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385Un cachalot mythique de la taille du monstrueux Moby Dick craint-il les ouragans ? Et lorsque l’ouragan nous est annoncé comme un perfect storm ? Tout le monde à Washington ne bruisse que de cela, mêmes le frontières idéologiques et partisanes s’effacent, – il faut dire, d’autant plus aisément lorsque c’est entre deux originaux, comme Barney Frank et Ron Paul.
Bien, il s’agit du conflit titanesque entre le déficit abyssal du budget de l’administration et le budget pharaonique de Moby Dick (alias le Pentagone). Lequel cédera ? On lit, dans Ouverture libre, ce même 16 juillet 2010, quelques éléments du président de l’association National Defense, une association de poids, un lobby important, regroupant les industriels de la défense. Et Lawrence P. Farrell, Jr., ne cache pas qu’on ne peut plus éviter l’ouragan.
Désormais, à Washington, la question du “déficit abyssal du budget” (de l’administration) est considérée comme une matière de sécurité nationale, c’est-à-dire que le Pentagone ne peut plus se déclarer off limits de la logique budgétaire puisque cette logique budgétaire est au même rang des priorités, – le premier, – que le Pentagone lui-même. Ce n’est pas la première fois que cette possibilité est évoquée mais il faut admettre que la tendance est aujourd’hui d’une force absolument sans précédent. Il faut dire aussi que le déficit du budget fédéral est d’une importance sans précédent, qui défie la comptabilité habituelle, et que les dépenses du Pentagone, dans une si large mesure improductives et de pur gaspillage, le sont également. Il y a suffisamment d’autres signes pour nous convaincre que la chose est sérieuse, notamment l’agitation au Congrès, avec cette amorce très remarquable d’une coalition bipartisane, menée par une doublette Frank-Paul extrêmement dynamique et roborative.
L’intervention de l’article cité, dans The National Defense, est également un signe très sérieux. Le magazine est une publication de la NDIA, qui se définit ainsi : «The National Defense Industrial Association (NDIA) is America’s leading Defense Industry association promoting national security.» Cela signifie que les industries de défense US ont elles-mêmes la pleine conscience que la crise est absolument inévitable et qu’il va falloir l’affronter, et qu'il va falloir composer. L’article du président de NDIA est suffisamment explicite. Il montre que les industries de défense ont conscience qu’elles vont devoir accepter des réductions, faire des sacrifices, parce que l’enjeu est aujourd’hui irrésistible, parce que la question du budget fédéral est effectivement une question de sécurité nationale qu’il est désormais impossible de laisser de côté, parce que de toutes les façons l'état d'esprit général (notamment chez les républicains, d"habitude soutiens d'une défense très forte) est largement hostile aux dépenses publiques. Par conséquent, confirmation du sérieux absolument dévastateur du dilemme.
Mais alors, dirait-on, puisque tout le monde est d’accord, – puisque Gates, de son côté, ne cesse de répéter qu’il faut songer à réduire le budget, – tout devrait se faire d’une façon assez ordonnée. C’est mal connaître Washington ou vouloir ne rien connaître à Washington, – cela, pour les admirateurs inconditionnels des USA, comme il en pullule aujourd’hui dans les salons parisiens. Tout le monde est d’accord mais chacun l’est à sa façon, en impliquant que ses propres intérêts ne seront pas touchés et que c’est aux autres à faire les efforts requis. La parcellisation et l’atomisation du pouvoir à Washington conduit à cette sorte de situation. En d’autres termes, tout le monde est maintenant d’accord pour reconnaître qu’il faut faire quelque chose de radical, et très vite, mais personne n’est vraiment d’accord sur ce “quelque chose” à faire puisque chacun tend à s'exempter autant que faire se peut de cet effort. Par exemple, pour prendre l’exemple fameux que tout le monde connaît, Lockheed Martin souscrit évidemment à cette thèse du grand danger de la situation et de la nécessité de mesures radicales de réduction; mais il ajoute que, bien entendu, le JSF/F-35, programme essentiel à la sécurité nationale, doit absolument échapper à cette vague de réduction à cause de son importance pour la sécurité nationale du pays, et qu'il doit continuer à être financé à hauteur de ce qui a été prévu.
Lawrence P. Farrell, Jr. annonce pour décembre les premiers débats et les premiers affrontements. Le Congrès aurait du rendre un budget amendé pour l’année fiscale 2010 le 1er octobre 2010, mais ce budget aura au moins deux mois de retard, ce qui nous conduit à décembre 2010 effectivement. Comprendra-t-il déjà, ce budget, l’un ou l’autre aménagement amorçant des réductions importantes du budget du Pentagone ? C’est possible. On se trouvera alors devant la perspective de la nouvelle situation du Congrès après les élections midterms et l’on saura comme a évolué le projet de rassemblement bipartisan Frank-Paul. C’est-à-dire que, de toutes parts, on commencera à se compter.
Mis en ligne le 16 juillet 2010 à 11H40