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400Washington se débat dans l’imbroglio du déficit, de la dette, des propositions et contre-propositions entre Obama et la majorité républicaine de la Chambre, disons comme un matche de tennis ou de ping-pong. Le dernier échange majeur s’est fait entre le député républicain Paul Ryan, avec sa proposition de réduction du déficit du budget US de $4.400 milliards sur 10 ans, et le président Barack Obama, avec sa contre-proposition de réduction de $4.000 pour les mêmes dix années.
Le plan Ryan est concentré, comme à l’habitude pour les républicains, sur une réduction des dépenses sociales (Medicare et Medicaid), mais protège les dépenses de défense et les impôts réduits des plus riches. Le plan d’Obama, lui, inclut une augmentation d’impôts des plus riches et des réductions des dépenses de défense. Il y aura débat, il y aura affrontement, il y aura désordre et plus ou moins nécessité d’une sorte de compromis… C’est la version optimiste (car l’idée de compromis, aujourd’hui à Washington,, est plutôt du domaine de l’idéal). A partir de là, les commentaires apprécient qu’il faudra bien que chacun des adversaires lâche sur quelque chose ; pour Obama, ce sera les dépenses sociales, pour les républicains le choix est entre les impôts des riches et les dépenses du Pentagone.
Joe Anselmo, de Aviation Week & Space Technology/Ares fait un commentaire à partir de certaines informations qu’il a recueillies, ce 18 avril 2011. Bien entendu, l’essentiel de son propos concerne les dépenses de défense. Il note :
«If the debate stays within those two goal posts, the outcome should be manageable for defense contractors. Bernstein Research analyst Douglas S. Harned notes that even if Obama’s $400 billion cut prevails, it would be spread over a dozen years. The result, Harned calculates, is that the baseline defense budget would decline by about 0.5% a year after adjusting for inflation. That’s hardly draconian, and much lower than the deep cuts in military spending seen in the U.K.»
Voilà pour l’appréciation optimiste (du point de vue conformiste de l’establishment, qui désire que le Pentagone conserve à peu près ses capacités budgétaires actuelles)… Vient ensuite le bémol, et qui pourrait s’avérer de taille. Anselmo le développe dans le reste de son commentaire.
«The danger, however, is that as lawmakers on Capitol Hill finally get serious about deficit reduction, weapons platforms could be targeted for even deeper cuts. Rep. Barney Frank (D-Mass.) is part of an odd bipartisan cadre of liberal Democrats and fringe Republicans that wants to slash security spending by nearly $1 trillion during the next decade. Not long ago, that idea was greeted with laughter. But Obama’s new proposal has emboldened them. “Six months ago we weren’t even in the ball game,” Frank tells Aviation Week’s Jen DiMascio. “We’re going to keep it up.”
»Frank and his allies point to the huge increase in U.S. defense spending during the past decade. There has been a lot of hand-wringing in the U.S. about China’s new military capabilities, although by some estimates the proportional gap between U.S. and Chinese defense spending has actually widened since 2000, as it has with the rest of the world. “Washington is tired of defense,” says Lazard Capital Markets analyst Michael S. Lewis. “The negative sentiment against defense is the highest I’ve seen on the Hill in 10 years.”
»And therein lays the danger. Lewis believes the programs most vulnerable to attack are big-ticket items, including shipbuilding, fighter aircraft such as the Lockheed Martin F-35, and electronics. “If you see much more of a cutback, it’s going to make it very difficult for defense contractors to generate organic growth,” he says.
»But reaching an agreement to bring the deficit under control will require a grand compromise between Republicans and Democrats. A key question is whether Republicans will yield on their opposition to raising taxes. Late last year, they exacerbated the deficit crisis by forcing Obama to agree to extend tax cuts that were set to expire. Now Ryan and his colleagues could be forced to make a choice: protect funding for the military or the wealthy from higher taxes. Things are starting to get interesting.»
Il est à noter que ces déclarations et commentaires, surtout venus du côté de Barney Frank, qui est associé avec Ron Paul pour former un groupe de réformistes radicaux plaidant pour des réductions importantes du budget de la défense, rejoignent dans l’esprit un article de Gareth Porter publié ce 21 avril 2011 sur Antiwar.com. Porter analyse les propositions d’Obama et ne leur accorde aucun crédit réel dans le sens du réformisme et de réductions sévères, un peu comme le laisse entendre Anselmo. Mais lui aussi confirme le bémol, en précisant que l’opportunité de prolongements intéressants est offerte par la décision d’Obama de procéder à une “revue générale” des programmes (du Pentagone) en cours pour déterminer où des réductions pourraient être effectuées… Porter écrit ainsi, à la fin de son texte
«The “fundamental review” that Obama says will be carried out with the Pentagon and military bureaucracies will be yet another chapter in this larger maneuver. It’s safe bet that, in the end, Gates will reach into his bag of accounting tricks again for most of the desired total.
»Despite the inherently deceptive character of Obama’s call for the review, it has a positive side: it gives critics of the national security state an opportunity to point out that such a review should be carried out by a panel of independent military budget analysts who have no financial stake in the outcome – unlike the officials of the national security state.
»Such an independent panel could come up with a list of all the military missions and capabilities that don’t make the American people more secure or even make them less secure, as well as those for which funding should be reduced substantially because of technological and other changes. It could also estimate how much overall projected military spending should be reduced, without regard to what would be acceptable to the Pentagon or a majority in Congress.
»The panel would not require White House or Congressional approval. It could be convened by a private organization or, better yet, by a group of concerned Members of Congress. They could use its data and conclusions as the basis for creating a legislative alternative to existing U.S. national security policy, perhaps in the form of a joint resolution. That would give millions of Americans who now feel that nothing can be done about endless U.S. wars and the national security state’s grip on budgetary resources something to rally behind.
»Three convergent political forces are contributing to the eventual weakening of the national security state: the growing popular opposition to a failed war, public support for shifting spending priorities from the national security sector to the domestic economy and pressure for deficit and debt reduction. But in the absence of concerted citizen action, it could take several years to see decisive results. Seizing the opportunity for an independent review of military missions and spending would certainly speed up that process.»
Dans l’imbroglio fantastique qu’est aujourd’hui l’univers budgétaire du gouvernement à Washington, avec des dépenses colossales (surtout lorsqu’il s’agit du Pentagone) et une dette hyper-colossale, des partis et des fractions rangés dans le plus grand désordre et selon des références antagonistes, un très solide mouvement de réduction des dépenses à côté de l’habituel soutien aux dépenses militaires sans limite, l’épisode actuel ouvre une opportunité dans la mesure où il ajoute encore au désordre. En effet, proposer dans le chef de BHO des réductions budgétaires de ce volume ($4.000 milliards sur 10 ans), à confronter avec un plan républicain qui envisage un volume proche mais une répartition complètement différente, tout cela avec un volet consacré au Pentagone en même temps qu’une directive de passer “en revue” au moins tous les grands programmes du même Pentagone, voilà qui présage du sport ; dans ce désordre, cette dernière directive représente, comme le sentent bien autant un Frank qu’un Porter une porte entr’ouverte dans l’interstice de laquelle on peut glisser un pied et commencer à exercer une pression pour obliger à grandir l’ouverture.
Comme le voit bien Anselmo sous l’inspiration des déclarations de Barney Frank, ce qui importe est bien que des enjeux sont mis “sur la table” et qu’ils sont ainsi officiellement offerts à la critique. Comme ces enjeux sont les grands programmes du Pentagone, représentant des sommes considérables, il s’agit d’un espace également considérable où peut s’exercer le zèle réductionniste de certains réformateurs, et à propos duquel peut se former une coalition de facto entre les adversaires du Pentagone et de ses folles dépenses (le démocrate de gauche Frank, mais aussi Ron Paul à l’extrême droite) et les partisans de réductions radicales des dépenses publiques (beaucoup de parlementaires républicains sont dans ce cas).
Moby Dick (le Pentagone) est-il menacé ? Pas directement, parce qu’il bénéficie de nombreuses protections et d’une extraordinaire tendance conformiste imposée par le Système en faveur du bellicisme. Indirectement, par contre, oui, Moby Dick est menacé, parce que le débat budgétaire a introduit un désordre considérable à Washington, où des forces diverses se trouvent engagées dans des batailles aux effets insaisissables et incontrôlables… De ce point de vue, Moby Dick a perdu sa “garde prétorienne” qui impliquait un rassemblement automatique des forces représentatives du Système pour empêcher toute tentative sérieuse contre lui. Aujourd’hui, le désordre est trop grand pour de tels rassemblements, et la “garde prétorienne” tend à se disperser en groupements ayant chacun leurs propres intérêts à défendre. Situation insaisissable et bien incertaine.
Mis en ligne le 21 avril 20911 à 10H58