Moby Dick a frappé : le Japon après la Hollande

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L’alliance avec les USA, avec la complaisance et la servilité pour le Pentagone (Moby Dick) qui en sont la marque principale, est un jeu désormais à hauts risques. Quatre mois après le gouvernement hollandais, le Premier ministre japonais a démissionné à cause d’une obligation de cette “belle et bonne alliance”.

Le Guardian de ce 2 juin 2010 rapporte la nouvelle.

«The Japanese prime minister, Yukio Hatoyama, is to resign, he said today. He said that ruling party kingpin Ichiro Ozawa would also resign from the party's No 2 post.

»Japanese public broadcaster NHK said this morning that Hatoyama had told party executives of his intention to step down, to take responsibility over his broken campaign promise to move a US marine base off the southern island of Okinawa.

»The embattled prime minister has faced growing pressure from within his own party to resign ahead of forthcoming elections in July…»

• Quelques heures avant que la nouvelle de la démission de Hayatowa ait été connue, le Pentagone rappelait les obligations du Japon à propos de la base du Marine Corps à Okinawa, la cause même de la chute de Hayatowa dont la popularité est passée de 72% à 17% en neuf mois à cause de ses concessions dans ce dossier. Selon AFP, repris par SpaceWar.com le 1er juin 2010 :

«The Pentagon said Tuesday it expects a recent accord that keeps a controversial US military base on Okinawa to be honored even if Japan's unpopular Prime Minister Yukio Hatoyama resigns.

"This is an agreement between governments, not between politicians," Pentagon press secretary Geoff Morrell told reporters. “We expect agreements to be respected... that whoever is in power will respect the agreements that have been forged by previous administrations,” he added. […]

AFP cite un “officiel” du Pentagone, faisant montre d’un sens aigu de la diplomatie et annonçant qu’il importe de convaincre l’excellent peuple japonais de tous les avantages de l’arrangement que le futur gouvernement japonais devra appliquer : «“It is clear to us as it has been from the outset... that there is a lot of work that we have to do, that the government of Japan has to do, to sell this agreement, sell this understanding, sell this runway construction project and to address the legitimate concerns that the people of Okinawa have,” said the official, who spoke on condition of anonymity.»

Notre commentaire

@PAYANT L’alliance avec les USA consiste en réalité à faire partie d’une structure générale qui est principalement sous l’influence directe et la manipulation du Pentagone, la principale bureaucratie génératrice de la puissance US sous la forme de bases, d’aides militaires et d’obligation d’achats de matériels militaires US, etc. L’affaiblissement considérable de la dynamique de la puissance US, les crises à répétition engendrées par cet affaiblissement, conduisent d’abord à une déstabilisation de ce tissu de servilités diverses, conduisant à plus long terme à une déstructuration de l’ensemble. Le Japon est touché par ce processus, après la Hollande il y a quatre mois, lorsque le gouvernement est tombé à cause de son engagement en Afghanistan justifié pour le principal par son alliance US et les pressions qu’exerce cette alliance au travers de l’OTAN.

Pour le cas du Japon, il s’agit des bases US dans le pays, essentiellement à Okinawa. Le Premier ministre Yukio Hatoyama, victorieux des élections il y a un peu moins d’un an, avait inscrit cette question des bases US et de l’éventuel aménagement de leur statut à son programme, mais c’était évidemment loin d’en être l’essentiel. Il a été conduit à la démission parce qu’il a capitulé sous les pressions US, se disant brusquement convaincu il y a quelques jours de l’utilité, voire plus encore, de la nécessité stratégique fondamentale de ces bases dans le contexte stratégique de la région Pacifique-Asie. Sa démission est à cet égard assez curieuse après tout, si l’on joue ce piètre jeu de prendre les apparences pour du comptant. S’affirmant soudain convaincu de la formidable importance de l’enjeu, il laisse, en démissionnant, cet enjeu à l’incertitude d’un nouveau gouvernement et d’élections partielles en juillet prochain. Hatoyama n’a guère le sens de l’Etat et des “nécessités stratégiques” de la liberté des démocraties que les bases US défendent avec tant de succès.

Il faut bien entendu avoir à l’esprit que l’alliance avec les USA n’est pas une situation où l’on transige. Hatoyama s’est révélé comme un homme qui croit au compromis, et qui croyait qu’un compromis serait effectivement accepté par le Pentagone. Ce n’est pas le cas. De l’autre côté, du point de vue de la population japonaise, il s’est avéré également qu’on n’acceptait aucun compromis. La conséquence est que le Japon, comme la Hollande à sa façon, est entré dans une crise politique qui est en général expliquée de diverses manières, mais dont l’essence même est son “alliance” avec les USA. Le cas hollandais est similaire, là aussi quelles que soient les explications données, – comme on a pu le voir avec le vote du Parlement hollandais hostile en substance à l’achat de l’avion de combat JSF, ce qui est mettre en cause d’une façon indirecte l’alliance avec les USA.

Le problème dans ces divers cas, effectivement, est qu’il est en général impossible de présenter les enjeux pour ce qu’ils sont. L’“alliance” avec les USA dans sa véritable forme est en général noyée dans des considérations et des complications qui en dissimulent la véritable substance, – et c’est d’ailleurs, il faut l’observer, ce qui a fait le succès et la durée du système, durant plus d’un demi-siècle. Mais on se trouve aujourd’hui dans une situation générale de rupture, à cause de la crise systémique générale et à cause de la crise US en particulier, et des crises spécifiques des pays-vassaux concernés. Le résultat est que la réalité des liens unissant ces pays aux USA apparaît de plus en plus clairement jusqu’à de probables tensions qui, à leur tour, ont tout pour devenir explosives.

Aucun des cas envisagés n’est réglé, que ce soit celui de la Hollande ou celui du Japon. Au contraire, ces pays sont paralysés et les problèmes posés par l’alliance US vont devenir de plus en plus sensibles. Même les bureaucrates du Pentagone le réalisent, comme le montre la déclaration de l’“officiel” du Pentagone cité. Mais, en un sens, le Pentagone est aussi prisonnier de ses “alliances” que les pays-vassaux. Il est enfermé dans la nécessité de l’intransigeance par les impératifs de cohésion interne du système, les exigences des composants du système, les divers centres de pouvoir cohabitant au sein du Pentagone, les pressions du système de la communication qui vont toujours vers l’extrémisme et ainsi de suite. Même si les déclarations de l’“officiel” montrent que le Pentagone a compris qu’il y a un problème, il n’en ressort pas moins que la seule possibilité de le régler est que la population japonaise soit “éduquée” en sorte qu’elle comprenne qu’il est nécessaire qu’elle continue à supporter la présence les bases US, en plus avec des sourires de remerciement. De même le Pentagone expliquera-t-il au futur nouveau gouvernement hollandais que sa tâche principale est d’expliquer à la population hollandaise que l’achat du JSF est nécessaire.

Le problème est évidemment que toutes ces démarches ne débouchent plus que sur des blocages, des crises à répétition, des remous populaires, voire des refus des populations, à cause des situations diverses de crise. Désormais, l’“alliance” US n’est plus productrice que de crises dans les pays-vassaux. Le processus va donc continuer avec l’accroissement et l’aggravation de ces crises jusqu’à des situations spécifiques de rupture.


Mis en lugne le 2 juin 2010 à 11H15