Mode d'emploi : Comment se ferait une éventuelle réconciliation USA-Allemagne, — «Germany's fence menders at work», par Viola Herms Drath

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Mode d'emploi : Comment se ferait une éventuelle réconciliation USA-Allemagne, — « Germany's fence menders at work », par Viola Herms Drath


Ce texte doit être considéré avec le plus grand intérêt, comme un de ces textes à plusieurs clés, à plusieurs étages, un de ces textes qu'il faut lire entre les lignes pour bien le comprendre, comme il fallait, in illo tempore, pour tout bon communiste et autre “idiot utile”, savoir lire la Pravda entre les paragraphes (lecture assommante jusqu'au troisième paragraphe, intéressante à partir du 4e car c'est dans celui-là que le Parti glisse ses consignes). En effet, ce texte est archétypique de la façon dont fonctionne l'“empire” avec ses vassaux, par l'intermédiaire de ses relais indispensables, dans la presse ou ailleurs. D'autre part, il nous donne une bonne indication de la position de Schröder par rapport à Washington, dans la perspective de sa “brouille” depuis la campagne électorale où le chancelier a pris violemment position contre la politique irakienne de GW.

Il s'agit d'un texte paru dans le Washington Times du 10 octobre, de Viola Herms Drath, sous le titre évocateur de « Germany's fence menders at work ». Le thème est : comment réconcilier le chancelier Schröder avec le Centre, moyennant au bout du compte, précise Herms Drath non sans le sens des nuances, un « personal amends without kowtowing », — que nous traduirions, si l'on comprend bien, par une équivalence du genre de “acte de contrition personnel sans nécessité de s'humilier”. Ce dernier point retiendra à nouveau notre attention, un peu plus loin, tant il éclaire l'extraordinaire psychologie aujourd'hui en action dans les milieux dirigeants de la Grande République de GW.

Viola Herms Drath, qui publie régulièrement dans le Washington Times, est identifiée comme à la fin de son article comme « a trustee and member of the executive committee of the National Committee on American Foreign Policy ». Elle est aussi correspondante diplomatique du Handelsblatt et membre influente de la GABA, ou German-Ameriucan Business Association. (La GABA, fondée en 1990, comprend des membres allemands et américains, — parmi ces derniers, nombre d'anciens généraux qui commandèrent l'U.S. Army en Europe, au quartier-général d'Heidelberg. Il s'agit d'un groupe de pression germano-américain, orienté vers les échanges commerciaux et industriels et politiquement très conservateurs et de tendance atlantiste.) Pour résumer, on dira que la personne et son curiculum vitae sont exemplaires des relais existant pour les contact officieux entre Washington et ces “alliés” qui lui sont particulièrement obligés. VFD (pour faire bref) peut parler (écrire) en répercutant l'opinion et les préoccupations de milieux, essentiellement d'affaires, particulièrement soucieux que les liens entre les USA et l'Allemagne se poursuivent comme ils ont existé depuis 1945-48.

Ci-dessous, on résume ce que dit l'article de VFD concernant les conditions, la marche à suivre, le “mode d'emploi” d'une éventuelle réconciliation Schröder-GW.

• Il y, depuis la fin septembre, un mobilisation d'Allemands de tous bords en visite à washington pour remettre en selle les relations germano-américaines. (« Few people may have noticed the invasion of high- powered German politicians of all stripes and colors », — ceci à Washington, bien sûr.)

• La prochaine possible visite de Joshka Fischer est annoncée comme un événement important pour couronner cette offensive de réconciliation. Fischer a montré dans le passé des dispositions très grandes pour cette sorte d'activité ; ses rapports avec Madeleine Albright, notamment pendant la guerre du Kosovo, ont stupéfait certains de ses collègues européens par sa capacité de souplesse et d'accommodement devant les exigences US. Pourtant, depuis la publication de cet article, rien de nouveau dans le sens espéré par VFD sur le front des activités de Fischer.

• Il y a peu de différences entre l'Allemagne et les USA sur l'évaluation qui est faite de la menace posée par Saddam, et les Allemands trouveraient injuste d'être mis à l'index comme ils le sont. (« While the debate about the merits and demerits of the use of force in a pre-emptive first strike against the menacing dictator of Iraq and its internationally precedent-setting consequences are under discussion in Congress and the United Nations, the Germans find it unfair to be singled out as ingrates for taking a position shared by other nations. »)

• VFD va jusqu'à admettre que les Américains portent bien des responsabilités dans cette affaire ; elle rappelle que, dans ses rapports avec ses vassaux, Washington doit tout de même laisser à ceux-ci une certaine liberté ; Washington doit montrer « an enlightened multilateralism » et laisser à ses vassaux la jouissance d'un «  reasonable national self-interest », ce qui serait une sorte de “souveraineté limitée” à-la-Brejnev revue par GW : « Clearly, Washington has been overreacting. Even a superpower would benefit from an enlightened multilateralism. What is meant by this is a nothing less than a tolerance of reasonable national self-interest. »

• On notera ce message certainement américain : «  Calibrating all these positive factors, the agile Social Democrat chose the ''German way.'' And it will be interesting to observe the results when Germany takes over the temporary presidency of the U.N. Security Council in February 2003. » Cela signifie qu'un jugement ultime serait porté par les Américains sur la docilité allemande durant la présidence allemande du Conseil de Sécurité.

• Mais, finalement, tout revient à ceci, qui est un acte d'allégeance renouvelée demandé à Schröder lui-même : « Better than anybody else, the chancellor knows that personal amends without kowtowing will have to be made to George Bush and that nobody but the chancellor can make them. » Les conditions mises en évidence dans cette courte phrase reflètent l'intensité de la brouille, l'intensité des exigences américaines, surtout leur caractère passionnel. Il s'agit d'une exigence de quelque chose qui ressemble à une contrition personnelle, avec toute la dimension d'humiliation personnelle que cela implique. Bonne indication, ou plutôt confirmation éclairante du climat régnant à Washington.

Depuis la publication de ce texte, les choses ont quelque peu évolué. La position américaine, dont VFD nous laisse entendre qu'elle est très dure, rend très difficile une réconciliation dans les termes exigés par les Américains. D'autre part, Schröder a trouvé, dans sa nouvelle proximité avec la France, une position alternative qui peut s'avérer intéressante, puisque la France est par ailleurs leader de la résistance aux prétentions américaines et que le statut de puissance des USA s'est trouvée diminuée à cause des avatars rencontrés à l'ONU.

Dans tous les cas, la poursuite de la crise irakienne rend difficile la réconciliation. Effectivement, la présidence du Conseil de Sécurité par l'Allemagne sera intéressante à suivre. Il n'est plus du tout assuré qu'elle montre la docilité retrouvée des Allemands qu'exigent les Américains. Auparavant, on aura une idée du climat au sommet de l'OTAN à Prague, où Vaclav Havel, autre commissionnaire zélé, s'activera à essayer de rapprocher Schröder de GW (et non pas Schröder “et” GW, il est entendu que l'effort doit aller dans un seul sens).


[Ci-dessous, nous reproduisons le texte de FVD publié par le Washington Times. Il va de soi que ce texte doit être lu avec la mention classique à l'esprit, — “Disclaimer: In accordance with 17 U.S.C. 107, this material is distributed without profit or payment to those who have expressed a prior interest in receiving this information for non-profit research and educational purposes only.”]


Germany's fence menders at work

Par Viola Herms Drath, publié dans le Washington Times du 10 octobre 2002


Few people may have noticed the invasion of high- powered German politicians of all stripes and colors. All of them here to mend German-American relations, jettisoned by re-elected Chancellor Gerhard Schroeder's deplorable phrasing of his disapproval of a war against Iraq as an American ''adventure.'' He vowed not to support it, even if sanctioned by the United Nations. It helped him win the election. But it also earned him the wrath of the White House charging him with poisoning the ''special'' relationship.

Now leading victorious Social Democrats, joined by the defeated conservative Christian Democrats, Christian Social Unionists and liberal free Democrats, are on an extensive fence-mending expedition. Together they hope to convince members of Congress, the State Department, Pentagon and Commerce Department that German-American relations should not be impaired by linkage to Mr. Schroeder's antiwar position.

Among the many high-profile damage controllers from Berlin are two former defense ministers, the Bavarian minister of economics with an entourage of more than a dozen industrialists in tow, a former minister of economics and a German-American coordinator for former Chancellor Helmut Kohl.

Their input is to be enhanced by the arrival of Mr. Schroeder's popular Foreign Minister Joschka Fischer, whose Green Party actually won the election for the Social Democrats. Mr. Fischer let it be known that ''Germany's reliability as an ally is not open to question.'' Despite current disagreements about the best way to deal with the Iraq crisis. he asserts , ''German policy has not changed.''

As the German ambassador to this country recently stated, there are no differences of the assessment of Saddam Hussein and his possession of weapons of mass destruction. However, given the fight against al Qaeda and the Taliban, the Middle East crisis and the unfinished business if Afghanistan, there are differing approaches to timing and priority.

The Germans find themselves in an awkward position. Known and feared as a militaristic nation that was to be neutralized and ''kept down'' by the inclusion in NATO, and often ridiculed for its love of uniforms, goose-stepping soldiers and snappy salutes, Germany now has to defend itself against reproaches of its government's antiwar position. This administration seems to have forgotten that Germany's decision to built up its armed forces exclusively as an instrument of defense after World War II had been devised under Washington's guidance.

While the debate about the merits and demerits of the use of force in a pre-emptive first strike against the menacing dictator of Iraq and its internationally precedent-setting consequences are under discussion in Congress and the United Nations, the Germans find it unfair to be singled out as ingrates for taking a position shared by other nations. Not without a fierce constitutional battle, unified Germany has been making its contribution to the war in the Balkans. It is training the new police force in Kabul. It supports Washington's approach to the Israeli-Palestinian conflict and has performed well in the war against terrorism.

Clearly, Washington has been overreacting. Even a superpower would benefit from an enlightened multilateralism. What is meant by this is a nothing less than a tolerance of reasonable national self-interest.

It is ironic that Mr. Schroeder's aggressive campaign rhetoric has been compounded by his justice minister's insulting comparison of President Bush's supposed diversionary tactics with Adolf Hitler's methods, when the master of diversion, Mr. Schroeder, was looking over the critical lady's shoulder. Because of Germany's failing economy, 4 million job-seekers and an increase of bankruptcies by 10 percent costing 134,000 jobs, Mr. Schroeder's re-election chances had dropped out of sight.

Then the floods boosted his image as a leader with great social compassion. He established a fund of 7.1 billion euros to aid the victims, along with another billion from the department of transportation and another 1.2 billion from the European Union.

At the same time, he surprised everybody with a magic blueprint for economic recovery that purported to halve unemployment within three years. All that helped. But the breakthrough came when he, sizing up the political climate, joined the forces opposing war on Iraq, forces by the Greens — his coalition partner.

The gamble paid off. While his party lost votes and pulled even with the paltry 38.5 percent garnered by the conservatives, the Greens outperformed the Free Democrats with 8.6 percent to 7.4 percent and won the contest.

Mr. Schroeder rules with a thin majority of four parliamentary votes and is vulnerable to a vote of no confidence that could topple him any time. He is a risk taker. Well aware of affronting George Bush, who had been none too pleased with his Berlin reception that was marred by massive demonstrations last May, Mr. Schroeder chanced a rift with Washington he considered to be bridgeable. His assessment was based on the solidity of the more than half-century-old relationship — and its common values and virtues, its mutual economic and political interests.

The trade figures, amounting to an annual $350 billion with the EU, were robust. Investments in both directions were high, with half of German foreign investments flowing to the U.S. and, to nobody's surprise, the biggest foreign investments made by Americans in East Germany's new Laender, or constituent states.

Calibrating all these positive factors, the agile Social Democrat chose the ''German way.'' And it will be interesting to observe the results when Germany takes over the temporary presidency of the U.N. Security Council in February 2003.

Better than anybody else, the chancellor knows that personal amends without kowtowing will have to be made to George Bush and that nobody but the chancellor can make them.