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5952• Un récit plein d’allant et de fougue sur le “coup” de Progojine. • Comme une enquête faite à partir d'nformations et de perceptions venues de meilleurs sources. • Tout cela dans un texte de l’inimitable diplomate indien M.K. Bhadrakumar.
L’aventure foldingue de Prigojine (*) donne des ailes à M.K. Bhadrakumar. Il a rarement été, – jamais à notre connaissance, – aussi plein d’envolées et d’ardeurs littéraires, contant le parcours de PMC Prigojine comme une sortie des pieds-nickelés chaloupant de bar louche en coups tordus. Pour lui, aucun doute :
• Prigojine est un pâle personnage qui s’est senti pousser des ailes en jouant la star médiatique, sans la moindre conscience de l’enjeu véritable des événements, ni la moindre conscience de la trahison commise, s’imaginant qu’il susciterait en Russie un soutien extérieur (population, armée) suffisant pour le porter au pouvoir.
• ...Car M.K. ne doute pas un instant que Prigojine visait la chute de Poutine, soutenu et manipulé par les ‘usual suspects’, – CIA et MI6.
• Si, une fois que l’aventure eut tourné court, la CIA a assuré qu’elle était au courant depuis longtemps mais qu’elle n’avait rien dit pour ne pas être injustement accusé par les Russes de manipuler un complot pour la chute de Poutine, – M.K. affirme, lui, être beaucoup plus sûr que le renseignement russe était au courant, mais qu’il a été chargé de laisser faire Prigojine tout en surveillant les préparatifs de son “coup”, Poutine lui-même se préparant à intervenir dans le sens où il l’a fait.
• M.K. juge que la performance de Poutine fut exceptionnelle, qu’il réussit à contrôler l’affaire de bout en bout en faisant le moins de dégâts possibles et que cette stature nouvelle aura ses effets dans sa volonté inflexible de faire évoluer la situation ukrainienne en faveur des intérêts russes, sans la moindre retenue sur le terrain de l’affrontement militaire.
« Dans ce cas, [Blinken] a des raisons de se sentir aigri, notamment du fait de l'unité spectaculaire de l'État russe, de l'élite politique, des médias, de la bureaucratie régionale et fédérale, ainsi que de l'establishment militaire et sécuritaire, qui se sont ralliés à Poutine. On peut dire que la stature politique de Poutine est désormais incontestable et inattaquable en Russie et que les Américains devront vivre avec cette réalité longtemps après le départ de Joe Biden. »
La vision de Bhadrakumar est un modèle d’argumentation et d’opérationnalité du “Sud Global”, avec la Russie de Poutine comme inspiratrice autant que combattante d’avant-garde contre le système de l’américanisme. Ce que M.K. supporte de moins en moins, on le comprend bien, c’est l’espèce non pas d’abêtissement, mais véritablement de “zombification” de l’Occident-séropositif considéré comme une monstruosité collective atteinte d’une irrémédiable dégénérescence intellectuelle et spirituelle. L’esprit contre lequel M.K. Bhadrakumar s’élève est celui du mensonge à tout prix et sans prix, engendré mécaniquement, comme l’on fait de matières fécales, sans s’occuper le moins du monde ni de logique, ni de cohérence, ni d’humanité de l’âme ; rien qu’une petite mécanique bien huilée qui démarre au coup de sifflet.
En veut-on exemple pour, si c’est nécessaire, relever d’un peu plus de sel encore le récit de MK. Bhadrakumar ? On le trouve dans ce titre et ce sous-titre du ‘Monde’, – inutile d’aller au-delà, le temps est trop précieux... L’on ne peut qu’y lire une appréciation définitivement critique, une condamnation sans retour de Poutine, – ce monstre sanglant qui ne tue pas, qui “évite les bains de sang” !, – , parce qu’il a évité un bain de sang face à la “rébellion de Wagner” ! (C’est beaucoup dire pour un Prigojine ayant rassemblé à peu près 10% de l’effectif.) Titre et sous-titre où l’on ne peut que percevoir une quasi-capitulation de Poutine par “affaiblissement de son autorité” dans le fait d’avoir obtenu la quasi-capitulation de Prigojine... Mais l’on s’arrête là devant l’épuisement de devoir poursuivre la description de cette infamie de leur simulacre qui pèse le poids d’un char ‘Leopard-2’ (ou ‘Abrams’) détruit par un sapeur russe qui passait par là...
« Rébellion de Wagner : Vladimir Poutine évite le bain de sang au prix d’un affaiblissement de son autorité
» Le président russe a dû composer avec Evgueni Prigojine, pourtant qualifié de “traître”, dans une Russie qu’il a présentée comme au bord de la “guerre civile”. »
On a donc compris que M.K. Bhadrakumar, le diplomate posé, mesuré, prudent, a été transformé en ‘M.K.’ l’enquêteur impitoyable par l’infamie de l’époque, armé d’une loupe et d’une plume assassine, et ne ménageant aucun jugement abrupt et méprisant. Cela nous donne un récit plein de feu et certainement nourri d’informations et de sources de très bon niveau, dominé par la conviction de l’auteur que les services anglo-saxons, qui croyaient tenir le bon bout pour faire tomber Poutine, ont été pistés, doublés et crucifiés par un FSB russe organisant dans l’ombre la chute de Prigojine.
Le texte original de M.K. Bhadrakumar, – sous le titre « FSB spooked the CIA on Prigozhin coup », se trouve sur son site ‘Punchline’, le 26 juin 2023.
(*) Note de PhG-Bis : « Une erreur dont je suis le seul coupable a installé la trahison au cœur de la rédaction, et nous a fait prendre “Prigojine” pour “Prigozine”. Les mesures d’urgence ont été prises et certains risquent de se retrouver en Biélorussie. Bref, chaque fois que nous écrivîmes “Prigozine”, il fallait lire “Prigojine”. Dont acte et ‘Mea Minima Culpa’.»
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CNN, suivi par le New York Times, a révélé dimanche que les services de renseignement américains et occidentaux étaient effectivement au courant de la tentative de coup d'État manquée de vendredi soir par Evgueni Prigojine, chef du groupe Wagner d'entrepreneurs militaires russes, « depuis un certain temps et qu'ils se préparaient à une telle action, notamment en rassemblant des armes et des munitions ».
Ce que nous ne savons pas, c'est à quel moment les services de renseignement russes en ont eu vent. Le Kremlin a agi avec force, détermination et clairvoyance en temps réel pour faire échouer la tentative de coup d'État dans les heures qui ont suivi. Dès le samedi soir, le chef du renseignement extérieur, Sergei Narichkine, a annoncé que la tentative de coup d'État avait échoué. Les autorités russes attendaient que Prigojine passe à l'action.
Il est tout à fait normal que les services de renseignement russes aient maintenu une forte présence à l'intérieur de la direction Wagner pendant toute la durée de l'opération. Bon sang, c'est une zone de guerre où se joue le destin de la Russie ! Les paroles de la célèbre chanson de Sting me reviennent à l'esprit :
« Chaque respiration que tu prends / Et chaque mouvement que tu fais / Chaque lien que tu brises / Chaque pas que tu fais / Je te surveillerai... »
Et le chœur chante alors :
« Oh, ne vois-tu pas / Que tu m'appartiens ? / Comme mon pauvre cœur souffre / À chaque pas que tu fais... »
Tout comme la CIA ou la plupart des organisations de renseignement, le FSB psychanalyse également les remarques de ses cibles pour y trouver des significations profondes. Il le fait régulièrement et dispose d'analystes formés à cet effet.
Il n'aurait pas échappé à l'attention des analystes du renseignement russe que les divagations de Prigojine à Donetsk, à l'automne et à l'hiver derniers, portaient à l'origine sur les aspects opérationnels du front de guerre Bakhmut dans l'oblast de Donetsk, mais qu'elles ont progressivement pris des accents politiques, pour culminer finalement dans son incroyable déclaration selon laquelle la raison d'être de l'opération militaire spéciale en Ukraine depuis février 2022 n'était que des balivernes.
Plus étrange encore, cet homme qui a été physiquement témoin de la bataille de Bakhmut est arrivé à la conclusion bizarre que Kiev ou l'OTAN n'avaient pas d'intentions malveillantes à l'égard du Donbass ou de la Russie.
Par conséquent, il est certain que les services de renseignement russes avaient pour instruction d'être en “mode écoute”, de laisser libre cours aux tourbillons dans la bataille de Bakhmut, où Wagner était aux commandes. (Il est intéressant de noter qu'à un moment donné, au grand dam de Prigojine, Moscou a également commencé à déployer des troupes régulières de manière sélective sur le front de Bakhmut aux côtés des combattants de Wagner. )
Samedi, les hauts responsables des services de renseignement américains se sont empressés d'informer les médias de leur connaissance lorsqu'il est apparu que les autorités russes attendaient littéralement avec une feuille de route pour faire échouer la tentative de coup d'État de Prigojine. Même la milice tchétchène a été mise en état d'alerte.
L'élément crucial de l'accord conclu avec Prigojine est qu'il ne sera pas poursuivi, mais qu'il devra simplement se faire oublier. Et où pourrait-on mieux organiser son exil sur la planète Terre qu'au Belarus, sous les yeux bienveillants du président Alexandre Loukachenko ?
Loukachenko, qui a du mal à garder longtemps des secrets, nous dira peut-être quand exactement M. Poutine l'a mis dans la confidence, sur la base de la “nécessité de savoir”. Il est difficile de croire qu'un accord aussi complexe ait pu être conclu en l'espace de quelques heures par le biais de négociations tripartites tortueuses entre Moscou, Minsk et Rostov-sur-le-Don, alors même que la colonne renégate de Wagner s'approchait de Moscou.
Il est intéressant de noter qu'au milieu de ce trafic intense, Loukachenko a également négocié avec Nurusultan Nazarbayev, l'ancien dictateur kazakh qui dirigeait un régime pro-occidental à Astana et qui a été chassé du pouvoir après avoir régné pendant près de trois décennies, à la suite de l'échec d'une tentative de coup d'État similaire à celle de Prigojine, soutenue par les États-Unis, au cours de l'hiver 2021-2022, qui a également été écrasée avec l'aide des forces de l'OTSC (troupes russes), dirigées par un général russe.
La veille, en effet, Poutine s'était entretenu avec deux dirigeants d'Asie centrale : le président kazakh Jomart Tokayev et le président ouzbek Shavkat Miromonovich Mirziyoyev. A-t-il partagé des informations cruciales ? En fait, ces deux pays ont récemment fait l'objet de complots occidentaux visant à changer de régime. Par ailleurs, compte tenu des préoccupations de Moscou en Ukraine, le président chinois Xi Jinping est intervenu pour jouer un rôle concret dans la consolidation de la stabilité et de la sécurité de la région d'Asie centrale. (Voir mes articles récents, – le 31 mai 2023, le 2 juin 2023 et le 4 juin 2023.)
Il est clair que quelque chose se préparait sérieusement au Kazakhstan, qui est pris en sandwich entre la Russie et la Chine et qui constitue le territoire le plus crucial en termes géopolitiques en Asie centrale.
Selon toute probabilité, c'est ce à quoi le secrétaire d'État américain Antony Blinken a fait allusion lorsqu'il a déclaré dimanche à ABC que la situation concernant la tentative de coup d'État en Russie « évolue encore... Je ne veux pas spéculer, et je ne pense pas que nous ayons assisté à l'épisode final ». Cela dit, Blinken s'est toujours trompé dans ses évaluations sur la Russie, qu'il s'agisse du coup mortel que les « sanctions d’enfer » devaient porter à l'économie russe, de la mainmise de M. Poutine sur le pouvoir, de la défaite catastrophique de la Russie en Ukraine, des déficiences de l'armée russe, de l'inexorable victoire militaire de Kiev, et ainsi de suite.
Dans ce cas, il a des raisons de se sentir aigri, notamment du fait de l'unité spectaculaire de l'État russe, de l'élite politique, des médias, de la bureaucratie régionale et fédérale, ainsi que de l'establishment militaire et sécuritaire, qui se sont ralliés à Poutine. On peut dire que la stature politique de Poutine est désormais incontestable et inattaquable en Russie et que les Américains devront vivre avec cette réalité longtemps après le départ de Joe Biden.
Le Kremlin a adopté une stratégie très réfléchie. D'après les informations disponibles à ce jour, elle comporte les cinq éléments clés suivants :
1. La priorité absolue est d'éviter l'effusion de sang afin que la vie continue et que l'attention portée à la guerre en Ukraine, qui est à un point critique, n'en pâtisse pas ;
2. Dans l'immédiat, faire en sorte que les quelques combattants renégats de Wagner et Prigojine quittent Rostov-sur-le-Don et retournent dans leurs camps à Lougansk ;
3. Séparer cliniquement Prigojine du reste du groupe Wagner (en fait, aucun commandant ou officier de Wagner n'a rejoint sa révolte) ;
4. Offrir l'immunité à l'ensemble du groupe Wagner, – à l'exception des participants au coup d'État, bien entendu, – et faciliter leur intégration formelle au sein du ministère de la défense. En d'autres termes, la logique qui sous-tend la création du groupe Wagner par le ministère de la défense (et une agence de sécurité interne top secrète dont le nom n'a pas été révélé) reste valable. Il ne s'agira plus d'une force quasi-étatique mais elle aura un domicile et un nom et sera dirigée par des commandants militaires professionnels désignés au lieu de chasseurs de fortune en roue libre comme Prigojine).
5. Faire partir Prigojine pour la Biélorussie, ce qui n'a pas été difficile une fois qu'il a compris qu'il devait demander la clémence de nul autre que Poutine (qui a accepté que l'oligarque se rende en toute sécurité en Biélorussie).
Le dernier élément est tout à fait fascinant. Le Kremlin est extrêmement irrité par le comportement séditieux de Prigojine, mais il est également conscient, – probablement sur la base de renseignements, – qu'il a été manipulé par les puissances occidentales. Bien entendu, il y aura un prix à payer. Prigojine ne retrouvera jamais son statut d'oligarque à la fortune personnelle de 1,2 milliard de dollars, ni le style de vie fabuleux qu'il menait.
Mais au moins, cet oligarque de 62 ans est épargné par une éventuelle peine de prison de vingt ans. Cette situation est à rapprocher de la manière dont Poutine traite les oligarques en général. (Lire mon article ‘The Rise and fall of a Russian oligarch’).
Ne vous y trompez pas, Loukachenko finira par faire chanter Prigojine, – tôt ou tard – et la chanson sera transmise en direct au Kremlin. C'est ce qui explique la grande nervosité de Washington, qui a brandi le spectre de la guerre nucléaire, etc. pour détourner l'attention du complot de la CIA visant à déstabiliser la Russie. L'irrésistible ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, parle d'un « courant de conscience turbulent ».
Bien sûr, maintenant que le complot CIA-MI6-Prigojine a échoué, de nouvelles narrative occidentales naîtront de ses débris, comme autant de phénix de leurs cendres. Et les cellules dormantes des États-Unis à l'étranger, y compris dans les médias indiens, répéteront ces narrative.
Mais pas pour longtemps. Car ce qui nous attend, c'est la manifestation de la détermination inébranlable du Kremlin, – et de Poutine lui-même, – à rechercher une solution militaire à la crise ukrainienne. La semaine dernière, Poutine a déclaré, – très probablement en prévision de la tempête qui se prépare à l'horizon –que la guerre sera terminée lorsqu'il ne restera plus aucune armée ukrainienne sur le champ de bataille, ni aucune arme de l'OTAN.
Lisez la transcription officielle d'une vidéoconférence que Poutine a tenue jeudi dernier, juste avant la tentative de coup d'État de Prigojine, avec le quorum complet du Conseil de sécurité (le “Politburo” de la Russie post-soviétique), qui donne une idée de l'état d'esprit qui règne au Kremlin et fournit quelques indices sur ce à quoi il faut s'attendre sur les champs de bataille de l'Ukraine, à l'avenir. Il s'agit d'un signal fort adressé à l'avance à l’“Occident collectif” pour lui signifier que rien ne sera oublié.
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