dont le sens n’étonnera pas, pour considérer que les analyses type “feuille de route” envisagée pour définir la position de la Commission n’étaient pas assez dures avec les Russes. L’argument fut proclamé avec vigueur: plus de dureté avec les Russes “parce qu’il faut être solidaire des Américains! Il faut à tout prix protéger la solidarité avec les Américains!”. Par conséquent, solidarité avec les USA, dont on sait que cela signifie alignement sans broncher sur les susdits, signifiait dureté avec les Russes? Puisque, effectivement, les Américains sont si durs avec les Russes? Tout cela coule de source américaniste... Là-dessus, il fallut bien se rendre à l’évidence qu’un nouveau président US avait été élu, que sa politique était celle d’un accommodement avec les Russes, d’une tentative de bonne entente, d’une bonne compréhension, du refus de toute initiative gratuitement déstabilisantes. (L'alignement n'est plus ce qu'il était.)… On vous disait donc que l’Europe institutionnelle vit avec GW Bush toujours à la présidence. Désordre pour désordre, cela lui allait comme un gant.


Mis en ligne le 25 mai 2009 à 08H10