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5557• Vastes perspective de la querelle entre le Canada de Trudeau et l’Inde de Modi. • Bien entendu, le charmant toutou Trudeau n’aboie jamais sans son maître et Tony Blinken, dit le Talleyrand des neocon, a décidé de faire rentrer Modi dans le rang de la cohorte des appointés du Système. •Par conséquent, toute l’affaire a fait grans spectacle à Washington pour punir Modi du communiqué du G20. • Conséquence prévisible :Modi sait désormais ce qu’est qu’être l’allié de Washington. • Parfait exemple de la diplomatie américaniste.
La querelle entre le Canada et l’Inde prend des dimensions inespérées pour notre compte et point de vue ; – “inespérées” c’est-à-dire de celles que l’on n’aurait pas cru possibles et qui se font effectivement, et qui laissent l’observateur dans sa désormais habituelle réaction de stupéfaction devant la haine de l’intelligence caractérisant le comportement des dirigeants politiques de l’anglosphère, idéologisés jusqu’à la moelle et la nausée... On ne parle pas ici de Trudeau, politicien-mignonnette de troisième zone, avec ses discours confits sur le troisième sexe et le quatrième genre, et sa dimension de tendresse énamourée pour tout ce qui n’est pas, ni Canadien, ni Blanc, ni homme, ni-etc.
On a vu les attendus et les circonstances de la querelle entre Delhi et Ottawa. On ne tranche pas sur le cas lui-même, nous n’en avons ni les moyens ni le goût, et n’en voyons absolument pas l’intérêt. Restait par contre le plus important : l’inconnu de la position américaniste-occidentaliste, alors que les USA sont engagés dans une grande opération de séduction et de récupération de l’Inde, que l’on trouve un peu trop BRICS, un peu trop proches des Russes, pas assez hostiles aux Chinois et incroyablement timides dans leur soutien absolument nécessaire à l’Ukraine de Zelenski. Washington, avec ses brillantes têtes pensantes de Blinken et de Sullivan, n’a pas vraiment digéré le communiqué du G20 concocté par l’Inde, où à aucun moment n’est amorcée une sévère condamnation de l’épouvantable agression russe.
Mais voici que Blinken est intervenu avant-hier, dans une rencontre questions-réponses avec la presse, et voici ce qu’il a dit en réponse à une question concernant le différend indo-canadien.
« Permettez-moi de dire quelques mots à ce sujet. Tout d'abord, nous sommes profondément préoccupés par les allégations du Premier ministre Trudeau. Nous avons mené des consultations très étroites avec nos collègues canadiens, – et pas seulement des consultations, mais une coordination avec eux – sur cette question.
» De notre point de vue, il est essentiel que l'enquête canadienne se poursuive, et il serait important que l'Inde collabore avec les Canadiens dans le cadre de cette enquête. Nous voulons que les responsables rendent des comptes, et il est important que l'enquête suive son cours et aboutisse à ce résultat.
» Je ne vais pas caractériser ou parler d'une autre manière des conversations diplomatiques que nous avons. Nous sommes également en contact direct avec le gouvernement indien. Encore une fois, je pense que la chose la plus productive qui puisse se produire maintenant est de voir cette enquête avancer, être menée à son terme. Et nous espérons que nos amis indiens coopéreront également à cette enquête.
» De manière plus générale, – et vous m'avez déjà entendu en parler, – nous sommes extrêmement vigilants face à toute allégation de répression transnationale, ce que nous prenons très, très au sérieux. Et je pense qu'il est important, plus généralement, pour le système international, que tout pays qui pourrait envisager de se livrer à de tels actes ne le fasse pas. C'est donc un sujet sur lequel nous nous concentrons également de manière beaucoup plus large. »
C’est Andrew Korybko qui présente cet extrait de l’intervention de Blinken, qu’il commente aussitôt en des termes catégoriques. Il est par ailleurs grandement aidé par Blinken, qui ne se dissimule absolument rien du rôle essentiel que jouent la consultation et la coopération entre les deux alliés anglo-saxons. Cela signifie que les deux pays faisant partie du réseau ‘Five Eyes’ qui organise une coopération étroite entre les renseignements nationaux de l’Australie, de Canada, de la Nouvelle-Zélande, de UK et des USA, avec la prépondérance US évidemment, il est impossible que les renseignements canadiens soient intervenus sans l’aval et le contrôle, donc l’autorisation, du renseignement US/du gouvernement US.
Korybko développe cela dans son commentaire interprétatif qui met en évidence l’attitude US dans cette affaire, sa prise de position en faveur du Canada au plus haut niveau de sa diplomatie.
« Le premier détail qui saute aux yeux est l'aveu de M. Blinken selon lequel les États-Unis ont “consulté” et “coordonné” avec le Canada sur cette question, ce qui suggère que c'est peut-être l'État de l’organisation de renseignement de l’anglosphère ‘Five Eyes’ qui aurait transmis des renseignements pertinents sur cet assassinat présumé. Deuxièmement, il n'appartient pas aux États-Unis de faire des recommandations politiques à l'Inde dans ce contexte extrêmement sensible en l'encourageant à "travailler avec les Canadiens sur cette enquête".
» Le troisième détail est l'omission flagrante de tout mécontentement implicite à l'égard de la décision du Canada de rendre cette affaire publique. En tant que diplomate, M. Blinken sait qu'il est important de rester discret sur des problèmes de ce type si l'on veut vraiment progresser, ce qui suggère que lui et, par extension, son gouvernement approuvent discrètement le fait que le Premier ministre Justin Trudeau ait fait de cette affaire un scandale mondial. Le quatrième détail s'appuie sur le précédent et concerne la terminologie employée par Blinken à la fin.
» Au lieu de rester neutre dans ce différend, il a laissé entendre qu'il considérait qu'il s'agissait d'une “répression transnationale présumée”, ce qui a conduit l'un des diplomates les plus puissants du monde à accréditer les affirmations selon lesquelles le défunt était un activiste et non un terroriste. Cela nous amène au dernier point, à savoir que les États-Unis semblent avoir tacitement pris le parti d'Ottawa dans ce différend, ce que Blinken a tenté de justifier en laissant entendre que cette position était motivée par la nécessité de dissuader d'autres assassinats présumés à l'étranger. »
La connivence US, c’est également une affirmation catégorique de la part d’un Alexander Mercouris particulièrement véhément devant ce qu’il considère comme l’abîme de sottise et d’arrogance maladroite qu’est devenue la diplomatie US.
« Beaucoup de gens à Washington sont très, très en colère contre Modi [à la suite du sommet du G20 et de la façon dont l’Inde a éviter de contrarier la Russie sur l’Ukraine]. Ils ont estimé que l’occasion était bonne de le lui faire savoir. Pour eux, c’était une façon de dire aux Indiens :
» “Écoutez, nous vous avons offert d’établir de bonnes relations, notamment avec la visite à Washington de Modi. Mais si vous continuez à travailler avec les Chinois, les Russes, etc., dans le cadre des BRICS, vous allez au contraire de notre politique malgré ce que nous vous avons dit il y a quelques mois... Si vous continuez comme ça, nous allons vous rentrer dedans méchamment”... »
Mercouris met sans la moindre hésitation en avant la colère de Washington après le G20, et l’avertissement des amis américanistes à l’Inde concerne également les BRICS. C’est en substance, dit Mercouris, la teneur du message d’un Blinken horrifié par la façon horrible dont les droits de l’homme ont été bafoués, – par les Indiens, puisque l’indépendant Premier ministre canadien le dit. En fait, c’est toute la communauté internationale représentée exclusivement par le chœur américanistes-occidentalistes qui, loin de ces pratiques barbares dont l’Inde seule (et les Russes) est évidemment coupable, pousse un cri d’horreur catalogué de première catégorie (catégorie “liquidation immédiate”).
Le ‘Rest Of the World’ en reste coi mais c’est bien ainsi que les choses vont...
D’abord, au premier abord voulons-nous dire, il est difficile de croire ce que nous lisons et entendons. Mais Blinken, le Talleyrand des neocon, a bien dit ce qu’il a dit. La remarque ci-dessus (“qui laissent l’observateur dans sa désormais habituelle réaction de stupéfaction”) est plus que jamais d’actualité. Que se passe-t-il ?
Depuis quelques années, depuis qu’il apparaît évident que l’Inde cherche à développer une “politique d’équilibre” dans ses relations avec la Russie et les États-Unis (et éventuellement la Chine), la voie tracée aux États-Unis était claire, ou du moins il nous le semblait : attirer l’Inde vers une position à la fois plus neutraliste, moins dépendante des fournitures d’armes de la Russie, et plus affirmée, de façon à prétendre devenir le leader d’un ex-Tiers-Monde (le ‘Sud Global’) moins incliné dès lors à se sentir proche de la Russie. Un quart-Kissinger ou un demi-Brzezinski peut trouver le coup jouable.
Les Indiens ont cru qu’ils pouvaient aller dans ce sens, – d’où l’affirmation peut-être un peu trop hâtive d’un Modi leader du ‘Sud Global’ à l’occasion du G20. Mais si un rapprochement des USA était effectivement envisageable et d’ailleurs plus ou moins en cours, tout cela ne pouvait en aucune façon se faire aux dépens d’une relation avec la Russie qui reste la poutre-maîtresse de la politique indienne... Il était inutile d’espérer faire comprendre cela aux dirigeants américanistes, qui sont toujours dans la confiserie du monde américanisée-global où les éclairs au chocolat et au ‘Black Lives Matter’ sont tous ornés de la bannière étoilée.
Pour les USA, d’une façon assez différente et plutôt en forme de bulldozer, la visite pompeuse et tonitruante de Modi au gâteux Biden constituait rien de moins qu’un acte éclatant de soumission de l’Inde à la politiqueSystème des USA, – point final. Comment les USA, – les Blinken, Sullivan, Nuland, Biden, – ont-ils pu avoir cette interprétation, totalement absurde du côté de l’Inde, le pays le plus peuplé du monde, un géant économique appuyé sur l’une des plus anciennes et plus riches traditions civilisationnelles de notre monde multipolaire ? Dire cela à l’intention des gens de l’hôpital psychiatrique de ‘D.C.-la folle’, c’est comme exécuter la Messe en Ré pour la foule de Disneyland ou dans l’Operation Center en alerte rouge du Pentagone.
Lorsque Blinken prend acte dans un discours de l’existence d’une situation de multipolarité à la place de l’unipolarité hégémonique post-Guerre Froide, il parle de multipolarité hégémonique. Plus ça change... Blinken veut dire par là qu’il sera ainsi plus facile de former une coalition pour écraser la Russie ou TartempionLand puisque Washington disposera ainsi, – et juste en-dessous, exactement sous son autorité seule et unique, – de plusieurs centres annexes de recrutement plutôt qu’un recrutement à organiser soi-même. Ce n’est pas un complot ni une tentation machiavélique, c’est une pure réalité telle que la dicte Washington.
Bien entendu, l’instrument central de cette attitude n’est ni technique ni même intellectuel, mais bel et bien psychologique, au niveau de la réaction involontaire de psychologies américanistes et donc complètement subverties. Par conséquent, nous répétons, ne cessons pas et ne cesserons pas de répéter :
« Il s’agit [dans la psychologie de l’américanisme] de l’inculpabilité, qui donne l’assurance de la vertu morale comme un absolu de supériorité, et de l’indéfectibilité, qui donne l’assurance de la puissance vertueuse comme un absolu de victoire complète.
» “Il est vrai que les USA sont protégés comme par une cuirasse infranchissable de toute perception acceptable de la réalité du monde (autre définition de la folie) par deux phénomènes, sortes de ‘technologies psychologiques’ absolument impénétrables. Nous en parlons et nous les répétons souvent car nous pensons qu’il faut se convaincre du phénomène et en prendre la mesure et les conséquences. Ces deux ‘technologies psychologiques’ (nous adoptons ce terme pour marquer combien tout est de moins en moins humain dans l’américanisme, jusqu’à l’humain lui-même, car la folie fait son œuvre) sont deux traits psychologiques qui relèvent de la féérie-fantasy propre à l’américanisme, et qui sont aujourd’hui exacerbées jusqu’à la folie, – soit l’inculpabilité (‘sentiment de l’absence à terme et décisivement de culpabilité de l’américanisme quelle que soit son action’) et l’indéfectibilité (‘sentiment de la certitude [de l’américanisme] de ne pouvoir être battu dans tout ce qui figure conflit et affrontement’), tels qu’ils sont explicités dans [ce texte] qui rappelle leurs caractères... ». (22 octobre 2022)
Que faut-il ajouter à cela ? Pas grand’chose, sinon que les deux stars de l’anglosphère, – le duo de charme Blinken-Trudeau, – ont réussi, en un coup, à fortement resserrer les liens entre l’Inde et la Russie, à faire avancer la résolution des conflits frontaliers de l’Inde avec la Chine et à renforcer encore un peu plus l’aventure des BRICS. Comme on voit, Blinken est un virtuose du billard à trois bandes tandis qu’il est à espérer que Modi soit définitivement sorti du brouillard.
Mis en ligne le 24 septembre 2023 à 16H10